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Moyen Orient et Monde - Éclairage

« Sissi City », un refuge « contre les citoyens » égyptiens ?

Le projet pharaonique de nouvelle capitale administrative égyptienne répond à des considérations démographiques, mais aussi à des objectifs politiques.


Une maquette de la nouvelle capitale égyptienne présentée à Charm el-Cheikh. Photo Reuters

À 45 kilomètres à l’est du Caire, des immeubles fendent tout d’un coup la monotonie du désert. Cette cité qui émerge à l’horizon n’est autre que le chantier de la future capitale administrative de l’Égypte lancé en grande pompe par le président Abdel Fattah al-Sissi en 2015. Les chiffres donnent le vertige : sortie du néant en 2016, la ville devrait avoir à terme une superficie de 700 km2 (contre 210 pour Le Caire) et accueillir plus de 6 millions d’habitants d’ici à 20 ans, le tout pour un coût total astronomique estimé à 45 milliards de dollars. Le futur centre administratif aime s’attaquer à des records : la Nile Tower avec ses 385 mètres de haut devrait être la plus haute tour d’Afrique alors que la cathédrale de la Nativité du Christ sera la plus grande église du Moyen-Orient.

L’objectif est d’offrir une bouffée d’oxygène nécessaire à la capitale égyptienne qui devrait compter 40 millions d’habitants en 2050, selon les estimations. « La grande majorité de l’étouffante bureaucratie du Caire est dans le centre-ville, et la relocaliser allégera l’encombrement et libérera de la place pour des projets résidentiels ou urbains », confie à L’OLJ Mirette Mabrouk, directrice du programme égyptien au Middle East Institute. Avec aujourd’hui plus de 100 millions d’habitants, l’Égypte est déjà le plus peuplé des pays arabes et, selon un rapport de l’Institut français d’études démographiques (INED), 95 % de sa population se concentre sur 5 % du territoire. Malgré les différentes campagnes gouvernementales visant à réduire la natalité, la croissance démographique conserve un rythme effréné et ce sont 2,5 millions de nouveaux citoyens auxquels il faut fournir logements et services publics chaque année, dont près d’un quart rien que pour Le Caire. La question des alternatives à ce projet tout en répondant à la crise démographique s’est posée pour beaucoup d’experts, notamment une rénovation urbaine de grande ampleur du Caire, un projet que Mirette Mabrouk écarte rapidement : « Cela aurait été possible s’il y avait eu moins de pressions sur la ville », affirme-t-elle. « Il y a chez les dirigeants égyptiens une obsession de la conquête du désert et la croyance qu’il est plus simple de partir de rien que d’agir sur ce qui existe déjà », explique pour sa part à L’OLJ Roman Stadnicki, maître de conférences à l’Université de Tours.


(Pour mémoire : La révision constitutionnelle prolongeant la présidence Sissi approuvée à 88,83 %)

Projet « excluant »

Une considération politique semble dans le même temps sous-tendre cette décision de construire un épicentre du pouvoir ex nihilo. Cette future capitale, que certains surnomment « Sissi City », est le projet politique et symbolique du chef de l’État égyptien. Si le projet réussit, « ce sera pour Sissi une façon d’exister politiquement », confie Roman Stadnicki. Car cette nouvelle capitale luxuriante et futuriste en plein désert sera associée au président en « lui donnant l’image d’un modernisateur du pays qui a permis de créer un nouveau centre moderne à l’image des centres économiques occidentaux », poursuit Mousbah Rajab, urbaniste à l’Université libanaise. Cette nouvelle capitale semble répondre à une seconde logique, celle d’un urbanisme sécuritaire visant à protéger l’espace public, d’autant plus que le président Sissi sert ici les intérêts d’une caste bien particulière, « l’armée, en lui permettant de gagner de l’argent en vendant des terres de l’État », explique Michelle Dunne, directrice du programme Moyen-Orient au Carnegie Institute, à L’OLJ. Le président Sissi pose les fondations d’un « refuge contre les citoyens et leurs revendications » pour lui et le régime en mettant à l’abri les institutions dans une tour d’ivoire, analyse Michelle Dunne.

La réalité de la situation semble largement justifier un projet de décongestion de la ville aux mille minarets, mais plusieurs interrogations subsistent, car « le projet restera par principe excluant parce que la majorité des habitants du Caire vivent avec moins de 2 $ par jour, ce n’est même pas assez pour faire la jonction en voiture », souligne Roman Stadnicki. Il y a donc pour Mousbah Rajab une possibilité d’exode des habitants les plus aisés avec le risque d’abandon, en matière d’investissements publics, de la vieille capitale. À l’inverse de ce scénario et à l’image d’autres villes nouvelles aujourd’hui délaissées, la nouvelle capitale administrative pourrait bien se transformer elle aussi en un gigantesque cimetière de béton n’abritant que quelques institutions du régime.



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À 45 kilomètres à l’est du Caire, des immeubles fendent tout d’un coup la monotonie du désert. Cette cité qui émerge à l’horizon n’est autre que le chantier de la future capitale administrative de l’Égypte lancé en grande pompe par le président Abdel Fattah al-Sissi en 2015. Les chiffres donnent le vertige : sortie du néant en 2016, la ville devrait avoir à terme une...

commentaires (3)

Sissi superstar jusqu'à nouvel ordre . Intouchable pour le moment .

FRIK-A-FRAK

14 h 18, le 25 avril 2019

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Sissi superstar jusqu'à nouvel ordre . Intouchable pour le moment .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 18, le 25 avril 2019

  • Une bonne initiative de Sissi. Le Caire devenait invivable.

    Wlek Sanferlou

    13 h 43, le 25 avril 2019

  • AVEC SISSI L,EGYPTE SE DEVELOPPE ET VA DE L,AVANT. COMME QUOI LA STABILITE POLITIQUE PAIE BEAUCOUP.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 10, le 25 avril 2019

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