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Liban - Affaire Rachid Joumblatt

Au PSP, on pense que « les abus de Bassil auront raison du mandat »

Le militant était toujours en détention hier après son arrestation lundi par la Sécurité de l’État pour diffamation contre le chef du CPL.

Les jeunes du PSP manifestant hier contre la résurgence de l'État policier. Photo tirée du site d'al-Anbaa, média du PSP

L’activiste Rachid Joumblatt, membre du Parti socialiste progressiste, était toujours en détention provisoire hier, après son arrestation la veille par la Sécurité de l’État pour diffamation contre le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, dans une vidéo qu’il avait publiée sur Facebook en mars dernier.

Il y commentait le discours de M. Bassil lors de la messe célébrée à Deir el-Qamar, dans le Chouf, avec le chef du PSP Walid Joumblatt, sous le signe de la réconciliation, en mémoire des chrétiens victimes de massacres perpétrés en représailles à l’assassinat du leader druze Kamal Joumblatt, en mars 1977.

M. Bassil était alors revenu sur le conflit de 1860 entre chrétiens et druzes et avait dit « pardonner aux druzes » leurs actes, tout en les stigmatisant ; il avait omis toute mention de Walid Joumblatt ; sa référence à Deir el-Qamar, avec l’accent mis sur le mot « Deir » qui signifie « couvent » rejoignait sa tendance à consacrer cette ville comme bastion chrétien du Chouf. Dans sa vidéo, Rachid Joumblatt compare Gebran Bassil à Tanios Chahine, meneur de la révolte paysanne dans le Kesrouan en 1859 contre les féodaux, qu’il a élargie au Metn et à Jbeil, multipliant des assauts contre des druzes au nom de la protection des droits des chrétiens dont il se faisait le promoteur. Ces violences ont catalysé les événements de 1860. Rachid Joumblatt rappelle ensuite que d’autres chrétiens lui avaient tenu tête, précisément Youssef bey Karam, qui a mené la rébellion contre l’Empire ottoman en 1866-1867, créant un embryon de nationalisme libanais. Et Rachid Joumblatt de faire valoir qu’il y a aujourd’hui deux Youssef bey Karam au moins à même de tenir tête à Gebran Bassil.

La Sécurité de l’État, qui a annoncé l’arrestation de Rachid Joumblatt lundi dans un communiqué, a présenté la vidéo comme « visant à provoquer et créer des dissensions communautaires, dont se sont plaints de nombreux citoyens (de Deir el-Qamar, NDLR) ». C’est pour « préserver l’autorité de l’État, empêcher toute division et appliquer la loi (que) la Sécurité de l’État a arrêté cette personne, sur ordre du procureur général près la Cour d’appel du Mont-Liban et a procédé à son interrogatoire ».


(Pour mémoire : La famille d’Abou Faraj retire sa plainte contre l’accusé)


« Des juges sur écoute »
Cette arrestation survient quelques jours après la descente de la Sécurité de l’État au palais Bustros et sa perquisition du siège du quotidien al-Akhbar pour les besoins d’une enquête sur la fuite de procès-verbaux rédigés par l’ambassadeur du Liban à Washington de réunions entre des responsables libanais et américains, publiés en avril dernier par al-Akhbar. Ces deux opérations ont été ordonnées par la justice après une plainte déposée par Gebran Bassil – sans que la compétence de la Sécurité de l’État en la matière ne soit justifiée.

L’arrestation de Rachid Joumblatt survient donc dans un contexte de multiplication des mesures répressives touchant particulièrement les blogueurs et les journalistes qui critiquent le mandat, consacrant ainsi ce qui semble être la nouvelle manière de faire de Gebran Bassil : solliciter le concours de la Sécurité de l’État dans les affaires qui le concernent, par le biais de la justice. C’est ce qui fait dire à un cadre du PSP contacté par L’Orient-Le Jour son souhait que « la justice soit à l’abri des ingérences politiques et fasse preuve d’indépendance ». Certains juges seraient, selon lui, « mis sur écoute ».


Ce sera la fin du mandat…
La double perquisition du palais Bustros et du siège d’al-Akhbar avait amené le chef du PSP Walid Joumblatt à se demander jeudi dernier via Twitter s’il n’y a pas un retour au Deuxième bureau, ou encore à la tutelle syrienne.

Hier, les jeunes du PSP ont organisé un sit-in dans le jardin Samir Kassir, dans le centre-ville de Beyrouth, pour dire « non à “l’État policier” ».

La bataille engagée par le PSP est « une bataille de libertés publiques dont la protection n’est pas discutable », affirme le cadre du parti, en formulant une mise en garde contre le pouvoir : « Les limites à la liberté d’opinion finiront par avoir raison du mandat…et de Gebran Bassil. »

Les milieux du PSP, qui tendent à minimiser le poids du ministre, écartent l’hypothèse d’un appui implicite du Hezbollah en sa faveur, qui expliquerait le mutisme officiel face à ces actions.

Selon eux, le gendre du président de la République chercherait simplement à « prouver qu’il est un acteur fort du jeu politique ». Sauf qu’il « omet l’existence d’une conjoncture qui le dépasse : jamais régime répressif n’a durablement sévi au Liban. Et les abus du Sultan Sélim (Sélim el-Khoury, frère de l’ancien président Béchara el-Khoury) ont abouti à la révolution blanche de 1952 (ayant mis fin précocement au second mandat de Béchara el-Khoury, NDLR) ».

Les démarches de M. Bassil n’auraient donc pas de portée stratégique. Le député Marwan Hamadé, membre du bloc joumblattiste, qui réagissait à l’attaque revendiquée par les houthis contre des installations pétrolières en Arabie, a choisi d’« attirer l’attention des hautes autorités du pays sur l’impératif de se pencher sur les erreurs stratégiques survenant dans la région, plutôt que de se focaliser sur la répression des libertés dès que quelqu’un critique la famille régnante ».


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