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Liban - Décryptage

Le refus de l’implantation des réfugiés au cœur des travaux du Comité de dialogue libano-palestinien

Pour la première fois depuis l’arrivée des réfugiés palestiniens au Liban, leur implantation est un risque sérieux. Cette phrase n’est pas celle d’un politicien ou d’un analyste. Elle provient du président du Comité de dialogue libano-palestinien, Hassan Mneimné, nommé à la fin de 2014 par le Premier ministre de l’époque Tammam Salam.

Selon lui, ce sujet est particulièrement sensible au Liban, d’autant qu’il a souvent fait partie des surenchères internes. Mais aujourd’hui, avec les fuites sur ce qu’on appelle « le deal du siècle » (dont les points devraient être annoncés publiquement aux alentours du 10 juin), il ne s’agit plus de déclarations purement politiques destinées à la consommation interne. Il est clair que le président américain actuel Donald Trump est soucieux d’exécuter toutes ses promesses électorales. Et l’une d’elles porte sur le règlement du conflit israélo-palestinien, selon sa propre vision. Il a déjà exécuté ce qui n’était jusqu’à présent qu’une promesse américaine de déplacer l’ambassade de son pays de Tel-Aviv vers Jérusalem. Il a aussi reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan et rien ne l’empêchera dans ce sillage de décider de garder les réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil, dont le Liban. Il a d’ailleurs déjà commencé par arrêter le financement américain de l’Unrwa. Pour l’instant, les pays européens et ceux du Golfe ont assuré la différence, mais il s’agit d’un arrangement provisoire et le problème exige une solution radicale. Il y a donc un risque sérieux que le fameux plan américain de règlement du conflit israélo-palestinien officialise le refus du droit au retour des réfugiés palestiniens et ainsi leur implantation dans les pays d’accueil. Même s’il est aussi possible que l’administration américaine reporte l’annonce de son plan, si elle voit que le terrain n’est pas encore suffisamment préparé pour l’accepter.

Pour Hassan Mneimné, l’implantation des Palestiniens au Liban n’est donc pas une fatalité. Mais il faudrait que les Libanais qui sont d’accord sur cette question passent à l’étape suivante qui est celle de préparer une vision unifiée et un plan d’action. Pour l’instant, deux obstacles majeurs se dressent face à l’application des supposées propositions américaines. Le premier consiste dans le refus total des Palestiniens, toutes tendances confondues, de tout projet qui ne leur donne pas leurs droits, et le second consiste dans les réserves israéliennes, notamment de la part de l’extrême droite, au sujet de certaines concessions inévitables.

Mais le fait de miser sur les entraves régionales ne suffit pas. Les Libanais doivent faire preuve de sérieux dans l’approche de ce dossier et laisser de côté les surenchères politiques. Ils doivent aussi avoir une position ferme et résister aux pressions essentiellement économiques qui risquent de s’aggraver. Ils doivent enfin dépassionner le débat et assainir leurs relations avec les Palestiniens présents sur leur territoire. C’est là qu’intervient le rôle du Comité que préside Hassan Mneimné.

Sur son impulsion, cette commission a d’ailleurs créé un comité libanais formé des représentants de toutes les parties politiques, qui s’est réuni pendant deux ans au rythme de deux réunions hebdomadaires pour aboutir à une vision commune sur tout ce qui touche à la présence palestinienne au Liban.

C’est d’ailleurs dans le cadre de cette vision commune qu’un recensement précis sur la présence des Palestiniens dans les 12 camps officiels et les quartiers limitrophes a été effectué. L’opération a été réalisée par la direction générale des statistiques, en coopération avec le service central palestinien pour les statistiques. Il est ainsi apparu que le nombre de réfugiés palestiniens au Liban est de 174 224. Le chiffre a été critiqué par de nombreuses parties politiques qui préfèrent parler de 450 000, en se basant sur les registres de l’Unrwa, qui n’ont pas été actualisés depuis longtemps (les morts n’ont pas été retirés ni ceux qui ont quitté le Liban à différentes périodes). Aujourd’hui, par exemple, dans le camp de Chatila, la moitié des habitants sont palestiniens et l’autre moitié syriens, égyptiens ou d’autres nationalités. Il faut préciser, à cet égard, que le recensement se fait à un moment précis et que les données ne sont pas stables.

