Moins de trois heures après l’appel lancé par la section Kataëb d’Achrafieh pour protester contre ce que le député Kataëb Nadim Gemayel a décrit comme « des atteintes au souvenir de Bachir Gemayel » ou encore « la logique de domination et de déformation des vérités historiques », plus de 400 partisans Kataëb et FL se sont regroupés hier à 18h place Sassine, criant leur colère contre les propos lancés par le député du Hezbollah, Nawaf Moussaoui, lors du débat de confiance au Parlement, et selon lesquels l’ancien président assassiné avait accédé à son poste « grâce aux chars israéliens ». En tête des contestataires, Solange Gemayel, veuve de l’ancien président assassiné, et sa fille Youmna Gemayel Zaccar.
Les accusations proférées par M. Moussaoui étaient venues interrompre l’intervention matinale du chef des Kataëb Samy Gemayel, qui laissait entendre que « le gouvernement est l’œuvre du Hezbollah ». « Il (le parti chiite) a imposé son allié druze et son allié sunnite, a réduit la part des Forces libanaises et a retiré le tiers de blocage auquel aspirait le chef de l’État », a détaillé M. Gemayel, indiquant que « la formation du pouvoir a été entamée dès l’arrangement présidentiel », autrement dit dès le compromis qui a conduit Michel Aoun à la présidence de la République.
« C’est un honneur pour les Libanais qu’une personne accède à la tête de l’État grâce au fusil du Hezbollah », a alors riposté M. Moussaoui, affirmant que « d’autres y sont arrivés grâce aux chars israéliens ». Ces propos ont suscité une vive réaction de Nadim Gemayel, qui a lancé tout de go : « Que plus personne ne nous harcèle avec les chars israéliens ! Il s’agit de paroles inadmissibles. » À l’adresse de M. Moussaoui, il a ajouté : « C’est vous qui avez lancé du riz sur les chars israéliens, et c’est vous qui avez voté pour Bachir Gemayel dans l’hémicycle parlementaire. » Ce qui n’a pas empêché le député chiite d’enfoncer encore le clou : « Votre taille est à la mesure d’un char israélien. » L’altercation verbale n’a pris fin que lorsque le chef du législatif, Nabih Berry, a rappelé à l’ordre les deux députés.
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En réponse à L’Orient-Le Jour qui lui a demandé à son arrivée sur le lieu du sit-in de s’expliquer sur ses propos concernant la participation du Hezbollah à l’élection de son père, le député Kataëb a affirmé que « 85 % des députés chiites ont voté pour Bachir Gemayel lors du scrutin de 1982 » et a indiqué que « lorsque l’armée israélienne était entrée au Liban-Sud la même année pour libérer ce territoire de la présence palestinienne, les habitants chiites l’ont accueillie en lui lançant du riz ».
Comme une preuve de ses dires, M. Gemayel a prononcé son allocution sous une grande photo représentant l’accueil fait aux Israéliens par les chiites, avec pour légende : « Le public du Hezbollah, qui avait accueilli en 1982 les Israéliens avec des roses, accuse le martyr Bachir Gemayel de collaboration. »
Entouré de Imad Wakim, député FL (Achrafieh), il a accusé le parti de Hassan Nasrallah d’« exercer des menaces confortées par les armes », soulignant que son camp est lui aussi « capable d’utiliser les armes ». « Ils ont tenté de nous accuser de traîtrise et d’accuser de traîtrise la cause pour laquelle Bachir est mort, et ont essayé de trahir les 21 jours de la présidence de Bachir », a accusé le député Kataëb, affirmant que « Bachir Gemayel est un symbole important, d’autant qu’il a été élu président par la majorité des parlementaires ».
« Pour construire un État fort, il faut se respecter les uns les autres », a poursuivi M. Gemayel, ajoutant : « S’ils ne nous respectent pas, nous ne les respecterons pas. » « Leurs armes ne nous font pas peur et encore moins les paroles qu’ils ont proférées au Parlement », a-t-il martelé, avant d’enchaîner : « N’essayez pas de nous mettre au pied du mur, parce que nous ne laisserons personne l’escalader. »
Questionné par L’OLJ sur la gravité de ses déclarations, Nadim Gemayel a précisé que dans son discours, il a simplement exprimé sa volonté de ne pas voir son camp « obligé de porter les armes ».
