Toujours fidèles à leur cause, des dizaines de manifestant(e)s ont battu le pavé hier place Riad el-Solh en vue de revendiquer le droit des Libanaises à transmettre leur nationalité à leurs enfants nés d’un conjoint étranger, un droit qui leur est jusqu’à ce jour totalement interdit par une loi datant de 1925. À l’invitation de la campagne « Ma nationalité, mon droit et celui de ma famille » et de plusieurs associations féminines, les manifestantes, dont nombreuses sont des mères privées de leur droit de transmission de la nationalité, ont scandé un seul et même cri : « Assez de promesses non tenues ! »
Karima Chebbo, coordinatrice de la campagne, a d’emblée donné le ton du rassemblement. « Nous ne sommes pas là pour célébrer la Journée de la femme ou une quelconque autre occasion, tant que nous sommes privées de nos droits les plus élémentaires », a-t-elle lancé. La militante a rappelé qu’en période électorale, plusieurs candidats s’étaient solidarisés avec la campagne, mais depuis plus rien de concret… à part une proposition de loi présentée par le député Hadi Abou el-Hosn (bloc joumblattiste), qui consacre l’égalité totale entre la femme et l’homme, mais qui n’a pas été discutée ni votée.
(Lire aussi : Égalité hommes-femmes au Liban : des avancées mais beaucoup reste à faire)
Karima Chebbo a rappelé les prises de position favorables du Premier ministre Saad Hariri, et le « oui, mais » du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil (qui serait favorable à une loi avec des exceptions). « Nous demandons l’égalité totale entre les hommes et les femmes, a-t-elle affirmé. Les politiciens ne devraient pas être parmi nous, leur place est au Parlement et au Conseil des ministres. Il est temps d’amender cette loi obsolète. »
« Nous sommes des citoyennes à part entière, arrêtez de vous apitoyer sur notre sort et accordez-nous nos droits », a pour sa part lancé Iqbal Doughan, présidente du Conseil de la femme libanaise (coalition de 140 organisations non gouvernementales). Elle a rappelé la très longue lutte pour l’amendement de la loi sur la nationalité, plus longue même que la vie de certaines des femmes qui le revendiquent aujourd’hui. « Notre patience a des limites, craignez la révolution des femmes », a-t-elle également affirmé.
« Les femmes sont vouées au mépris par cette loi absurde, a-t-elle poursuivi. Toutes les femmes du Liban, même celles qui ne sont pas concernées directement par ce problème, devraient se mobiliser, ne serait-ce que parce que leurs filles pourraient être touchées à l’avenir. »
« Je suis libanaise, mais mes enfants ne le sont pas, a déclaré Hanadi, mariée à un étranger, sur la tribune de la manifestation. Mes enfants pensent quitter le pays s’ils ne peuvent être naturalisés. Je veux que mes enfants vivent et travaillent dans le pays où ils sont nés. Il est temps d’amender cette loi ! »
Pour mémoire
Transmission de la nationalité par la mère : le commentaire d'un journaliste libanais passe mal
commentaires (4)
"Oui mais avec des exceptions" est frappé au coin du bon sens, sauf pour ceux qui se fichent de l'histoire et de l'avenir du Liban.
Christine KHALIL
22 h 40, le 11 mars 2019