Mohammad Javad Zarif s’entretenant avec le Premier ministre Saad Hariri, le 11 février, au Grand Sérail. Anwar Amro/AFP
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a créé la surprise en annonçant, dans la nuit de lundi à mardi, sa démission. Bien au-delà des motifs de cette décision, et au vu de l’influence politique iranienne au Liban, cette annonce de démission (que le président iranien Hassan Rohani a rejetée mercredi matin, NDLR) n’est naturellement pas sans susciter des interrogations autour d’éventuelles retombées (négatives) qu’elle pourrait avoir sur la scène locale. Ces questionnements s’articulent naturellement autour de l’avenir des relations interétatiques libano-iraniennes, d’une part, et du statut du Hezbollah dans la prochaine phase, de l’autre, alors que l'annonce de M. Zarif a jeté une lumière crue sur le bras de fer entre conservateurs et modérés en Iran.
Pour ce qui est des rapports d’État à État, un départ du ministre des Affaires étrangères aurait revêtu une importance particulière dans la mesure où, tout comme le président iranien, Mohammad Javad Zarif est une des figures de proue du courant modéré iranien et est en charge du dossier des relations avec le reste du monde. C’est lui qui était parvenu, en 2015, à conclure l’accord portant sur le nucléaire iranien avec la communauté internationale.
À L’Orient-Le Jour, Sami Nader, analyste politique, explique qu’un abandon, par le chef de l’État iranien, de son ministre des AE aurait été dangereux dans la mesure où il ce serait agi là d’un camouflet porté à la politique étrangère iranienne actuellement en vigueur. Celle-ci est principalement axée sur l’ouverture et le dialogue avec une bonne partie de la communauté internationale. « Une démission de la figure modérée qu’est M. Zarif serait à l’avantage des radicaux. Il n’est donc pas dans l'intérêt du président Rohani d’accepter la démission du ministre des AE », ajoute M. Nader. Il est rejoint sur ce point par Karim Bitar, professeur à l’Université Saint-Joseph et directeur de recherches à l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques). Contacté par L’OLJ, il souligne d’abord que Mohammad Javad Zarif est « le visage moderne qui a réussi à mener un dialogue avec la communauté internationale ». Et c’est sous cet angle qu’il analyse les retombées d'une démission de Zarif sur le Liban. « Le ministre des AE est une figure modérée qui est parvenue à dissiper les tensions entre la République islamique et le reste du monde. Son départ risquerait donc de plonger le Liban à nouveau dans des tiraillements générés par les conflits des axes sur le double plan régional et international », explique le professeur Bitar, insistant par la même occasion sur l’importance d’une mise en application effective de la politique de distanciation avalisée par le gouvernement.
(Lire aussi : Zarif : "J'espère que ma démission agira comme un coup de trique")
Le Hezbollah et la polarisation mondiale
Pour ce qui est du statut du Hezbollah sur la scène locale, nombreux sont les détracteurs du parti chiite qui minimisent l’impact d'une décision de M. Zarif sur ce plan, cette question d’ordre stratégique ayant toujours relevé de la compétence des ultraconservateurs, plus précisément du guide suprême, Ali Khamenei, et des pasdaran, qui lui sont proches.
Quoi qu’il en soit, dans certains milieux politiques, on estime que le Hezbollah (dont les milieux, contactés par L’Orient-Le Jour, n’ont pas souhaité commenter la démission de Mohammad Javad Zarif), auquel les États-Unis ont infligé une nouvelle vague de sanctions sévères, maintiendra son silence radio, se cantonnant dans une position attentiste. Selon un observateur, « à l’heure où la République islamique est en pleine crise entre conservateurs et modérés, le Hezbollah a besoin d’une couverture officielle libanaise. Il devrait donc s’abstenir d’alimenter les polémiques avec ses détracteurs locaux, d’où le silence observé actuellement. »
Sauf que Sami Nader ne partage pas ce point de vue, ne cachant pas ses craintes quant à une escalade entre le Hezbollah et ses adversaires. « Un départ de M. Zarif serait une victoire du camp conservateur avec lequel converge le parti de Hassan Nasrallah », souligne-t-il, avant de faire valoir que « cela est naturellement à même d’accentuer la polarisation mondiale contre Téhéran ». « Ce sont donc les rapports au sein du gouvernement, dont fait partie intégrante le Hezbollah, qui subiraient les retombées négatives d'une démission de M. Zarif sur le Liban », conclut Sami Nader. En conséquence, c’est donc la position du Premier ministre, Saad Hariri, qui avait réussi à instaurer un dialogue étatique avec Téhéran, qui s’en trouverait compliquée.
Rq : cet article a été actualisé le mercredi 27 février après l'annonce par le président Rohani de son rejet de la démission de M. Zarif.
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Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a créé la surprise en annonçant, dans la nuit de lundi à mardi, sa démission. Bien au-delà des motifs de cette décision, et au vu de l’influence politique iranienne au Liban, cette annonce de démission (que le président iranien Hassan Rohani a rejetée mercredi matin, NDLR) n’est naturellement pas sans susciter des...
commentaires (5)
A ces Perses , Irainiens ou Ayattollahs la seule chose qu ils veulent c'est le Liban
Eleni Caridopoulou
21 h 44, le 27 février 2019