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À La Une - Soudan

L'armée renverse Bachir après des semaines de contestation

Plusieurs pays, dont les Etats-Unis et l'Union européenne, exhortent les militaires à intégrer les civils pour cette transition.

Le ministre soudanais de la Défense, Awad Ahmed Ibnouf, annonçant officiellement la destitution du président Omar el-Béchir, à la télévision soudanaise, le 11 avril 2019. Photo Sudan TV/ReutersTV via REUTERS

Le président Omar el-Bachir, qui dirigeait le Soudan d'une main de fer depuis 30 ans, a été renversé jeudi par un coup d'Etat de l'armée, dans le sillage d'un soulèvement populaire, et remplacé par un "conseil militaire de transition" pour deux ans. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis et l'Union européenne (UE), ont exhorté les militaires à intégrer les civils pour cette transition.

Le ministre de la Défense Awad Ahmed  Ibn Ouf a été nommé à la tête du Conseil militaire de transition, après avoir annoncé à la télévision d'Etat "la chute du régime et le placement en détention dans un lieu sûr de son chef" Omar el-Bachir.

Des milliers de manifestants ont marqué leur rejet de la mise en place d'instances militaires de transition en se rassemblant devant le QG de l'armée malgré le début d'un couvre-feu, imposé par M.  Ibn Ouf pour un mois de 22h00 à 04h00 locales, soit de 20h00 GMT à 02h00 GMT. L'armée a ordonné en début de soirée aux manifestants de "respecter (le couvre-feu) pour (leur) propre sécurité", laissant planer le risque de violences.



Tôt ce matin, la TV nationale a interrompu ses programmes et une immense foule s'est rassemblée dans le centre de Khartoum, anticipant la destitution du président de 75 ans, au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1989.

Après de longues heures d'attente, les Soudanais ont accueilli en liesse l'annonce de M. Ibn Ouf. "Le régime est tombé!", ont scandé les milliers de manifestants qui campent depuis samedi devant le QG de l'armée. Mais la joie est vite retombée. Car, outre la destitution du président, M. Ibn Ouf a annoncé l'instauration d'un "conseil militaire de transition" pour deux ans.

"Les gens ne veulent pas d'un conseil militaire de transition" mais "un conseil civil" a déclaré dans un tweet Alaa Salah, l'étudiante devenue "l'icône" du mouvement.

Malgré l'instauration du couvre-feu et l'avertissement de l'armée, des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le QG de l'institution militaire, qui abrite aussi le ministère de la Défense et la résidence officielle du président.

"Le sang de nos frères ne doit pas avoir coulé pour rien", a dit à l'AFP un manifestant, décidé à braver le couvre-feu, alors que le mouvement de contestation au Soudan, débuté le 19 décembre après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, a été marqué par la mort de 49 personnes, selon un bilan officiel.


(Lire aussi : Au Soudan, la police appelle à ne pas "intervenir" contre les manifestants)



Trêve au Darfour
L'armée a proposé "des alternatives" mais s'est "heurtée à une volonté de résoudre le problème en utilisant l'appareil de sécurité qui peut conduire à de grosses pertes", a expliqué M. Ibn Ouf. L'espace aérien a été fermé pour 24 heures et les frontières terrestres jusqu'à nouvel ordre, a-t-il dit.

Pour beaucoup de Soudanais, la nouvelle donne politique n'est qu'une "photocopie du régime", comme le résume un manifestant devant le QG de l'armée. "Le régime a mené un coup d'Etat militaire en présentant encore les mêmes visages (...) contre lesquels notre peuple s'est élevé", a réagi l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC). "Nous appelons notre peuple à continuer son sit-in devant le QG de l'armée et à travers le pays".

Les Etats-Unis, qui maintiennent des sanctions contre le Soudan, pays sur leur liste d'Etats soutenant "le terrorisme", ont exhorté l'armée soudanaise à intégrer les civils au gouvernement.




