Sauf imprévus, le gouvernement devrait enfin voir le jour incessamment. Et pour cause : tous les protagonistes sont désormais convaincus que la mise sur pied d’un nouveau cabinet est devenue plus que nécessaire. Aussi bien le Hezbollah que ses adversaires locaux en ont besoin dans les plus brefs délais afin de pouvoir affronter les défis qui guettent le pays, notamment le danger d’une éventuelle attaque israélienne contre le Liban après la découverte de quatre tunnels du Hezbollah à la frontière. C’est d’ailleurs ainsi qu’un observateur politique explique à L’Orient-Le Jour l’accélération soudaine des contacts en vue de la formation de la future équipe, à la veille de la séance du Conseil de sécurité, prévue aujourd’hui. Cela fait dire à un proche du courant du Futur contacté par L’OLJ que « le gouvernement sera mis sur pied conformément à un timing fixé par le Hezbollah ».
Il n’en reste pas moins que l’accélération soudaine des contacts est notamment due au forcing effectué par le président de la République Michel Aoun. Ainsi, à la faveur de l’optimisme distillé en début de semaine quant à une possible genèse du cabinet avant Noël, le directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim (mandaté par le chef de l’État) s’est entretenu avec les députés sunnites gravitant dans l’orbite syro-iranienne et que le Premier ministre désigné refuse d’inclure dans son cabinet.La réunion s’est tenue au domicile de Abdel Rahim Mrad, député de la Békaa-Ouest, à Tallet el-Khayat, en présence de Walid Succarié (Baalbeck-Hermel), Adnane Traboulsi (Beyrouth), Jihad Samad (Denniyé) et Kassem Hachem (Marjeyoun). Le directeur général de la SG a exposé les grandes lignes de l’initiative lancée par Michel Aoun et a invité ces députés regroupés sous la houlette de la Rencontre consultative sunnite à nommer des ministrables pour occuper le siège sunnite que M. Aoun a accepté d’abandonner au profit des députés hostiles au courant du Futur.
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À l’issue de la réunion, M. Ibrahim s’est montré particulièrement optimiste quant à un possible dénouement heureux. « Nous sommes dans la dernière ligne droite », a-t-il assuré, soulignant que la réunion s’est tenue dans une atmosphère positive. « La Rencontre consultative a réagi favorablement à l’initiative du président de la République », a encore dit le général Ibrahim. « Si les choses continuent à progresser sans entraves, sachant que je ne m’attends à aucun obstacle, le gouvernement verra le jour prochainement », a-t-il ajouté, faisant état d’une initiative en cinq points, sans donner plus de détails.
Contrairement aux attentes, les députés sunnites du 8 Mars n’ont pas remis au directeur général de la SG les noms de leurs ministrables. À ce sujet, M. Ibrahim a précisé que la « question des noms n’est pas sujette à des discutions ou des spéculations. Mais ils font partie de l’initiative. Et quand celle-ci sera complète, elle sera annoncée ». Il a également fait savoir que Fayçal Karamé, qui se trouve à l’étranger, est en contact permanent avec ses collègues de la Rencontre et qu’aucune solution ne sera adoptée sans son approbation. Une façon pour M. Ibrahim de répondre aux interrogations suscitées par l’absence surprise de M. Karamé de la réunion tenue par la Rencontre lundi dernier.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Abdel Rahim Mrad a fait savoir que lors de la réunion d’hier, les députés sunnites se sont entendus avec M. Ibrahim pour établir une liste comprenant plus de cinq noms de ministrables. « Mais nous attendons le retour de Fayçal Karamé de Londres prévu jeudi pour un entretien avec le président Michel Aoun que nous pourrions rencontrer vendredi », a-t-il dit, assurant que ses collègues n’ont imposé aucune condition à la mise en application de l’initiative Aoun.
Une source bien informée indique dans ce cadre à L’OLJ que parmi les noms de la liste, figureraient Taha Nagi, ex-candidat aux législatives sur la liste parrainée par Fayçal Karamé, Osman Majzoub, également proche du député de Tripoli, et Hassan Mrad, fils de Abdel Rahim Mrad.
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L’entretien avec Hariri
De même source, on apprend que des efforts sont actuellement déployés pour paver la voie à un entretien entre le Premier ministre désigné et ses concurrents sunnites. Une rencontre dont certains s’attendent à ce qu’elle se tienne à Baabda, ce que les milieux de la présidence ne confirment pas. « Il n’est pas nécessaire que cette réunion se tienne à Baabda », précisent ces milieux, soulignant que les députés sunnites devraient remettre les noms de leurs ministrables à Abbas Ibrahim qui les remettra plus tard au chef de l’État. Dans les mêmes milieux, on tient à faire savoir que contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, le ministre sunnite proche du 8 Mars ne relèvera pas du lot présidentiel, mais représentera la Rencontre consultative.
MM. Aoun et Ibrahim se sont, par ailleurs, réunis hier à Baabda. L’occasion pour le directeur général de la SG de faire le bilan de sa rencontre avec les parlementaires sunnites pro-8 Mars. Il s’est ensuite rendu à la Maison du Centre pour y rencontrer Saad Hariri.
Le même climat d’optimisme se fait sentir tant chez le Hezbollah que dans les rangs du Futur. À l’agence locale al-Markaziya, des sources proches du parti chiite ont été jusqu’à estimer que le décret de formation du cabinet « pourrait être publié dans les deux prochains jours, les obstacles les plus importants ayant été aplanis ». De même, le bloc parlementaire du Futur s’est félicité de l’initiative Aoun visant à faciliter la tâche à Saad Hariri. « Les efforts déployés par le président de la République représentent la dernière chance pour sortir (le cabinet) des blocages politiques », affirme un communiqué publié à l’issue de la réunion hebdomadaire du bloc à la Maison du Centre sous la présidence de Bahia Hariri, députée de Saïda. « Parier sur la formation du gouvernement est devenu nécessaire à la lumière des défis économiques, financiers et de développement que devrait relever le Conseil des ministres, mais aussi toutes les autres institutions », ajoute le texte qui appelle à concrétiser les efforts de M. Aoun par la publication du décret de formation de l’équipe Hariri.
À son tour, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil (mandaté auparavant par Michel Aoun pour trouver une issue à la crise ministérielle) s’est félicité de « la solution » en gestation. S’exprimant à l’issue de la réunion hebdomadaire du bloc Le Liban fort à Sin el-Fil, il a estimé que « la solution reconnaît le droit d’une minorité sunnite à représenter ses orientations politiques (au sein du gouvernement) », notant que « dans la forme, il ne s’agissait pas d’un bloc parlementaire, mais d’un groupe politique ». « La solution a donc respecté le principe selon lequel personne n’accapare la représentation (d’une communauté), loin des diktats », a-t-il souligné, espérant une mise sur pied du cabinet avant les fêtes.
Pour mémoire
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commentaires (9)
En plus j'adore le choix du mot "imprévus", comme si, et là tout sérieusement, toutes les autres affaires étaient prévues...
Wlek Sanferlou
18 h 53, le 19 décembre 2018