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Une hirondelle à Damas

Que se passe-t-il quand un pestiféré s’en va rendre visite et prêter main-forte à un autre pestiféré ? Les candides esprits seront sans doute déçus, mais il est bien connu que dans le jeu des puissances, justice et morale ne pèsent pas bien lourd. Et que zéro plus zéro ne font pas toujours zéro.


Le président soudanais Omar al-Bachir est ainsi l’objet, depuis une dizaine d’années, de deux mandats d’arrêt lancés par la Cour pénale internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis durant la guerre du Darfour. Cela ne l’a jamais empêché pourtant de se déplacer hors de son pays, tantôt en Chine, tantôt en Russie et tantôt même au Maroc.


L’an dernier à Moscou, le président soudanais se portait volontaire pour faire de son pays la clé de la Russie en Afrique. C’est une autre serrure cependant que le prie de forcer Vladimir Poutine : celle d’une Ligue arabe qui, dès le début de la rébellion de Syrie, avait gelé l’adhésion de ce pays. À cette fin, et comme pour souligner au trait gras l’ampleur de l’influence russe dans ce pays, c’est un avion aux couleurs russes qui, dimanche dernier, transportait à Damas le raïs soudanais pour une brève mais fort médiatisée rencontre avec son homologue syrien. Homologue et même émule, pourrait-on dire, puisque Bachar el-Assad est en mesure d’aligner des états de services non moins effroyables que ceux de son hôte.


Un sulfureux rapace du Soudan travesti en hirondelle peut-il vraiment faire le printemps pour un régime baassiste longtemps ostracisé par ses pairs arabes ? C’est ce qu’espère haut et clair le Kremlin. Et c’est bien ce genre d’encouragement qu’attend apparemment une Ligue elle-même peuplée en bonne partie de zéros et encline à faire passer pour réalisme et pragmatisme sa viscérale, sa légendaire impuissance. De fait, il faut bien admettre que la dictature baassiste, portée à bout de bras qu’elle est par les Russes et les Iraniens, n’est plus trop menacée d’effondrement. Voilà d’ailleurs que l’Amérique elle-même, l’Amérique des rafales de missiles Cruise rageusement tirées sur la Syrie, fait savoir avec plus de clarté que jamais qu’elle ne cherche pas à se débarrasser du régime Assad, mais seulement (?) à le transformer. À le rendre plus fréquentable, quoi !


Et dire que ce sont les mêmes qui dénonçaient à cor et à cri l’inconsistance et la naïveté du style Obama…


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Que se passe-t-il quand un pestiféré s’en va rendre visite et prêter main-forte à un autre pestiféré ? Les candides esprits seront sans doute déçus, mais il est bien connu que dans le jeu des puissances, justice et morale ne pèsent pas bien lourd. Et que zéro plus zéro ne font pas toujours zéro. Le président soudanais Omar al-Bachir est ainsi l’objet, depuis une dizaine...