Le Liban se dirige-t-il vers une nouvelle crise des déchets après la fermeture programmée dans quelques mois à peine de la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé (qui dessert la moitié de la région Beyrouth-Mont Liban) ? Le ministère de l’Environnement est sorti de son silence dans un communiqué publié hier en réponse à des articles dans les journaux al-Akhbar et an-Nahar qui évoquaient cette possibilité, en demandant… la formation d’un gouvernement pour débloquer les projets.
Dans sa partie consacrée aux propositions « visant à empêcher une nouvelle crise des déchets, conformément à la loi sur la gestion des ordures ménagères adoptée en 2018 », le ministère suggère ce qui suit : adopter au Parlement la proposition de loi présentée par le député Neemat Frem en vue de dispenser les municipalités de leurs dettes en relation avec le traitement des déchets, afin de favoriser les projets décentralisés, former un gouvernement pour débloquer les projets centraux et prendre des mesures préventives, et enfin pousser tous les individus à assumer leurs responsabilités dans la réduction du volume des déchets, la réutilisation, le tri… Le ministère a énuméré ses actions en faveur d’une meilleure gestion des déchets depuis deux ans, notamment « l’élaboration d’une politique durable pour la gestion des déchets solides adoptée par le gouvernement en janvier 2018 », « une circulaire distribuée par le ministère le 16 novembre 2012 comportant des directives aux municipalités, fédérations de municipalités, mohafez et caïmacams », « des questionnaires envoyés aux municipalités pour sonder leur volonté de mettre en place des projets décentralisés, obtenant des réponses de 25 % d’entre elles ».
Le communiqué rappelle cependant que le pays est plongé dans une crise gouvernementale depuis mai, ce qui a influé sur les projets centraux et décentralisés. Il insiste cependant sur l’étape majeure de l’adoption au Parlement de la loi sur les déchets ménagers préparée par le ministère et l’étude concernant les déchets dangereux qui a suivi la loi. Le ministre de l’Environnement, Tarek el-Khatib, était injoignable hier pour un commentaire.
(Lire aussi : Déchets ménagers : au Liban, la crise en sursis)
Des solutions chaotiques à venir
Qu’en pense le principal intéressé, le journaliste Habib Maalouf, spécialiste du dossier et auteur de l’article auquel faisait référence le communiqué ? « Ce sont leurs politiques, passées et durant les deux dernières années, qui nous mènent droit au désastre, souligne-t-il. Même si nous préconisons des solutions durables basées sur des stratégies plutôt que des plans d’urgence, nous avions conseillé d’améliorer et de renforcer ce plan (NDLR : adopté en 2016 pour sortir de la crise des déchets), même mauvais, afin que les décharges puissent desservir le pays le plus longtemps possible. Or elles sont précocement saturées, ce à quoi s’est ajouté un refus d’agrandir la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé pour des considérations électorales. Et aujourd’hui, il n’y a de temps pour aucun plan. » Rappelons que la décharge de Costa Brava, qui dessert d’autres quartiers de Beyrouth et du Mont-Liban, est en cours d’agrandissement.
Pour ce qui est des mesures prises par le ministère auprès des municipalités, M. Maalouf les considère comme « folkloriques », estimant qu’ « une véritable décentralisation devrait commencer par un plan central clair qui guiderait les autorités locales de manière efficace ». Que pense-t-il de ce qui va suivre ? « Comme d’habitude, des solutions chaotiques, un enfouissement non conforme aux normes, qui nous fera payer deux factures plutôt qu’une, environnementale et financière, parce qu’il faudra réparer les dégâts causés par les mesures temporaires, dit-il. Dans tous les cas, un tel cafouillage nous donne une idée de ce que pourrait représenter l’installation d’une technologie beaucoup plus complexe comme l’incinération. »
« Qu’ils assument leurs responsabilités ! »
Il reste que la décharge est presque saturée et que les alternatives sont inexistantes. Qu’en pensent les députés ? Hagop Terzian, député de Beyrouth du groupe du parti Tachnag, assure que « l’agrandissement de la décharge fait l’objet d’un refus catégorique, parce que Bourj Hammoud subit les conséquences de la crise des déchets depuis quarante ans ». Il déplore que les situations d’urgence se succèdent dans ce dossier, à l’instar de ce qui s’était passé à l’époque de la décharge de Naamé.
Reconnaissant que le temps manque et qu’une bonne partie de la capitale risque d’en souffrir très vite, M. Terzian estime que « le mieux est de renforcer nos capacités en compostage et tri, ce qui réduirait le volume de déchets à enfouir et peut être fait rapidement ». Il ajoute : « Il est essentiel d’agrandir les usines existantes afin de connaître le volume exact de déchets inertes qui restent après le compostage et le recyclage, et de prendre des initiatives à la lumière de ce que nous aurons constaté. »
Pour sa part, Élias Hankache, député du Mont-Liban du groupe Kataëb, rappelle que son parti a mis en garde, dès les débuts de cette décharge, contre le danger de jeter des ordures non triées en mer, allant des risques environnementaux à la saturation précoce. « Nous avons démissionné du gouvernement, puis avons observé un sit-in, mais la fermeture de la décharge s’est retournée contre nous quand les déchets se sont retrouvés à la rue, sachant que la population souffre aujourd’hui des odeurs dans une zone très dense démographiquement, dit-il. Nous avons enfin intenté un procès pour obtenir la fermeture de la décharge, mais le verdict est continuellement repoussé, tant et si bien que nous avons demandé que le juge se désiste de cette affaire à la dernière séance. »
Aujourd’hui, M. Hankache pense que toutes les parties politiques responsables de la mise en place de ce plan, ainsi que le Conseil du développement et de la reconstruction, doivent assumer leurs responsabilités. « Trouver une solution viable dans un pays comme le Liban n’est pas chose difficile, mais la priorité accordée aux marchés juteux mène inévitablement à l’échec », affirme le député.
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commentaires (6)
Si on envoyer promener nos parties politique déistes ou moins déistes on aurait résolu le problème à 158%
Wlek Sanferlou
23 h 22, le 29 janvier 2019