Des manifestants portant une croix devant un cordon de sécurité des FSI à Mansouriyé, le 8 mai 2019. Photo fournie par Suzanne Baaklini
De nouvelles échauffourées ont opposé mercredi pour le deuxième jour consécutif des habitants de Mansouriyé, située au sud-est de Beyrouth, aux forces de l'ordre déployées dans le secteur. Les riverains protestent contre l'installation par la force de lignes à haute-tension dans leur localité. Ils craignent que l'installation des ces câbles à proximité d'habitations et d'écoles n'ait un impact sur leur santé et leur sécurité.
Les manifestants, parmi lesquels Élias Hankache, député Kataëb du Metn, et l'ancien ministre Alain Hakim, ont bloqué dans la matinée la route de Beit-Méry, au milieu d'une présence massive de la police. Ces manifestants ont ensuite tenté de forcer le cordon de sécurité des Forces de sécurité intérieure autour du site des travaux effectués par les techniciens du ministère de l’Énergie. Les agents des FSI ont alors tenté de repousser par la force ces manifestants. Une personne a été blessée à la tête par un coup de matraque.
Selon certains habitants sur place, la situation s'est envenimée lorsqu'un manifestant a été dégagé de force par les policiers puis brièvement arrêté, avant d'être relâché après l'intervention de M. Hankache, qui soutient depuis le début le mouvement de contestation. "Les travaux d'installation de ces lignes à haute tension doivent cesser, ou alors nous aurons recours à des mesures d'escalade", a déclaré le député Kataëb à la chaîne locale LBCI. "Nous n'avons aucun problème avec les forces de l'ordre, mais plutôt avec les vrais responsables de cette situation qui se comportent avec arrogance avec les gens", a-t-il également déclaré selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Le député a ensuite appelé les députés du Metn "à se solidariser avec les habitants de Mansouriyé-Aïn Saadé".
Interrogés, des habitants ont réaffirmé que leur mouvement allait se poursuivre "en attendant une solution à ce problème".
Le curé de la paroisse, le père Dany Ephrem, était également présent sur les lieux de la manifestation, brandissant une croix. "Nous manifestons pacifiquement, nous, le peuple chrétien, le peuple libre qui n'a pas peur. Même durant la période ottomane, personne ne s'en était pris à un prêtre ou à la croix", a-t-il déclaré.
"Menotté et emmené comme un criminel"
La veille, des échauffourées similaires avaient éclaté dans la localité. Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, avait exprimé son "mécontentement", condamnant "toutes les formes de violence entre les forces de sécurité et les habitants, qui protestent contre la mise en œuvre d'une décision administrative qu'ils estiment préjudiciable à leur santé et celle de leurs enfants".
Dans ce contexte, un Libanais a été arrêté après avoir critiqué et insulté la veille le président de la République, Michel Aoun, et son gendre, le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, rapportent des médias locaux.
Selon la radio Voix du Liban (VDL 100.3 et 100.5), il s'agit de Daoud Moukheiber. La radio ne précise pas qui a arrêté cet homme.
Une vidéo de son arrestation circule largement sur les réseaux sociaux. Elle a été postée par la députée Paula Yaacoubian sur son compte Twitter. "Un Etat de la honte et un mandat de musellement de la parole, d'oppression, et d'ingérence flagrante dans la justice. Daoud Moukheiber, un octogénaire, a été menotté et emmené comme un criminel parce qu'il a critiqué et parlé", a-t-elle écrit.
Mardi, une autre vidéo avait largement circulé sur les réseaux sociaux, et dans laquelle Daoud Moukheiber s'en prend au chef de l'Etat, au ministre des Affaires étrangères, et à la ministre de l'Energie, Nada Boustani, tous étant issus de la même formation politique, le Courant patriotique libre, fondé par le président Aoun.
"Méthodes policières"
Plusieurs responsables ont réagi à cette affaire opposant les forces de l'ordre aux habitants de la localité. Le Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt a ainsi condamné "les méthodes policières, sécuritaires et autoritaires contre les habitants sans défense de la région de Mansouriyé, qui font usage de leur droit légitime à protester pacifiquement contre les menaces d'expropriation et sur la santé de leurs enfants".
Le député Samy Gemayel, président du parti Kataëb, a lui aussi apporté son soutien aux manifestants, estimant que le droit de manifester est "sacré". "Imposer des décisions injustes par la force est inacceptable", a-t-il écrit sur Twitter. Il a appelé à aborder le problème "avec précaution", en se basant sur la feuille de route proposée la veille par le patriarche maronite Béchara Raï.
L'évêque de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, a également condamné les échauffourées. "Les habitants ont peur pour la santé de leurs enfants. Nous demandons l'arrêt immédiat des travaux et appelons les responsables à réfléchir sérieusement à des alternatives qui existent, moins onéreuses que d'indemniser les propriétaires des maisons" dans ce secteur.
Le ministre de l'Information, Jamal Jarrah, a pour sa part rappelé que "les forces de l'ordre appliquent la décision du Conseil des ministres en vertu du plan pour la production du courant électrique et il est inacceptable de s'en prendre à elles". Le gouvernement estime qu'il n'y a "pas de dangers pour les habitants", citant "des rapports établis par des instances internationales, a-t-il ajouté. Le ministre a enfin rappelé que l'Etat avait "proposé de racheter les appartements des habitants qui s'estiment lésés à Mansouriyé mais n'avait reçu aucune demande en ce sens".
"Des rapports scientifiques d'organisations internationales ont confirmé que les lignes (à haute tension) à Mansouriyé n'étaient pas préjudiciables à la santé des citoyens, a également déclaré la ministre de l’Energie Nada Boustani, depuis Bkerké. Nous avons présenté plusieurs solutions au patriarche Béchara Raï et une autre réunion doit avoir lieu demain à ce sujet".
Mi-avril, un nouveau round de contestation contre l'installation de ces câbles avait été lancé par les habitants de plusieurs localités du Metn. Ce regain de tension avait été provoqué par la publication du plan de réforme du secteur de l'électricité, présenté par Nada Boustani. Ce plan prévoit de "demander aux Forces de sécurité intérieure d’assurer des agents en nombre suffisant pour accompagner les employés d’EDL et les aider à accomplir leur mission, notamment pour compléter l’installation du réseau de 220 kilovolts dans la région de Mansouriyé". Il demande en outre à l’armée libanaise de "soutenir les FSI dès que le besoin se fait sentir et de faire preuve de fermeté dans la réalisation de la mission".
Pour mémoire
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PRIERE LIRE, HONTE A QUI ONT MELE LA CROIX ETC... MERCI.
17 h 54, le 09 mai 2019