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Liban - Conflit

Haute tension à Mansouriyé : les contacts effectués empêcheront-ils un nouveau clash aujourd’hui ?

Les habitants ont coupé hier la route principale de la localité pour se faire entendre et se préparent à un nouveau round de contestation ce mercredi.

Des ouvriers hissant des câbles et une poulie sur un pylône hier dans le quartier de Mansouriyé-Aïn Najem.

À Mansouriyé-Aïn Najem, la lutte des habitants contre l’installation, par les autorités, d’une ligne à haute tension passant juste au-dessus de leurs habitations et de plusieurs écoles n’a jamais autant ressemblé au combat de David contre Goliath.

Au sommet d’un pylône de plusieurs dizaines de mètres de haut, jouxtant des immeubles résidentiels qui paraissent minuscules près de lui, des hommes s’affairent à hisser des câbles et une poulie, exécutant une décision du gouvernement. Sous la pression de manifestants qui ont coupé la route principale de Mansouriyé, un axe très fréquenté, les travaux sont interrompus vers 13h. Mais parmi les manifestants, personne ne se fait d’illusions : les ouvriers seront de nouveau là le lendemain, comptant sur un retour au calme. Voilà pourquoi le mot d’ordre a été donné juste avant la fin du sit-in hier : nouveau rassemblement aujourd’hui dès huit heures.Hier, la matinée avait mal commencé. Surpris par l’arrivée des équipes d’installation accompagnées d’un dispositif impressionnant des forces antiémeute des Forces de sécurité intérieure, les quelques habitants qui se trouvaient sur place sont descendus protester et tenter d’empêcher l’inévitable, bientôt rejoints par le député Élias Hankache (Kataëb) et par le curé de la paroisse, le père Dany Ephrem. Ce premier face-à-face ne s’est pas passé sans heurts : alors qu’ils tentaient de bloquer le passage des équipes qui, de surcroît, foulaient un terrain privé sans autorisation préalable selon eux, les habitants se sont fait bousculer par les forces de l’ordre, qui n’ont pas épargné le député Hankache ni le père Ephrem qui tentait de s’interposer pour ramener le calme. De nombreuses vidéos de ces échauffourées ont circulé sur le net. Dans un communiqué, les FSI regrettent « ces scènes de bousculade », affirment que des agents ont été blessés (ce que nient les habitants) et assurent exécuter les ordres.

Alors, que peut-on attendre aujourd’hui ? Après l’arrêt des travaux hier, le bruit a circulé que le député Ibrahim Kanaan (Courant patriotique libre) a effectué des contacts pour obtenir cette interruption. Interrogé par L’Orient-Le Jour, celui-ci confirme « avoir parlé à la ministre de l’Intérieur Raya el-Hassan afin de mettre un terme à l’installation de ces lignes par la force, ce qui a complété l’action des habitants sur le terrain ». Cela signifie-t-il que le travail est définitivement arrêté pour autant ? « Je ne peux pas le certifier, dit-il. Le problème, c’est que cette action est entreprise sur ordre du gouvernement et non d’un ministère donné. Voilà pourquoi j’ai demandé à me réunir avec le Premier ministre Saad Hariri durant les prochaines heures. Mais tant que le gouvernement n’en aura pas décidé autrement, je ne suis sûr de rien. » À ceux qui le critiquent, M. Kanaan assure qu’il n’a pas arrêté de défendre cette cause, mais que « je ne suis pas le gouvernement » et qu’il préconise depuis longtemps l’installation des lignes sous terre pour laquelle il a présenté un projet de loi.

M. Hankache, pour sa part, s’est rendu à Bkerké pour y rencontrer le patriarche maronite Béchara Raï. « Le communiqué que le patriarche a publié après cela, où il se dit contrarié par ce qui s’est passé à Mansouriyé, devrait changer la manière dont on traite cette question », dit-il à L’OLJ. En effet, en soirée, une information a fait état d’une conversation entre la ministre de l’Énergie, Nada Boustani, et le patriarche Raï, au cours de laquelle « il a été convenu que la force ne doit pas être utilisée pour installer ces lignes » et qu’ « il faut privilégier le dialogue en vue d’une solution qui satisfera toutes les parties ».

