Un des avocats de Carlos Ghosn a reconnu vendredi "un échec" désastreux pour l'image du magnat de l'automobile, sorti de prison en tenue d'ouvrier, et s'est excusé pour cette idée censée lui permettre de s'éclipser incognito.
Un de ses défenseurs, Takashi Takano, reconnaissable à sa barbe blanche, explique sur son blog avoir imaginé ce scénario et cet accoutrement saugrenu pour tenter de déjouer l'attention des journalistes massés devant la prison, et ainsi éviter qu'ils ne suivent l'ex-détenu jusqu'à son nouveau lieu de résidence.
"C'est moi qui ai planifié et mis au point ce déguisement", écrit-il. "A cause de ce plan d'amateur, la réputation que M. Ghosn a bâtie tout au long de sa vie se retrouve ternie", regrette-t-il.
Le stratagème n'a trompé personne, alors que l'attendaient une foule de journalistes qui avaient déployé des moyens impressionnants, hélicoptères, grue et même échafaudage pour prendre le premier cliché de Carlos ghosn depuis son arrestation surprise le 19 novembre. "C'était un échec", avoue l'avocat. "J'ai causé du tort à de nombreuses personnes. Je m'en excuse".
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Carlos Ghosn a été libéré mercredi en échange du paiement d'une caution d'un milliard de yens (environ 8 millions d'euros), après plus de 100 jours de détention à Tokyo sur des accusations de malversations financières. Traqué par les médias, l'homme d'affaires franco-libanais-brésilien a d'abord été conduit au cabinet de Me Takano, d'où il est ressorti plusieurs heures plus tard dans une tenue (chemise blanche et veste noire) plus conforme à son ancien statut de PDG de la première alliance automobile au monde.
Si le logement où il séjourne désormais sous haute surveillance, est localisé par les médias, "non seulement il ne pourra pas retrouver une vie normale, mais en plus, sa santé en pâtira", souligne Me Takano dans sa déclaration. "Cela ferait aussi courir un danger à sa famille et à ses voisins. Nous voulions absolument éviter une telle situation", argue-t-il.
Peine perdue : vendredi, les médias ont pu filmer M. Ghosn quittant son lieu de résidence, coiffé d'une casquette sombre, avec sa femme et une de ses filles. Tous les trois ont ensuite été vus se promenant dans un parc de Tokyo. Ils sont revenus quelques heures plus tard. Pressé de questions, l'ancien capitaine d'industrie n'a pas voulu répondre, a constaté une journaliste de l'AFP.
Carlos Ghosn a notamment interdiction de quitter le Japon, même brièvement, n'a pas accès à internet et ses allées et venues sont filmées par des caméras de surveillance. En cas de violation de ces règles, "il devra revenir à la dure vie de la prison", a prévenu Takashi Takano. Si M. Ghosn ne se conforme pas aux règles qui lui sont imposées, il encourt en effet deux types de risques : perdre tout ou partie de la caution déposée (un milliard de yens, environ 8 millions d'euros), ou bien voir sa remise en liberté annulée et retourner en prison.
(Lire aussi : A quelles règles précises doit Carlos Ghosn se conformer ?)
Vendredi, le bureau des procureurs de Tokyo a mis en cause l'efficacité du système d'assignation à résidence auquel est soumis l'homme d'affaires. "Nous pensons que les conditions de libération sous caution ne sont pas efficaces pour empêcher une altération des preuves compromettantes", a déclaré le procureur-adjoint, Shin Kukimoto, lors d'une conférence de presse. C'est pourquoi, a-t-il précisé, un appel avait été déposé en début de semaine, mais le tribunal de Tokyo l'a rejeté, permettant à l'ex-PDG de Renault-Nissan de retrouver la liberté.
M. Kukimoto n'a pas voulu détailler les failles possibles de ce dispositif mais, selon les experts, il suffit par exemple à M. Ghosn d'emprunter le téléphone d'un proche pour se connecter à internet et entrer en contact avec des protagonistes du dossier. "Maintenant, nous devons continuer notre travail dans ces conditions", a regretté le procureur adjoint.
Le magnat de l'automobile déchu, qui se dit innocent, a été inculpé pour minoration d'une partie de ses revenus pour un montant de 9,23 milliards de yens (74 millions d'euros) de 2010 à 2018, dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières. Il a également été inculpé pour abus de confiance.
Son procès ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois.
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FAKHOURI
15 h 56, le 09 mars 2019