Rechercher
Rechercher

Liban - Société civile

Des activistes crient leur ras-le-bol le jour de la célébration de l’indépendance

Plus de 500 personnes réinvestissent la rue pour dire « non » à la gestion politique du pays.

Les protestataires marchant sous le regard des soldats de l’armée. Aziz Taher/Reuters

Cela ne s’était jamais vu auparavant. Alors que les autorités se livraient jeudi aux célébrations traditionnelles de l’Indépendance, notamment dans le centre-ville de Beyrouth, non loin de là se déroulait, au même moment, un mouvement de contestation mettant en question la pertinence même de telles célébrations dans le contexte actuel du pays. Placé sous le thème « Nous réinvestirons la rue », le coup de gueule manifesté hier par un collectif d’ONG et d’activistes qui ont critiqué, dans les termes les plus virulents, une « indépendance loin d’être réelle », était destiné à envoyer un message de ras-le-bol à l’heure où la classe politique semble ignorer l’état de déliquescence générale.

S’étant confinées dans une position de repli depuis plusieurs mois, plus particulièrement après les législatives où elles ont essuyé un sérieux revers, n’ayant réussi à faire parvenir à l’hémicycle qu’une seule députée, plusieurs composantes de la société civile ont décidé de reprendre le flambeau et de sortir de la torpeur dans laquelle elles commençaient à s’installer.

L’appel à la rue lancé il y a une semaine par plusieurs organisations – dont « Vous puez ! », « Beyrouth Madinati », l’« Observatoire populaire pour la lutte contre la corruption », « Li Baladi » et « le Akkar n’est pas une poubelle » – constituait un nouveau sursaut de mobilisation politique pour une reconnaissance des « droits fondamentaux des citoyens » et la réhabilitation d’« un État de droit et d’une justice efficace et non biaisée ».

Survenu quelques jours à peine après la paralysie des axes routiers bloquant les usagers dans leurs véhicules, plusieurs heures durant, du fait des répétitions pour la parade militaire de l’Indépendance, suivie du débordement spectaculaire de l’un des égouts de la ville dans ce qui est apparu être une affaire de corruption, le mouvement de contestation était principalement destiné à dire qu’il n’y a pas lieu de célébrer une indépendance « tronquée » à l’ombre d’« une crise de confiance, (d’)une crise de gouvernance et (d’)une crise de gestion » des services publics et des institutions, comme le soulignent les organisateurs.


(Lire aussi : Citoyens libanais, reprenons vraiment notre indépendance !)


« Notre souffrance est une »

Rassemblés sur la place du Musée dès 10 heures du matin, les protestataires, plus de 500, se sont dirigés vers la place des Martyrs, alors que venait de se terminer sur le boulevard Chafic Wazzan la parade militaire à laquelle a assisté l’ensemble des dirigeants.

Le choix de la journée de la fête de l’Indépendance a été voulu « pour sa forte symbolique », et pour dire à quel point la commémoration de cet événement, en l’absence notamment d’un gouvernement qui n’arrive toujours pas à voir le jour, a été vidée de son sens.

« Notre véritable indépendance sera obtenue le jour où nos responsables politiques seront affranchis de leur inféodation aux puissances étrangères, et lorsque leur mot d’ordre et leur priorité deviendront les besoins des citoyens », précise le communiqué conjoint du collectif, qui a été lu par Zeina Hélou, activiste.

Aux slogans condamnant les « crimes écologiques », la pollution et la mauvaise gestion des déchets, sont venues s’ajouter les dénonciations de la corruption, de la pénurie de l’eau et de l’électricité. Vêtus de tee-shirts sur lesquels on pouvait lire « L’indépendance est encore loin de nous », les protestataires, des jeunes pour la plupart, mais aussi des couples venus avec leurs enfants, ont dénoncé, pêle-mêle « la dette publique fulgurante », « la cupidité des hôpitaux qui vous laissent mourir à leurs portes », « les frais scolaires exorbitants » et l’absence de courant électrique, vingt ans après la fin de la guerre civile.

« Soixante-quinze ans d’indépendance et nous ployons aujourd’hui sous le poids de plus de 80 milliards de dollars de dettes dont 35 milliards ont été déversés dans le secteur de l’électricité, sachant que plusieurs localités du pays en sont encore privées », poursuit Zeina Hélou, qui dénonce par la même occasion « l’eau potable polluée », « le taux de chômage des jeunes qui a atteint un record, soit 37 % ». S’adressant à « tous ceux qui ont peur pour l’avenir de leurs enfants, mais aussi pour leur santé », Mme Hélou a souligné que les problèmes dont souffrent un grand nombre de Libanais transcendent les appartenances communautaires pour les réunir dans la citoyenneté. « Notre souffrance est une, de même que l’injustice, qui nous frappe de manière égale. Cessons donc de parler de droits des communautés. Celles-ci n’ont pas de droits à réclamer. Seuls les citoyens ont des droits », poursuit le texte dans une allusion aux tiraillements politiques autour des quotes-parts ministérielles que revendiquent à tour de rôle les leaders politiques.

Se disant déterminés à poursuivre leur mouvement de revendication dans les jours et mois qui suivent, les organisateurs se sont engagés à manifester de manière régulière, en ville mais aussi dans les régions périphériques, « afin d’affronter la mafia qui nous gouverne, et pour lui dire qu’on lui fera face parce que cela fait partie de notre droit et de notre devoir ».


Dossier spécial

Spécial indépendance du Liban : Violations en cascade du fondement du pacte national

Cela ne s’était jamais vu auparavant. Alors que les autorités se livraient jeudi aux célébrations traditionnelles de l’Indépendance, notamment dans le centre-ville de Beyrouth, non loin de là se déroulait, au même moment, un mouvement de contestation mettant en question la pertinence même de telles célébrations dans le contexte actuel du pays. Placé sous le thème « Nous...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut