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Campus - TÉMOIGNAGE

Le cri du cœur d’une jeune Libanaise à besoins spécifiques

Elle avait un rêve : entreprendre des études et une carrière comme toute jeune fille de son âge. Mais face au regard de pitié des jeunes et au manque d’infrastructures des universités pour les personnes à besoins spécifiques, Saydé a dû abandonner ses études et se retrancher dans son isolement et sa solitude.

Saydé, une jeune Libanaise de 22 ans, affirme avoir beaucoup souffert de son handicap.

« Je n’ai pas choisi de naître comme cela », affirme amèrement Saydé, 22 ans, standardiste dans une association de bienfaisance, la seule qui ait accepté de la faire travailler. « Les gens ne se rendent pas compte des dégâts que peuvent causer un mot, un regard, ou leur pitié. » Dans sa voix, beaucoup de détresse et une colère difficilement retenue. Sa malformation du bras droit, court et maigrelet, d’où pendent deux petits doigts, ne lui a attiré que regards moqueurs et phrases désobligeantes de la part d’une société qui n’accepte pas encore la différence des autres. À 9 ans, ses camarades de classe l’appelaient « la sorcière », « la déformée », « le petit diable » et la fuyaient comme la peste lorsqu’elle arrivait. Le directeur lui conseille alors « d’envelopper son bras avec un drap, pour ne pas effrayer ses camarades de classe ». Blessée, elle décide de changer d’école et réalise pour la première fois sa différence et sa malformation.

Arrivée dans le monde des adultes, c’est un nouvel affront que la jeune fille doit encore subir. « Le directeur de l’université de ma région m’a fait comprendre que l’établissement n’avait pas l’infrastructure pour accueillir des jeunes à besoins spécifiques et que je n’allais pas me sentir à l’aise. Mais comme je voulais vivre une expérience universitaire, à l’instar de tous les jeunes, malgré mon handicap qui m’éloignait de la société, et obtenir un diplôme qui me permettrait d’être financièrement indépendante, j’ai décidé de m’inscrire à l’AUL à Kaslik, à deux heures de mon village, pensant que dans les grandes villes, la société était mieux préparée à ce genre de problèmes. » Et là, nouvelle déception ! C’est le regard et l’attitude des jeunes qui l’ont poussée à abandonner ses études, trois mois plus tard, et à quitter définitivement l’université.


(Lire aussi : Des espaces consacrés aux handicapés dans les parkings de Tripoli et Mina)


« Je ne m’attendais pas à la réaction de ces jeunes, admet tristement la jeune fille. Je pensais qu’ils étaient plus sensibilisés et mieux préparés à ce genre de problèmes. Sur les 4 000 étudiants de ce campus, une seule fille a pris la peine de m’adresser la parole. Les autres me regardaient du coin de l’œil, me pointaient du doigt, ricanaient à mon passage et évitaient même de s’asseoir près de moi durant les cours comme si cette malformation allait les contaminer », dit-elle, déplorant également le manque d’infrastructures des universités et de moyens mis à la disposition des personnes à mobilité réduite. « C’est malheureux de penser que ces grandes universités déploient d’énormes efforts pour améliorer la gouvernance de leurs établissements, assurer des programmes de formation de haut niveau à leurs étudiants, développer la recherche pour mieux avancer, qu’elles dépensent des milliards pour agrandir leurs bâtiments, mais n’entreprennent rien pour nous permettre de poursuivre nos études à l’instar de tous les étudiants. Aujourd’hui, mon bras gauche commence également à être atteint. J’ai beaucoup de mal à écrire ou à suivre les cours qui étaient dictés très rapidement. Pas un prof ne m’a proposé de m’aider en me donnant des cours polycopiés. Les médecins redoutent que je ne perde l’usage de mon bras vers l’âge de 26 ans. Je ne sais pas ce que je ferai à ce moment-là ! »

Une prothèse à 12 000 euros

Il y a quelques mois, aidée par l’association Saint-Vincent-de-Paul, la jeune fille a lancé un appel dans les médias et les journaux pour pouvoir financer une prothèse à 12 000 euros. « Je sais que cette prothèse me redonnerait confiance en moi et éloignerait le regard de pitié et de dégoût de la société, dit-elle doucement. Je sais que je pourrais reprendre mes études, avoir un job comme tous les jeunes, devenir financièrement indépendante et aider mes parents qui m’ont beaucoup donné. Aujourd’hui, les universités ne sont pas équipées pour nous recevoir. Dans le monde du travail, là où je postule, on refuse ma demande. Je comprends, à leur regard, que c’est une fois de plus ce bras difforme qui est la cause de leur refus. Ils oublient que nous sommes des êtres humains blessés dans notre chair, que nous n’avons pas choisi de naître comme cela et que de surcroît nous subissons le regard d’une société qui ne fait rien pour nous sortir de notre souffrance ! »



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