Les habitants de ce quartier de Mansouriyé-Aïn Najem combattent l’installation de cette ligne de 220 kilovolts depuis… 2005. À leur niveau, la ligne à haute tension ne respecte pas les reculs recommandés dans le cadre des normes internationales, passant juste au-dessus de leurs toits et de celui de plusieurs écoles des environs. Ils craignent évidemment l’exposition continue à un champ électromagnétique de grande ampleur, dont les effets sur la santé sont de plus en plus démontrés, mais aussi le danger du contact électrique. Leur revendication est simple : faire passer les lignes sous terre, notamment sous la chaussée.


« Les autorités ne veulent pas entendre les arguments scientifiques »

Au-delà de la grogne contre le pouvoir politique, les manifestants expriment une véritable angoisse, décrivant une chape de plomb qui pèse sur eux depuis des années. « Mes enfants angoissent à la simple idée de l’installation de ces lignes, explique une mère. Mon fils de quinze ans fait des recherches sur les dangers de la proximité des lignes à haute tension. Il n’y a rien de sorcier, si les autorités voulaient s’informer, elles l’auraient fait sans problème. »

Hier d’ailleurs, des élèves, parfois de quinze ans à peine, avaient quitté les bancs de l’école pour manifester. « Toute mon enfance, la directrice de notre école, qui se trouve dans le quartier, interrompait les cours pour nous demander de manifester contre cette ligne à haute tension, mais les autorités ne veulent pas entendre les arguments scientifiques », déplore une étudiante de 20 ans parmi les manifestants. « Ma fille porte une prothèse auditive, il lui suffit de passer sous une ligne à haute tension pour ne plus rien entendre, comment va-t-elle vivre alors que les câbles vont passer à dix mètres au-dessus de notre maison ? » lance un père désespéré. « Nos enfants respirent un air pollué, mangent une nourriture polluée, boivent une eau polluée, et maintenant on veut les exposer au champ électromagnétique », s’indigne Gisèle, une jeune mère qui se dit « désabusée » par le pays.

Les manifestants, toutefois, se disent déterminés « à aller jusqu’au bout », comme Nicole et Carole, qui ne comptent pas « quitter leur domicile quoi qu’il arrive ». Le père Ephrem assure, pour sa part, que « les contestataires ont encore beaucoup de cartes en main, et la lutte est encore longue ».

Pour Carole Ibrahim, une autre habitante et militante de longue date, « cette contestation aura des conséquences à long terme puisque de tels pylônes devraient être installés dans différentes régions. Notre insistance pour qu’ils soient enterrés ici est importante pour la suite des événements ». Le militant Raja Noujaim, qui suit de près cette question, critique la propension du gouvernement « à affirmer qu’il est normal de vivre exposé à un champ électromagnétique de 100 microteslas (alors que la limite est de 0,3), poussant l’arrogance jusqu’à obliger le mohafez à prendre une décision qui enfreint plusieurs lois en vigueur ».


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commentaires (4)

L,ABRUTISSEMENT NE FRAPPE PAS UNIQUEMENT NOS ABRUTIS.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 23, le 08 mai 2019

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • L,ABRUTISSEMENT NE FRAPPE PAS UNIQUEMENT NOS ABRUTIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 23, le 08 mai 2019

  • Le malheur de ces gens est qu'ils ne sont pas du Hezbollah

    M.E

    09 h 23, le 08 mai 2019

  • Enterrer les lignes ne résout pas le problem ! le champs électromagnétiques sera toujours la, un peut plus fort car a une distance plus proche !. l'enterrement des lignes est fait uniquement pour des mesures esthétique et psychologique ! Enfin a 1200 microtesla, dans leur malheur ces gens pourrait simplement mettre une bobine dans leur salon pour produire gratuitement de l'électricité par couplage :) ou un tube neon relié d'une seule extrémité a la Terre pour avoir de l'éclairage gratuit.

    Aboumatta

    07 h 45, le 08 mai 2019

  • « les contacts effectués empêcheront-ils un nouveau clash aujourd’hui » J’espère que les court-circuits ont « coupé » tout contact. 220KV, ça fait des étincelles, des dégâts, ça cause le cancer, ça fait pas des clashs; (excusez le libanisme). 220KV à quelques mètres de distance des citoyens, c’est dangereux, grave et irresponsable. J’en appelle aux ingénieurs. Réagissez, c’est vraiment honteux. Madame la ministre renseignez-vous, vous avez quand même fait vos études (de finance) dans un pays civilisé, vos conseillers (ingénieurs électriciens) connaissent la loi de Maxwell.

    Evariste

    01 h 14, le 08 mai 2019

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