Rechercher
Rechercher

À La Une - Syrie

A Alep, le calvaire sans fin d'habitants au logement insalubre

"Aujourd'hui je découvre que la guerre n'est pas finie. On m'a dit que je devais partir", lâche Ezzat al-Dahane, 50 ans, qui doit évacuer son appartement familial dans le quartier de Salaheddine.

Ezzat al-Dahane, 50 ans, dans son appartement familial gravement endommagé par les combats dans le quartier de Salaheddine à Alep, le 11 février 2019. Photo AFP / LOUAI BESHARA

Dans la ville syrienne d'Alep, Ezzat al-Dahane gravit le cœur lourd l'escalier qui mène à son appartement au sixième étage. Il vient annoncer à sa famille leur éviction de leur immeuble insalubre, dont la façade porte encore les stigmates de la guerre.

Poussant la planche de bois qui fait office de porte de fortune, il balaie du regard son logement sombre et froid. Indécis, le quinquagénaire ne sait pas s'il doit commencer par faire ses valises, ou prévenir ses enfants.

"Aujourd'hui je découvre que la guerre n'est pas finie. On m'a dit que je devais partir", lâche M. Dahane.

Plus de deux ans après leur reconquête par le pouvoir de Bachar el-Assad, les anciens quartiers rebelles d'Alep, la deuxième ville du pays, sont quasiment abandonnés à leur sort. Les initiatives de reconstruction sont principalement menées par des particuliers, tandis que les autorités s'occupent uniquement de rétablir les infrastructures.

La situation est particulièrement précaire à Salaheddine, où de nombreux immeubles sont menacés d'effondrements. Quatre années durant, le district se trouvait sur la principale ligne de front séparant les quartiers ouest, tenus par le pouvoir, et les quartiers est de la rébellion.

D'ailleurs, tous les voisins de M. Dahane ont abandonné les lieux. Certaines parties de l'immeuble, qui porte les traces d'un incendie, se sont effondrées. Ezzat, sa femme et leurs sept enfants sont les seuls résidents. "Après la fin des combats et des bombardements, on a cru que nous n'aurions plus jamais besoin d'être déplacés", déplore M. Dahane, déjà contraint de déménager à quatre reprises au cours du conflit.

A quelques rues de chez lui, 11 personnes dont quatre enfants, sont mortes début février dans l'effondrement d'un immeuble.


(Lire aussi : À Alep, les pénuries énergétiques ponctuent la vie des habitants)

"Nulle part où aller"

Face à la multiplication de ces drames, la municipalité de Salaheddine a mis sur pied il y a deux mois un comité d'inspection pour déterminer la salubrité des bâtiments. Une fois un immeuble jugé insalubre, les habitants ont 48 heures pour partir, avant sa démolition. Et M. Dahane n'a pas échappé au verdict.

Le dos courbé sous un long manteau d'hiver, il désigne un mur qu'il a récemment retapé dans son séjour, avant de poursuivre son chemin vers un balcon, protégé par une bâche de l'ONU.

"Nous avons quitté cet appartement une première fois en 2012, nous déplaçant d'un quartier à l'autre pour échapper aux combats", raconte-t-il. "On est revenu en 2016 avec toutes nos affaires. On a commencer à rénover et à réparer ce qui pouvait l'être, dans l'espoir de pouvoir rester", lâche-t-il.

Derrière le tissu modeste qui sépare le salon de la cuisine, au milieu du bruit des casseroles et assiettes, les pleurs de son épouse, Oum Mohamed, se font entendre. "Nous savons que l'endroit est dangereux et que le bâtiment peut s'effondrer à tout moment", confie-t-elle. Mais "nous n'avons nulle part où aller".

L'entrée du quartier a été bouclée alors que des bulldozers démolissent une série de bâtiments. Au pied d'un immeuble, des ouvriers installent des blocs de pierre pour empêcher toute personne d'y accéder.

C'est en décembre 2016 que le pouvoir de Bachar el-Assad avait annoncé la reconquête totale d'Alep, poumon économique du pays, au terme de plusieurs mois d'une offensive soutenue par la Russie, et l'évacuation de milliers de rebelles et de leurs sympathisants vers un autre bastion.


(Lire aussi : Endommagé par la guerre, un immeuble s'effondre à Alep : 11 morts)

"La mort nous poursuit"

"Il y a deux mois, nous avons réussi à évacuer un bâtiment. Quatre jours plus tard, il s'était effondré", raconte à l'AFP le maire de Salaheddine, Hassan al-Jok. "Ce n'est pas facile d'annoncer au gens qu'ils doivent abandonner leurs maisons. C'est un choc pour eux", poursuit le responsable. Mais "nous devons les sensibiliser afin que ces catastrophes ne se reproduisent plus".

Il y a des centres d'accueils pour accueillir ceux qui abandonnent leurs maisons, précise le responsable. Mais la plupart préfèrent louer des logements plus petits pour rester dans leur quartier, reconnaît-il.

Le comité d'inspection de Salaheddine n'a pas publié de chiffres sur les constructions menacées d'effondrement, mais selon le maire plus de 20 bâtiments ont déjà été évacués. M. Jok fait état d'un plan intégral de reconstruction en gestation pour certains quartiers. "Il existe de nombreuses zones à Alep où des logements modernes sont prévus", dit-il.

Fumant le narguilé sur une chaise devant sa maison, Abed al-Monem Omar, 50 ans, observe les passants. "Lorsque la zone a été libérée, les gens ont commencé à rentrer chez eux rapidement, avant la moindre inspection" du secteur, explique-t-il. Il dit qu'un bloc de pierre est tombé récemment sur une passante, morte sur le coup. "La mort nous poursuit", déplore-t-il, assurant qu'il connaissait les victimes du drame qui a frappé le quartier début février. "Ils sont allés dormir, et le lendemain c'était des cadavres sous les décombres".


Lire aussi

Ouvrir grands les yeux et se retrouver à Palmyre, Mossoul ou Alep...

Dans la ville syrienne d'Alep, Ezzat al-Dahane gravit le cœur lourd l'escalier qui mène à son appartement au sixième étage. Il vient annoncer à sa famille leur éviction de leur immeuble insalubre, dont la façade porte encore les stigmates de la guerre. Poussant la planche de bois qui fait office de porte de fortune, il balaie du regard son logement sombre et froid. Indécis, le...

commentaires (3)

C'est tellement triste. La solidarité internationale doit absolument jouer.

Sarkis Serge Tateossian

18 h 36, le 22 février 2019

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • C'est tellement triste. La solidarité internationale doit absolument jouer.

    Sarkis Serge Tateossian

    18 h 36, le 22 février 2019

  • Voilà le boulot résultant du complot occidental sous influence néfaste des sionistes. C'est pas beau ça ?

    FRIK-A-FRAK

    13 h 02, le 22 février 2019

  • Triste sort du peuple pour une Syrie qui agonise toujours .

    Antoine Sabbagha

    12 h 48, le 22 février 2019

Retour en haut