À la veille de la conférence de presse attendue du Premier ministre désigné Saad Hariri, qui pourrait donner le coup d’envoi au nouveau cabinet en concédant au Hezbollah la nomination d’un ministre sunnite « indépendant », le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a annoncé hier sur son compte Twitter « la fin de Taëf ». En guise d’illustration, M. Joumblatt a posté une photo de Raymond Eddé, Amid du Bloc national, symbole d’une époque où les institutions étaient respectées.
« À l’époque, la démocratie avait un sens, la Constitution une immunité et la loi une autorité. Le Amid avait la stature des hommes d’État, que ce soit au pouvoir ou dans l’opposition. Puis a surgi l’assassinat politique pratiqué par les régimes totalitaires, ensuite la guerre, enfin le compromis de Taëf, porteur d’une Constitution qui ne s’applique pas. Et hier, Taëf a pris fin. Je me demande ce que signifie “gouvernement d’union nationale”. » À L’Orient-Le Jour, Walid Joumblatt explique que son constat sur la fin de Taëf est de nature politique plus que juridique, au sens strict : « Je constate, en tant que politique, un changement des rapports de force. Ce ne sont plus les Syriens et les Saoudiens qui gouvernent le pays, mais la Syrie, l’Iran et le Hezbollah, qui imposent ce qu’ils veulent par la force des choses. La façon dont Hassan Nasrallah s’est adressé à nous (dans son discours de samedi, et c’est à ce discours que se réfère l’adverbe “hier” dans le tweet) indique que ce n’est plus la peine d’engager des consultations pour former un gouvernement (…) sous le terme aberrant d’union nationale, où opposition et pouvoir se mélangent », dit-il. « Le Hezbollah est le seul à détenir le pouvoir réel qu’il oppose à tout le monde : Michel Aoun, Saad Hariri, moi-même… », ajoute-t-il. Comprendre que la formation du cabinet, si elle est confirmée, s’opérerait au détriment de tous, sauf le Hezbollah et ceux qui répondent de lui.
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« Mainmise iranienne »
Walid Joumblatt lui-même a accepté de céder un portefeuille sur sa quote-part à un « indépendant », soit le tiers de la part réservée à la communauté druze. « J’aurais bien aimé ne pas y participer », dit-il, estimant, en réponse à une question, que le bon sens voudrait que Saad Hariri « ne s’aventure pas dans un nouveau cabinet ». Chose peu probable. « Nous sommes dans le même rafiot et ce rafiot va couler », dit M. Joumblatt.
Dans le contexte de « mainmise iranienne », aggravé par une situation économique en péril – qui suscite l’inquiétude de l’ancien député – ce n’est pas tant la répartition par tiers (tiers sunnite, tiers druze et tiers chrétien sur la part du Hezbollah au sein du cabinet) qui marque la fin de Taëf, selon lui, mais la situation dans sa globalité. « Je ne parle pas de changement structurel dans les textes. Taëf sera toujours là puisque personne n’a le temps de faire une nouvelle Constitution, mais tout a été vidé, par la force des choses », dit-il.
Le compromis dans lequel s’était engagé Saad Hariri pour faire élire Michel Aoun y a contribué, en amenant le chef du gouvernement à concéder au chef de l’État les compétences que lui accorde la Constitution. Et Walid Joumblatt de rappeler enfin que la création d’un Sénat, pour accompagner la déconfessionnalisation du système politique prévue par la Constitution, n’a jamais été entamée. Pour lui, « juridiquement, Taëf n’a jamais été appliqué dans son intégralité. Et, politiquement, il est mort depuis quelque temps déjà ».
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commentaires (10)
Tout ce qu'on entend ici et là ... ce ne sont que des morceaux de vérités ... comme un miroir brisé Allez, j'ai envie de croire encore, sur la sagesse de tous les libanais sans exception, Hezballah compris bien sur. Réveillez vous libanais et marchez tous dans l'intérêt du Liban d'abord et avant tout. Un libanais qui ne se reconnait pas avant tout en sa qualité de Libanais ...celui-ci n'a plus d'âme.
Sarkis Serge Tateossian
17 h 15, le 13 novembre 2018