Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Tribune

L’urgence de relever le défi de la gestion durable de l’eau au Proche-Orient et en Afrique du Nord

José Graziano da Silva est le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Au fil des siècles, les sociétés, les agriculteurs et les communautés ont développé des pratiques durables pour faire face aux pluies insuffisantes et imprévisibles et aux ressources en eaux souterraines limitées. Des solutions ingénieuses ont été développées pour mieux conserver et répartir les ressources en eau.

La région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), l’une des régions les plus arides du monde, est aux prises avec une pénurie d’eau depuis des milliers d’années. C’est ici, dans cette région, que les techniques d’irrigation ont été introduites pour la première fois, et c’est dans cette région que certaines des cultures les plus fondamentales pour l’humanité ont été cultivées pour la première fois. L’Égypte, par exemple, a longtemps été le grenier à blé du monde et un grand exportateur de céréales de base.

Mais les temps ont changé. La croissance démographique, la dégradation de l’environnement et le changement climatique – tous se produisant au sein d’une dynamique géopolitique et économique complexe – exercent une pression supplémentaire sur les ressources en eau. Parallèlement, l’urbanisation rapide, associée à la hausse des revenus et à l’évolution des modes de vie, signifie que la demande d’aliments et la quantité d’eau nécessaire à la production de ces aliments continueront de croître. D’ici à 2050, la population de la région devrait doubler et atteindre près de 668 millions de personnes, dont environ 400 millions vivront dans des villes en développement. Ces taux élevés de croissance démographique – environ 2 % par an contre une moyenne mondiale de 1,1 % – mettent sous pression les ressources déjà rares en terres arables et en eau.

Les impacts du changement climatique, comme les températures plus élevées, les schémas d’évapotranspiration changeants et les besoins croissants en eau pour les cultures, contribuent déjà à la détérioration de la disponibilité de l’eau dans la région. En effet, la disponibilité en eau douce renouvelable par habitant a rapidement diminué au cours des cinq dernières décennies, ce qui a ajouté une pression considérable sur la production agricole et fait de la région l’un des plus gros importateurs de produits alimentaires, notamment de blé et d’autres céréales.

Les prévisions dévoilent que la fréquence des sécheresses pourrait augmenter de 20 à 60 % d’ici à la fin du siècle, à comparer à leurs niveaux actuels. En fait, aucune autre région n’a été aussi gravement touchée par la désertification que la région MENA, principalement en raison de modes d’utilisation des sols non durables, de l’érosion des sols, de tempêtes de sable et de poussière, de la déforestation, du surpâturage et de la dégradation rapide des terres pastorales. À moins que des mesures ne soient prises, la région pourrait subir de lourdes pertes économiques à cause de la pénurie d’eau provoquée par le changement climatique.

Tout cela se produit dans un contexte où les conflits et l’instabilité pèsent lourdement sur les sociétés et les économies de la région. La faim et la pauvreté sont à nouveau en recrudescence.

L’insécurité alimentaire et la sous-alimentation des ménages sont concentrées dans les pays les plus pauvres et les plus touchés par le conflit, le retard de croissance affectant plus du cinquième de la population de moins de cinq ans de la région. Il est urgent d’agir dès maintenant pour relever le triple défi de la gestion durable de l’eau, du changement climatique et de la sécurité alimentaire et de la nutrition.

Un éventail de solutions ne peuvent apporter des résultats sur ces trois fronts que si elles sont mises en œuvre ensemble. Le premier impératif est de mettre fin aux conflits pour que l’attention et les ressources puissent être concentrées sur le programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le deuxième impératif est de parvenir à un meilleur alignement des politiques de la région en matière de sécurité alimentaire, d’eau et d’agriculture, d’énergie et d’environnement, et de les rendre plus complémentaires. Le troisième impératif est de mettre en place des systèmes alimentaires productifs et résilients qui génèrent des emplois et protègent les ressources naturelles simultanément.

Il est important de passer de politiques d’autosuffisance coûteuses et non durables à des politiques d’autosuffisance qui tirent parti des avantages comparatifs de la région pour stimuler la production d’aliments nutritifs, comme les légumes, les fruits, les poissons et les volailles. Il est également important de réduire les pertes et le gaspillage de nourriture. Il est inacceptable qu’une région qui souffre déjà de rareté d’eau et qui est donc tributaire des importations de produits alimentaires perde plus de 30 % de ses produits alimentaires chaque année.

Nous devons mettre en œuvre et développer à grande échelle des outils – qui existent déjà – pour améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau, augmenter la disponibilité de l’eau et permettre une planification stratégique. Malgré sa richesse en ressources humaines et autres ressources, la région devrait davantage utiliser les technologies existantes dans les eaux usées traitées, dans la récupération de l’eau, dans l’irrigation et dans le contrôle de la consommation d’eau. Nous avons également besoin de politiques et de mécanismes qui récompensent les agriculteurs utilisant l’eau de manière plus efficace et durable. Des incitations peuvent être conçues pour accélérer l’adoption à grande échelle de technologies et de pratiques agricoles intelligentes face au climat qui augmentent la productivité de l’agriculture et améliorent l’efficacité de l’eau et la gestion des sols.

La conférence des Journées terre et eau pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, qui se tient depuis le 31 mars et jusqu’au 4 avril 2019, doit passer en revue les progrès accomplis dans la lutte contre la pénurie d’eau dans la région, encourager l’échange de connaissances et d’expériences entre pays et partenaires et tracer la voie à suivre tenant compte des leçons apprises. Les pays de la région ne peuvent y parvenir seuls. Ils auront besoin de l’appui de partenaires, ainsi que du système des Nations Unies. La FAO est prête à soutenir la transformation nécessaire des politiques agricoles et de la sécurité alimentaire.

*Directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)



Du même auteur

Personne ne peut faire face seul aux changements climatiques

Au fil des siècles, les sociétés, les agriculteurs et les communautés ont développé des pratiques durables pour faire face aux pluies insuffisantes et imprévisibles et aux ressources en eaux souterraines limitées. Des solutions ingénieuses ont été développées pour mieux conserver et répartir les ressources en eau.La région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), l’une...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut