Le Hamas semble déterminé à étendre son influence en Cisjordanie, sur fond d’un climat plus que tendu dans les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne. Le groupe islamiste « a manifesté » hier « dans le centre » de la ville de Hébron en Cisjordanie, « contre l’Autorité palestinienne et ses forces de sécurité, et non pas contre l’occupation », selon Adnane al-Damiri, le porte-parole de la police de l’Autorité palestinienne, cité par l’AFP. L’agence précise que les forces de sécurité ont empêché la tenue de manifestations de soutien au mouvement islamiste dans le territoire occupée, allant même jusqu’à employer la force dans la ville du Sud au risque d’être à nouveau accusées par le mouvement islamiste de se faire le supplétif de l’occupant.
Ces manifestations interviennent alors que la tension est à son comble en Cisjordanie, où 400 000 colons mènent une coexistence souvent conflictuelle avec plus de 2,5 millions de Palestiniens.
Cette tension remet en cause des mois de calme dans ce territoire occupé où trois attentats ont eu lieu en deux mois. Dans la nuit de mercredi à jeudi dans le camp de réfugiés de Askar à Naplouse (nord du territoire), le Shin Beth, service israélien de renseignements intérieur, a retrouvé et abattu après une traque de deux mois Achraf Naalwa, 23 ans, auteur selon les autorités israéliennes de l’attaque ayant tué deux Israéliens (une femme de 28 ans et un homme de 35 ans) le 7 octobre dernier. Plus tôt dans la nuit, le Shin Beth annonçait avoir abattu Salah Barghouti, 29 ans, soupçonné pour sa part d’avoir pris part à l’attaque du 9 décembre près de la colonie d’Ofra entre Jérusalem et Naplouse où des coups de feu tirés depuis une voiture avaient fait sept blessés, dont une jeune femme de 21 ans enceinte de sept mois. Son bébé avait été mis au monde par césarienne, mais les services hospitaliers ont annoncé la mort du nourrisson quelques heures seulement avant la mort de Barghouti, qui a été tué alors qu’il « tentait de blesser » les forces israéliennes, selon le communiqué du Shin Beth. Une quarantaine « d’agents du Hamas » ont également été arrêtés. Au lendemain de cette longue nuit, deux soldats israéliens de 19 et 20 ans ont été tués et un autre a été blessé dans une attaque contre un arrêt de bus près de la colonie de Givat Assaf, non loin de Ramallah. Le tireur a pris la fuite en direction de Ramallah où les forces israéliennes ont dressé des barrages et bouclé la ville, siège des institutions de l’Autorité palestinienne, qui traverse une crise de légitimité sans précédent vis-à-vis de la population.
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Revendication du Hamas
Les Brigades Ezzeddine el-Kassam, la branche armée du Hamas, ont revendiqué les attaques du 7 octobre et du 9 décembre et présenté Salah Barghouti et Achraf Naalwa comme sortis de ses rangs. « L’ennemi ne doit rêver ni de sécurité ni de stabilité en Cisjordanie », selon le communiqué du groupe. En outre, Israël estime que le groupe islamiste palestinien est derrière l’attaque de jeudi.
Les attaques contre des Israéliens en Cisjordanie revendiquées par le Hamas sont d’une part des messages destinés à l’Autorité palestinienne en perte de vitesse, et donc un moyen pour le mouvement islamiste radical de s’incruster à nouveau sur le terrain. Elles peuvent être également un nouveau front ouvert contre Israël, alors que le Hamas est lui aussi acculé au mur dans la bande de Gaza.Des semaines de raids israéliens ont éprouvé la patience des Palestiniens. La succession des attaques a exaspéré les colons. Des affrontements ont éclaté jeudi à différents endroits. Lors de heurts survenus hier près du camp de réfugiés de Jalazoune, non loin de Ramallah, un adolescent palestinien de 17 ans a été tué par des tirs israéliens, ont indiqué les autorités palestiniennes. Un soldat israélien a par ailleurs été sérieusement blessé près de la colonie de Beit El, entre Ramallah et Ofra, par un Palestinien à l’aide d’une arme blanche et d’une pierre, a indiqué l’armée israélienne. Les forces israéliennes ont aussi mené une nouvelle incursion à Ramallah et maintenu leurs contrôles renforcés autour de la ville. Un Palestinien a aussi été tué par des soldats israéliens près de Ramallah, après avoir foncé sur eux avec sa voiture, toujours selon l’armée israélienne. « Nous condamnons et refusons » ces violences, a réagi la présidence palestinienne dans un communiqué, tout en accusant Israël de créer un climat propice à la violence avec ses incursions dans les villes palestiniennes, les agissements des colons et « l’absence d’horizon de paix ».
Cette série d’attentats et cette montée de tensions et de la violence intervient dans un double contexte particulier aux niveaux palestinien et israélien. Côté palestinien, la division entre l’AP et le Hamas persiste malgré la récente campagne réussie du président Mahmoud Abbas à l’ONU lors d’un vote pour condamner le groupe islamique. L’AP est perçue comme un fardeau par la moitié de l’opinion publique palestinienne, qui est favorable, à plus de deux tiers, à la démission du président Abbas, selon un sondage du Centre palestinien pour les recherches politiques et statistiques, publié en septembre dernier. Abandonnée par le médiateur américain sur la scène extérieure et incapable de redéfinir une nouvelle stratégie, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a suspendu plus d’une fois sa reconnaissance de l’État d’Israël cette année, sans rien y gagner. À Gaza, c’est Israël qui autorise le paiement des employés du gouvernement du Hamas et la livraison de fuel pour la centrale électrique, sans passer par l’Autorité palestinienne, qui cherche à assumer son rôle reconnu internationalement d’embryon du futur État palestinien. Des mois de violences ont causé la mort de plus de 250 Palestiniens à Gaza, et les récents affrontements militaires entre le Hamas et Israël et le cessez-le-feu du 13 novembre qui s’en est suivi ont affaibli un Premier ministre israélien dont la majorité à la Knesset ne tient plus désormais qu’à un député, à quelques mois des élections législatives.
Le Hamas est conscient qu’ouvrir « un front » en Cisjordanie, alors que l’armée israélienne mène des opérations à Gaza et à sa frontière nord avec le Liban, ne peut qu’accroître les sentiments des forces politiques à la droite de Netanyahu. Dans la période actuelle, le Premier ministre réagira en cherchant à apaiser son électorat de droite, en prenant des décisions qui renforcent la frustration de la population palestinienne, qui sera à son tour d’avantage critique vis-à-vis de l’Autorité palestinienne, ce que le groupe islamiste juge favorable pour lui.
Pour mémoire
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Ces Palestiniens...n'ont-ils toujours pas compris que s'ils étaient vraiment tous unis...TOUS, ils seraient tellement plus forts pour faire face à Israël...qui lui connait trop bien ce manque d'union dès le début et en profite à fond. Irène Saïd
21 h 23, le 15 décembre 2018