Un climat d’optimisme au sujet de la formation du prochain gouvernement a soudain plané hier sur le pays. D’aucuns estiment que ce revirement ne saurait être dissocié des récents développements régionaux, à commencer par le danger d’une éventuelle attaque israélienne contre le Liban après la découverte, confirmée hier soir par la Finul, de quatre tunnels du Hezbollah traversant la ligne bleue à la frontière sud en direction d’Israël. Une situation grave qui inciterait le Liban à se presser de se doter d’une équipe ministérielle. D’autant qu’entre les sanctions US et les revers de la stratégie iranienne en Irak et au Yémen, le Hezbollah serait désormais en quête de gains éventuels à Beyrouth.
L’optimisme nouveau est aussi mû par des raisons intérieures : l’obstacle né de l’insistance du Hezbollah à intégrer ses alliés sunnites semblerait ainsi de plus en plus près d’être franchi. À en croire des sources bien informées, la solution dont il est actuellement question serait axée sur l’acceptation par le président de la République Michel Aoun d’intégrer à son lot ministériel une personnalité que nommeraient les députés sunnites prosyriens, mais qui ne serait pas jugée « provocatrice » pour le Premier ministre désigné Saad Hariri. Outre le fait qu’elle a poussé certains à croire que le gouvernement pourra voir le jour prochainement, cette atmosphère positive est importante dans la mesure où elle intervient une semaine après une initiative lancée par le président de la République afin de permettre à Saad Hariri d’aller de l’avant dans le processus gouvernemental. Elle intervient aussi quelques jours après une rencontre entre le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, mandaté par le chef de l’État pour trouver une issue à la crise ministérielle, et Wafic Safa, haut responsable du Hezbollah, mais aussi et surtout avec Saad Hariri. Selon notre correspondante Hoda Chédid, M. Bassil en a profité pour réitérer le refus de son camp d’accorder dans sa quote-part un siège à un député sunnite du 8 Mars. Mais le forcing de Michel Aoun en faveur de la formation du cabinet aurait permis d’accélérer le processus.
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Sauf que, contrairement aux attentes, ce sont des sources proches du parti chiite citées par plusieurs médias locaux qui ont douché l’optimisme distillé durant le week-end. Au site web de la MTV, des sources proches du parti chiite ont déclaré que le cabinet ne verra pas le jour prochainement, faisant savoir que les réunions tenues récemment n’ont pas fait progresser le processus gouvernemental. Une allusion à peine voilée à l’entretien Safa-Bassil.
Quoi qu’il en soit, le président Aoun continue d’adopter un ton positif concernant la mise sur pied de la future équipe. C’est du moins ainsi qu’il conviendrait d’expliquer ses propos rapportés hier par le président du Conseil central maronite Wadih el-Khazen. « Le chef de l’État poursuit ses contacts en quête d’une solution à même de permettre la formation d’un gouvernement qui sauverait le pays et redynamiserait les institutions », a déclaré l’ancien ministre du Tourisme. Un peu plus tôt dans la journée, le chef de l’État (qui devrait s’entretenir prochainement avec le Premier ministre désigné) avait promis devant ses visiteurs que « plusieurs projets dans l’intérêt du pays seront lancés après la mise sur pied du cabinet Hariri ».
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La Rencontre consultative
C’est également dans une volonté manifeste de ne pas torpiller les efforts déployés actuellement que les députés sunnites prosyriens ont évité l’escalade verbale face à Baabda et la Maison du Centre. Comme prévu, les parlementaires concernés se sont réunis hier au domicile de Abdel Rahim Mrad (Békaa-Ouest). Étaient présents, outre M. Mrad, Kassem Hachem (Marjeyoun), Walid Succarié (Baalbeck-Hermel), Adnane Traboulsi (Beyrouth) et Jihad el-Samad (Denniyé). La réunion s’est tenue en l’absence de Fayçal Karamé, député de Tripoli, qui se trouve à l’étranger.
Dans un communiqué publié à l’issue de la réunion, les députés sunnites du 8 Mars se sont contentés de saluer les efforts du chef de l’État, et d’affirmer « comprendre la gravité de la situation économique et financière, ainsi que les dangers qui guettent le pays ». Ils ont, toutefois, réitéré leur insistance pour prendre part au cabinet. « Toute initiative qui ne reconnaît pas le droit de la Rencontre consultative à participer au gouvernement à la faveur du respect des résultats des législatives n’est pas viable », peut-on lire dans le communiqué.
Si elle a naturellement réitéré son désir de faire partie de l’équipe ministérielle, la Rencontre consultative s’est à n’en point douter rétractée par rapport à ses prises de position antérieures. Il s’agit de la toute première fois en effet que les députés en question ne formulent pas expressément la demande d’être représentés au gouvernement par un des membres de la Rencontre.
Interrogé à ce sujet par L’Orient-Le Jour, Abdel Rahim Mrad s’est contenté de rappeler que le président de la République et le directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim sont intervenus dans le processus gouvernemental et proposent des idées de solutions. « En principe, nous voulons que l’un des six députés prenne part au gouvernement. Mais nous voulons aussi nous entretenir avec Saad Hariri, dans la mesure où cela constitue une reconnaissance explicite de notre existence », souligne-t-il, faisant savoir que le groupe auquel il appartient refuse de relever du lot du chef de l’État.
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En évoquant Abbas Ibrahim, M. Mrad faisait allusion aux efforts que déploie actuellement, sur demande de Michel Aoun, le directeur général de la SG afin de faciliter la tâche à Saad Hariri. À cette fin, le général Ibrahim devrait s’entretenir aujourd’hui avec les députés sunnites gravitant dans l’orbite de l’axe syro-iranien. À en croire les spéculations médiatiques, Abbas Ibrahim devrait exposer aux députés en question l’initiative du président de la République prévoyant l’intégration d’un représentant de la Rencontre consultative dans son propre lot. M. Ibrahim discuterait aussi des noms des ministrables que pourraient proposer les députés sunnites.
Sauf que Fayçal Karamé a tenu hier des propos plus tranchés. Dans une déclaration à la presse, le député de Tripoli a affirmé que son groupe insiste pour qu’il soit représenté par l’un des siens. Commentant le différend opposant Saad Hariri à ses adversaires, M. Karamé s’est posé la question de savoir si M. Hariri « croit vraiment que le fait de ne pas recevoir la Rencontre consultative garantit de garder Damas loin des décisions du Conseil des ministres ».
Mais pour la Maison du Centre, l’important c’est de former un cabinet à la faveur d’une « initiative sérieuse » articulée autour de la toute dernière position de Michel Aoun, comme le confie à L’OLJ une source du courant du Futur.
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commentaires (9)
Résumé de l'article et des 7 derniers mois, pour ceux occupés à se faire une vie à eux mêmes et à leurs familles: le président est content, le premier ministre l'est aussi, le hezb jubile ainsi que les 6 gagnants du gros lot, les quelques dizaines autres soi-disant ministres le sont aussi, la Syrie est aux anges ainsi que l'Iran. Seul perdant, le peuple libanais, mais bon, après tout s'il n'y a pas de perdant il n'y aurait pas de gagnant non plus.
Wlek Sanferlou
01 h 42, le 19 décembre 2018