L'UE a aussi appelé l'armée à un transfert "rapide" du pouvoir aux civils.

Six capitales, dont Washington et Paris, ont demandé une session d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Soudan, a priori pour vendredi. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a réclamé que la transition au Soudan respecte les "aspirations démocratiques" du peuple.

Un cessez-le-feu a aussi été annoncé à travers le pays, notamment au Darfour (ouest), où un conflit a fait plus de 300.000 morts depuis 2003 selon l'ONU. Ces dernières années, le niveau de violence a toutefois largement diminué au Darfour, M. Bachir ayant annoncé plusieurs trêves unilatérales.

"Nous rejetons entièrement cette +révolution de palais+", a réagi Abdel Wahid Nur, chef d'un groupe rebelle du Darfour, "l'Armée de libération du Soudan", appelant à "un gouvernement civil de transition".

En 2009, la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, a lancé un mandat d'arrêt contre Omar el-Bachir pour "crimes de guerre" et "contre l'humanité" au Darfour, ajoutant en 2010 l'accusation de "génocide". L'ONG Amnesty International a appelé à "remettre" M. Bachir à la CPI afin qu'il soit jugé pour ses "crimes innommables".



"Pacifique"

Devant le QG de l'armée, les contestataires continuent de brandir des drapeaux du Soudan. La scène semble faire écho à celle observée pendant des semaines à Alger, à des milliers de kilomètres de là, où les manifestants ont obtenu le 2 avril la démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika, après 20 ans au pouvoir. L'Union africaine a critiqué la "prise de pouvoir par l'armée" au Soudan, estimant qu'elle "n'est pas la réponse appropriée aux défis" du pays.

De son côté, l'Egypte voisine, où l'armée avait également éjecté Hosni Moubarak du pouvoir en 2011 sous la pression de la rue, s'est dit "confiante dans la capacité du peuple et de son armée" à mener à bien cette transition.

La Turquie a dit elle espérer voir le Soudan renouer avec un "processus démocratique normal". L'Allemagne, par la voix de sa ministre de la Défense, a jugé que la situation donnait une "chance" de parvenir à "une forme de gouvernement démocratique". Jusque là fer de lance de la répression, le puissant service de renseignement au Soudan (NISS) a fait état de la libération de tous les prisonniers politiques.

A Kassala (est), le refus d'officiers de relâcher des prisonniers détenus là-bas a suscité un raid des manifestants dans les locaux du NISS, selon un témoin. Une attaque similaire a été menée à Port-Soudan (est) par des manifestants antirégime, selon des témoins. Des foules étaient aussi rassemblées dans les villes de Madani, Gadaref, Port-Soudan et al-Obeid.

L'ALC a appelé en cours de journée la population à "ne pas attaquer quiconque ou les biens gouvernementaux et privés". "Notre révolution est pacifique", a-t-elle martelé dans un communiqué. M. Bachir a tenté de réprimer la contestation par la force avant d'instaurer le 22 février l'état d'urgence à l'échelle nationale.

Bachir parti, l'ONG Amnesty International a appelé jeudi les nouvelles autorités à "mettre fin définitivement à une ère de massacres et d'oppression" au Soudan.



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commentaires (2)

On ne va pas encore nous dire que ce sont les russes et leurs alliés de la résistance qui l'ont dégagé, quand ça vient de ses frères de la ligue arabe et leurs alliés d'Occident. Quand même. !

FRIK-A-FRAK

16 h 51, le 11 avril 2019

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Commentaires (2)

  • On ne va pas encore nous dire que ce sont les russes et leurs alliés de la résistance qui l'ont dégagé, quand ça vient de ses frères de la ligue arabe et leurs alliés d'Occident. Quand même. !

    FRIK-A-FRAK

    16 h 51, le 11 avril 2019

  • VONT-ILS LE LIVRER A LA JUSTICE INTERNATIONALE POUR QUE JUSTICE SOIT FAITE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 18, le 11 avril 2019

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