Pour Hassan Mneimné, le chiffre de 174 224 n’est pas avancé pour rassurer les Libanais ou pour minimiser l’impact de la présence palestinienne au Liban. Il s’agit de données scientifiques qui ne doivent pas empêcher l’État libanais de chercher une solution de rechange à l’éventualité de l’implantation. La commission qu’il préside cherche ainsi à étudier les conditions de vie des Palestiniens dans les camps pour essayer de les aider à les améliorer, qu’il s’agisse de l’infrastructure (eau, électricité) ou des aspirations des jeunes à un travail décent. Ces démarches ne visent pas à favoriser l’implantation. Au contraire, celle-ci est liée à la nationalité qu’il est hors de question d’accorder aux réfugiés palestiniens. Mais cela ne devrait pas empêcher les Libanais d’accorder aux Palestiniens le droit à une vie digne. C’est dans cet esprit que la commission souhaite renforcer le dialogue entre les Palestiniens et les Libanais pour aboutir à une vision commune de leur présence au Liban. C’est certainement un grand défi, mais le devoir pour les Palestiniens et pour les Libanais est de le relever. Dans ce but, la commission a décidé de publier un bulletin trimestriel appelé « Joussour » qui aborde toutes les questions communes, même les plus délicates dans un esprit constructif. Elle fait aussi des propositions et cherche des financements. Mais le problème, c’est que ce sujet suscite encore les passions et qu’il est souvent abordé sous l’angle de la peur, des illusions, du populisme et de l’intérêt particulier. Pourtant, dans la tourmente actuelle régionale, les Libanais ne peuvent pas se permettre de perdre du temps dans les détails au lieu d’aller à l’essentiel.


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Pour la première fois depuis l’arrivée des réfugiés palestiniens au Liban, leur implantation est un risque sérieux. Cette phrase n’est pas celle d’un politicien ou d’un analyste. Elle provient du président du Comité de dialogue libano-palestinien, Hassan Mneimné, nommé à la fin de 2014 par le Premier ministre de l’époque Tammam Salam. Selon lui, ce sujet est particulièrement...

commentaires (7)

Avant 1920, la Palestine comprenait encore la Transjordanie. Les Anglais afin que le chérif Hussein du Hedjaz se joigne aux alliés contre les Ottomans, lui promirent de créer deux royaumes pour ses deux fils Abdallah et Hussein. C'est ainsi qu'ils détachèrent la Transjordanie de la Palestine et installèrent à sa tête le prince Abdallah. Ils avaient promis de créer un royaume au Levant (Liban-Syrie) au prince Fayçal, mais la victoire du général Gouraud sur les forces du Royaume arabe de Syrie à Khan Mayssaloun le 20/7/1920 mit fin à ses rêves. Les Anglais lui créèrent alors le royaume d'Iraq. Conclusion : Si "le deal du siècle" doit être appliqué, la destin des réfugiés palestiniens au Liban, est en Jordanie (ex-Transjordanie palestinienne) dont la superficie est 89.342 km2 est 8,5 fois plus grand que le Liban.

Un Libanais

17 h 21, le 16 mai 2019

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Commentaires (7)

  • Avant 1920, la Palestine comprenait encore la Transjordanie. Les Anglais afin que le chérif Hussein du Hedjaz se joigne aux alliés contre les Ottomans, lui promirent de créer deux royaumes pour ses deux fils Abdallah et Hussein. C'est ainsi qu'ils détachèrent la Transjordanie de la Palestine et installèrent à sa tête le prince Abdallah. Ils avaient promis de créer un royaume au Levant (Liban-Syrie) au prince Fayçal, mais la victoire du général Gouraud sur les forces du Royaume arabe de Syrie à Khan Mayssaloun le 20/7/1920 mit fin à ses rêves. Les Anglais lui créèrent alors le royaume d'Iraq. Conclusion : Si "le deal du siècle" doit être appliqué, la destin des réfugiés palestiniens au Liban, est en Jordanie (ex-Transjordanie palestinienne) dont la superficie est 89.342 km2 est 8,5 fois plus grand que le Liban.