Veillant à ne pas dépasser les lignes rouges, le député Kataëb a d’ailleurs interrompu à maintes reprises les manifestants qui scandaient des insultes à l’égard du Hezbollah et du Parti syrien national social (PSNS). Il les a appelés en outre à chanter en cœur l’hymne national.
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Des martyrs à venir
Les hymnes partisans sont ensuite diffusés à tue-tête, mais Paul Maaraoui, coordinateur des FL pour le régional de Beyrouth, tente de se faire entendre en exprimant haut et fort à L’OLJ son ras-le-bol de « voir à maintes reprises le souvenir de Bachir bafoué ». « Jusqu’à présent nous nous sommes opposés de manière paisible, mais désormais nous n’admettrons plus que l’on porte atteinte à nos martyrs, d’autant que nous en avons beaucoup, et que beaucoup d’entre nous sont prêts à donner leur vie », assure-t-il. « Qu’on ne s’attaque plus à nos martyrs », s’exclame le militant, soulignant que jamais son parti « n’a porté atteinte aux autres martyrs ».
Non loin de lui, Aïda Tok, 49 ans, arborant le drapeau des Forces libanaises, rejette toutes les accusations de traîtrise. « Bachir a été liquidé autant par les Syriens que par les Israéliens », estime-t-elle, affirmant que « ces derniers ont participé à l’assassinat parce qu’il avait refusé de se soumettre à eux ».
Croisé à quelques mètres de là, Bachir Bou Assi se présente comme « le fils du premier martyr de la résistance, Joseph Bou Assi, garde du corps de l’ancien chef des Kataëb Pierre Gemayel, mort le 13 avril 1975 à Aïn el-Remmaneh ». Accompagné de ses jumelles de 15 ans qui affirment « aimer Bachir », il est fier de dire qu’il est le filleul de l’ancien président assassiné, décrit par lui comme « la conscience du Liban ».
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Cravates et guerre
Imad Wakim prend ensuite la parole, condamnant « la campagne de harcèlement, de diffamation et de déformation de l’histoire ». « Nous ne sommes le bouc émissaire de personne et c’est la dernière fois que nous nous contenterons d’une manifestation », a-t-il ajouté, avant de lancer : « Ce n’est pas parce que nous portons des cravates que nous ne savons pas aussi faire la guerre. » Et de poursuivre : « Ceux qui ne reconnaissent pas le martyre du président Bachir Gemayel peuvent se cogner la tête contre le mur. »
Le député FL a par ailleurs mis l’accent sur « l’idée d’appartenance nationale à laquelle fait référence la déclaration ministérielle du nouveau gouvernement ». « Nous ne reconnaîtrons pas l’appartenance nationale de ceux qui ne reconnaissent pas Bachir Gemayel, lequel a été élu dans la légalité », a-t-il martelé.
M. Wakim a enfin exhorté le chef de l’État Michel Aoun et le Premier ministre Saad Hariri à demander à M. Moussaoui de présenter des excuses officielles. Selon des propos rapportés par la LBCI, ce dernier a répondu en ces termes au député FL : « Notre résistance est notre fierté et notre honneur et nous briserons celui qui lui portera atteinte. »
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commentaires (18)
Les Israéliens nous ont bien jouer. Ils nous ont divisé en faisant croire à chacun de nous qu'il sauvait le Liban! Ils ont forcé les palestiniens hors du sud puis détruit les maisons des sudistes sois disant pour leur assistance aux palestiniens, aidé les chrétiens a se battre contre les palestiniens occupé les sud pour s'assurer de la formation d'un noyau chiite puissant et voilà! Le moyen orient nouveau est divisé en chiites, sunnites, minorités de tout types et la marmite bouille. Israël joue auprès des grands alors que les forces soi-disant régionales se chamaillent... Kissinger et ses copains sourient en sirotant un cognac!
Wlek Sanferlou
14 h 16, le 15 février 2019