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Santé - Rétrospective

Cent ans plus tard, les leçons tirées de la grippe espagnole

La pandémie avait été plus dévastatrice que la Première Guerre mondiale, entraînant 20 à 50 millions de morts en deux ans.

À Camp Funston, au Kansas, un hôpital d’urgence pour les victime de la grippe espagnole, en 1918. Photo Otis Historical Archives Nat’l Museum of Health & Medicine (sous licence creative commons)

L’année écoulée a marqué le centenaire de la pandémie grippale de 1918, communément appelée grippe espagnole. Importée des États-Unis par des soldats venus combattre en Europe, elle a été plus dévastatrice que la Première Guerre mondiale, infectant près du tiers de la population de la planète et entraînant le décès de 20 à 50 millions de personnes en l’espace de deux ans (1918-1919), contre 20 millions de décès au cours de la guerre. Les victimes de cette maladie étaient principalement des personnes bien portantes, âgées entre 20 et 40 ans. Toutefois, les populations étaient affectées par la dénutrition et la pauvreté résultant de la guerre et les populations européennes avait un état de santé très diminué.

Causée par le virus H1N1 (la souche du virus est différente de celle de la pandémie de 2009), cette pandémie a permis aux chercheurs, au fil des ans, d’accumuler des connaissances médicales relatives à la structure de ce virus, mais aussi aux variations qu’il subit annuellement. De ce fait, la communauté médicale a pu mieux affronter les pandémies qui ont suivi. Bien que chaque année les épidémies annuelles de grippe entraînent le décès de 250 000 à 300 000 personnes, selon l’Organisation mondiale de la santé, rappelons qu’en plus de la grande pandémie de 1918, quatre pandémies ont frappé au cours du siècle écoulé, à savoir celles de 1957, 1968, 1977, et plus récemment celle de 2009.

« Au cours de ce siècle, la communauté médicale a acquis des connaissances sur la structure du virus qui a été complètement décodé génétiquement », explique à L’Orient-Le Jour le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses. « La structure antigénique du virus, au niveau de son enveloppe, a été comprise et son mode de transmission bien analysé, poursuit-il. Désormais, nous savons que le virus de la grippe se transmet par les gouttelettes respiratoires, mais surtout par celles qui ont contaminé la main. Donc, il se transmet par voie respiratoire, mais aussi par contact. »


« Drift » et « shift »

Les recherches menées ont permis aussi de comprendre « les variations que subit annuellement le virus ». « Ces changements sont progressifs dans le sens qu’au cours de l’épidémie annuelle, la structure du virus va être légèrement modifiée en fonction des défenses immunitaires développées par les populations affectées contre lui, souligne le Dr Mokhbat. Il s’agit du “drift”. Le nouveau virus ainsi formé est légèrement différent du virus observé au début de la saison et sera responsable de la nouvelle épidémie de grippe l’hiver suivant. Toutefois, les personnes qui ont déjà été infectées lors de la saison précédente seront plus ou moins protégées face à la nouvelle épidémie de grippe. Celle-ci sera donc moins grave, mais affectera plus sérieusement les personnes qui n’ont pas été en contact avec lui lors de la saison précédente. Par ailleurs, tous les quelque dix à vingt ans, le virus subit une recombinaison génétique entraînant une modification complète de sa structure antigénique, avec comme conséquence une nouvelle pandémie. On parle alors de “shift”. Le nouveau virus ainsi formé n’est pas du tout reconnu par les systèmes immunitaires de tous les individus et va sévir sans obstacle. C’est ce qui s’est passé lors de la dernière pandémie de 2009. Le virus H1N1 était entièrement nouveau. Sur le plan épidémiologique, ce virus n’avait pas été détecté depuis plusieurs décennies et lorsqu’il a surgi, on se préparait à un bilan catastrophique parce que les gens dans le monde n’étaient pas immunisés contre lui. Heureusement, la pandémie n’a pas été aussi mortelle que celle de 1918. Cela est dû, entre autres, au fait que la communauté médicale est mieux préparée et mieux organisée pour affronter ce genre d’urgence. »


Identification des groupes à risque

La compréhension de la structure du virus de la pandémie grippale de 1918 a permis de comprendre les complications de la maladie (sur le cœur et les poumons) et les moyens de les traiter, mais aussi d’identifier les groupes qui courent le plus le risque de les développer. Il s’agit, rappelons-le, des femmes enceintes, quel que soit le stade de leur grossesse, des nourrissons et enfants âgés de moins de 5 ans, des personnes âgées de plus de 65 ans, des agents de santé, des personnes souffrant de problèmes respiratoires chroniques (asthme, bronchite chronique...), de problèmes cardiaques, d’une insuffisance rénale, d’une immunodéficience, de diabète...

De leur côté, les compagnies pharmaceutiques ont réussi à développer un vaccin antigrippal. « Or, nous avons compris que ce vaccin n’était pas entièrement protecteur chez les populations à risque et, par conséquent, qu’il fallait vacciner les personnes qui sont en contact direct avec elles, le personnel de santé à titre d’exemple, note le Dr Mokhbat. Ainsi, nous pouvons former une barrière immunologique autour de la personne à risque. On parle alors d’immunité de horde. »

Le monde aujourd’hui est-il mieux préparé à faire face à une nouvelle pandémie de cette envergure ? « Certainement, rassure le Dr Mokhbat. L’humanité est mieux protégée par une meilleure nutrition et un meilleur état immunitaire. De plus, les soins médicaux sont nettement supérieurs, notamment les soins de réanimation cardio-respiratoire. Les traitements antiviraux sont disponibles, ainsi que les antibiotiques qui permettent de lutter contre les surinfections bactériennes. »

Quid du réchauffement climatique et de la résistance aux antibiotiques ? « La résistance aux antibiotiques va entraver la lutte contre les complications de la grippe surtout contre les pneumonies bactériennes, observe le Dr Mokhbat. Elle ne jouera pas un rôle dans l’épidémie grippale. Quant au réchauffement climatique, on n’a pas de notions sur son potentiel impact sur la grippe. Toutefois, toute modification climatique et environnementale ne peut qu’affecter le métabolisme humain et microbien et affecter, par conséquent, la santé humaine. »


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