    Un Libanais

    17 h 21, le 16 mai 2019

  • Les voyageurs qui aiment regarder par le hublot de leur avion qui survole la Jordanie en route vert l'aéroport de Beyrouth peuvent "admirer " ,durant de longues minutes ,ces terrains vagues inhabités à l'aspect désertique,aride et inhospitalier . Ces terrains qui pourraient recevoir des centaines de milliers de réfugiés palestiniens ou /et syriens qui par un coup de chance y seront implantés , pourraient transformer ces terres incultes en une oasis de richesse inimaginable pour le pays d'accueil . Le marché du siècle qui n'est pas loin de cette perspective , pourrait offrir une solution efficace et bénéfique qui soulagerait le Liban, d'autant que ces réfugiés sont du même tissu communautaire que la quasi totalité des jordaniens .

    Hitti arlette

    11 h 28, le 16 mai 2019

  • Merci de ne pas tenir compte de cette faute de frappe au plaisir de vous lire !!!!! et non (?). Avec plaisir bien sûr et admiration. Bonne continuation. C.F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    11 h 09, le 16 mai 2019

  • Vous écrivez également : ""Ces démarches ne visent pas à favoriser l’implantation. Au contraire, celle-ci est liée à la nationalité qu’il est hors de question d’accorder aux réfugiés palestiniens..."" Le danger est là : l’obtention d’une nationalité étrangère, ou des facilités pour l’établissement dans un pays d’accueil mènent au renoncement ? Pas si sûr ! On ne va pas se mentir sur ces ""démarches"". Si vous interrogez les Libanais ou surtout les Palestiniens émigrés au Canada, sur leurs intentions au retour, déjà la question leur fait rire… Les aides de l’Etat providence, la ""dolce vita"", et surtout la liberté y sont pour quelque chose… Au plaisir de vous lire ? Bonne continuation. C.F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 53, le 16 mai 2019

  • Vous écrivez : ""Il est ainsi apparu que le nombre de réfugiés palestiniens au Liban est de 174 224. Le chiffre a été critiqué par de nombreuses parties politiques qui préfèrent parler de 450 000, en se basant sur les registres de l’Unrwa, qui n’ont pas été actualisés depuis longtemps (les morts n’ont pas été retirés ni ceux qui ont quitté le Liban à différentes périodes)."" Mais c’est gravissime que les morts ne sont pas comptabilisés, sans doute pour gonfler le montant de l’aide de l’ONU. D’aucuns voient un autre signe de fraude…. On ne va se quereller pour des chiffres 174,224 ou 450,000, le dossier palestinien n’est pour l’instant qu’un parmi d’autres… Si l’on tient en compte la course à la ""pêche miraculeuse"", en méditerranée, et surtout le tracé des frontières… C.F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 44, le 16 mai 2019

  • Vous écrivez : ""Pour la première fois depuis l’arrivée des réfugiés palestiniens au Liban, leur implantation est un risque sérieux. Cette phrase n’est pas celle d’un politicien ou d’un analyste."" On a fait miroiter aux Palestiniens tellement de promesses, de possibilités, qu’ils sont finalement condamnés à choisir entre peste et choléra. Ce n’est plus un risque sérieux, car les signes pour une installation définitive ne trompent pas. Exemple : la reconstruction de Nahr el Bared qui sera un village apprécié pour sa douceur de vivre, modèle d’intégration et de vivre-ensemble… et où l’on ne parlera plus de réfugiés mais d’immigrés palestiniens… Deuxième signe, la ""cantonisation"" du pays, enjeu essentiel de la guerre, devrait faciliter leur intégration et nous éviter une ""ghettoïsation"", pour disparaître dans le tissu social… et c’est très très bien ainsi… On pourrait multiplier les exemples, mais que décide-t-on dans les coulisses des négociations et quel est l’avis de l’Autorité palestinienne ? Quel progrès a marqué les négociations depuis 2014 ? On verra donc le deal du siècle aux environs du juin, dont acte… C.F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 36, le 16 mai 2019

  • Avez-vous déjà constaté, depuis des décennies que ce problème existe, un quelconque succès de la part des ces très nombreux comités de toutes couleurs ? "...accorder aux Palestiniens le droit à une vie digne..." Dites, tous les Libanais ont-ils "une vie digne" ? Nos responsables sont incapables de la procurer à leurs propres citoyens libanais...alors aux Palestiniens ? "...les Libanais ne peuvent se permettre de perdre du temps dans les détails au lieu d'aller à l'essentiel..." C'est à dire: de faire les volontés de Trump et d'Israël ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 46, le 16 mai 2019

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