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Liban - Plainte

Béchara Asmar convoqué devant le bureau de cybercriminalité, les syndicats s’enflamment

Le ministre sortant de l’Économie a déposé une plainte en diffamation contre le patron de la CGTL.

Béchara Asmar a décidé de ne pas comparaître devant le bureau de cybercriminalité aujourd’hui et d’envoyer son avocat. Hassan Assal/Photo d'archives

Malheureusement très tendance depuis l’année dernière, les poursuites judiciaires, contre quiconque critique un responsable proche du bloc du Liban fort (CPL) ou formule un avis qui n’est pas apprécié au sujet d’une décision ou d’un comportement officiel, s’enchaînent à une fréquence inquiétante.

Le président de la Confédération générale des travailleurs du Liban, Béchara Asmar, doit comparaître aujourd’hui jeudi devant le bureau de cybercriminalité relevant des Forces de sécurité intérieure, sur base d’une plainte en diffamation déposée contre lui par le ministre sortant de l’Économie, Raëd Khoury. Perçue comme une « tentative d’intimidation » et « une volonté de museler la centrale syndicale », la procédure judiciaire contre M. Asmar a suscité un tollé parmi les syndicats de travailleurs qui se sont mobilisés pour organiser aujourd’hui à 9h un rassemblement de protestation devant le siège de la CGTL.

La plainte a été déposée à la suite de propos tenus par Béchara Asmar contre le ministre sortant, dans le cadre d’un talk-show sur la chaîne LBCI en décembre dernier. Le responsable syndical y avait vivement critiqué la politique économique du ministre, ainsi que sa gestion de nombreux dossiers, dont celui de « la légalisation » des générateurs électriques de quartiers. Il avait également cité la banque dont M. Khoury est actionnaire parmi les établissements bancaires qui auraient, selon lui, bénéficié de l’ingénierie financière de la Banque du Liban. Dix jours plus tard, Raëd Khoury déposait une plainte en diffamation contre le patron de la CGTL devant le parquet de la Cour de cassation.

Indépendamment de l’opportunité ou non de l’initiative du ministre sortant, la question reste de savoir pourquoi c’est le bureau de cybercriminalité qui est chargé de l’enquête et non pas les canaux judiciaires ordinaires, et pourquoi Béchara Asmar doit être interrogé par un policier et non par un juge d’instruction.


(Lire aussi : Atteintes à la liberté d’expression au Liban : 2019 s’ouvre sur la lancée de 2018)

Sit-in de protestation aujourd’hui

Face au tollé provoqué dans les milieux syndicaux par la démarche du ministre, l’avocat de Raëd Khoury, Me Ibrahim Samrani, a précisé dans une déclaration à la LBCI, que son client a déposé une plainte en diffamation contre Béchara Asmar « en sa qualité personnelle et non pas en sa qualité de chef de la centrale syndicale », et que la CGTL « n’a rien à voir dans cette affaire ». Une argumentation rejetée par ce dernier qui a affirmé à L’Orient-Le Jour que « c’est au nom de la centrale qu’il s’exprime ». « Mon discours porte sur des affaires publiques et non pas privées », a ajouté M. Asmar, qui a affirmé ne pas comprendre pourquoi il doit comparaître devant le bureau de cybercriminalité et non pas devant une juridiction ordinaire. « Ce choix traduit indiscutablement une volonté d’exercer des pressions sur la CGTL qui s’impose et qui commence à déranger », a-t-il encore dit.

Le patron de la centrale syndicale a été convoqué à 10h ce matin devant le bureau de cybercriminalité, mais il ne compte pas s’y présenter. Il doit envoyer son avocat et participer à 10h à une réunion extraordinaire convoquée par le conseil exécutif de la CGTL pour débattre de cette affaire.

Le bureau du conseil exécutif qui avait tenu hier dans la matinée une réunion extraordinaire sous la houlette de son vice-président, Hassan Fakih, a d’emblée relevé dans son communiqué que le bureau de cybercriminalité « n’a pas le droit de convoquer un Libanais à cause d’une déclaration qu’il exprime et à plus forte raison quand ce Libanais est le patron de la centrale syndicale ». Il a accusé Raëd Khoury de « régler ses comptes avec Béchara Asmar » , en indiquant que le ministre « avait lancé une campagne contre le chef de la CGTL depuis que ce dernier s’était opposé à la légalisation des générateurs électriques de quartier et a présenté un recours contre la décision du ministre devant le Conseil d’État ».

Toujours selon le communiqué, « c’est l’ensemble du mouvement syndical et sa liberté qui sont aujourd’hui ciblés ». Le bureau du conseil exécutif de la CGTL a annoncé qu’il compte « déposer sans tarder une plainte devant la commission des libertés auprès de l’OIA et de l’OIT, alerter l’ensemble des organisations syndicales régionales et internationales et soumettre une recommandation au conseil exécutif de la centrale syndicale pour organiser des mouvements de protestation contre les politiques répressives du gouvernement, les 19 et 20 janvier, devant le lieu où se tiendra le sommet économique arabe », au Sea Side Arena.


(Lire aussi : Droits de l’homme et liberté d’expression : réaffirmer l’exception libanaise)


« Volonté de musellement »

Il a en outre invité les membres du conseil exécutif de la CGTL à une réunion qui se tiendra à partir de 10h30 au siège de la centrale syndicale et sera suivie d’une conférence de presse de M. Asmar à midi.

Les nombreux syndicats, qui sont tous montés au créneau, ont à leur tour dénoncé en des termes virulents une volonté d’intimidation et de musellement de la CGTL qui était, rappelle-t-on, à l’origine de la grève observée vendredi dernier en association avec le parti Sabaa, pour protester contre le retard dans la formation du gouvernement et la dégradation de la situation économique dans le pays.

« Parler de l’ingénierie financière et de son impact sur les banques qu’elle enrichit au détriment des pauvres n’est pas un crime. Est-il interdit de dire qu’un des actionnaires d’une banque qui en a profité est le ministre de l’Économie ? S’il s’agit d’une diffamation, qu’il intente alors un procès contre nous tous et qu’il lance une enquête sur les affaires de corruption. Nous sommes, avec lui, sous le plafond de la loi », a martelé dans un communiqué le syndicat des travailleurs et des employés des municipalités.

Les deux syndicats des employés de la CNSS et de la Régie libanaise de tabac et de tombac sont tous deux tombés à bras raccourcis sur M. Khoury avant de dénoncer des tentatives de « museler Béchara Asmar parce qu’il s’est opposé au plan McKinsey de redressement économique et au coût de l’étude menée par ce bureau de consultation, à la location de navires centrales, à la régularisation des empiètements sur le domaine public maritime et au nouveau train d’impôts et taxes qui avait été imposé aux Libanais ». Plusieurs autres syndicats ont tenu le même discours avant d’appeler au rassemblement de ce matin.


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