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À La Une - Armes à feu

Aux Etats-Unis, l'horreur des fusillades se banalise

Depuis le début de l'année, le site Gun Violence Archive a recensé 307 "fusillades de masse" qui ont, selon leur définition, tué ou blessé au moins quatre personnes.

Des Américains allument des bougies en hommages aux victimes d'une fusillade dans un bar de Californie, le 8 novembre 2018. Photo AFP / Apu Gomes

Quand un tireur est entré dans un bar de Californie mercredi, les clients se sont jetés au sol, abrités derrière un billard, enfuis par des fenêtres ou cachés dans le grenier. Mais "malheureusement, ces jeunes gens savaient que ça pouvait arriver".

Ces propos du shérif Geoff Dean, au lendemain du drame, montrent à quel point les Américains ont progressivement intégré le risque d'être pris dans une fusillade, au risque d'une certaine "normalisation" de l'horreur.

Aux Etats-Unis, les chiffres donnent le tournis ou la nausée. Depuis le début de l'année, le site Gun Violence Archive a recensé 307 "fusillades de masse" qui ont, selon leur définition, tué ou blessé au moins quatre personnes.

Quand, en février, un tireur a abattu 17 personnes dans un lycée de Parkland, en Floride, plus d'un million de personnes avaient défilé dans les rues pour demander une régulation plus stricte des armes à feu.

Il y a douze jours, un antisémite a ouvert le feu dans une synagogue de Pittsburgh (Pennsylvanie), tuant onze fidèles. Cette fois encore, l'émoi fut palpable.

Par comparaison, le drame de Thousand Oaks, au nord de Los Angeles, où un ancien soldat a tué douze personnes, a attiré moins d'attention et de réactions, comme si une sorte de "fatalisme, ou de grande fatigue" s'était emparée des Etats-Unis, souligne pour l'AFP Robert Spitzer, professeur de sciences politiques à l'Université de Cortland.


(Lire aussi : Un ex-militaire armé fait 12 morts dans un bar de Californie)


"Je ne veux pas de vos prières"

"On ne peut plus aller au bar ou dans un night-club ? On ne peut plus aller à l'église ou à la synagogue ? C'est de la folie", a tout de même commenté le démocrate Gavin Newsom, tout juste élu gouverneur de Californie. Avant d'ajouter: "la normalisation, c'est le seul moyen de décrire ce qui se passe. C'est devenu normal".

Le président Trump a bien ordonné de mettre les drapeaux en berne, mais la mesure passe presque inaperçue tant les étendards sont restés souvent à mi-mât cette année (19 jours suite à des fusillades et 15 jours pour d'autres raisons, comme le décès du sénateur John McCain). Dans un message sur Twitter, le locataire de la Maison Blanche a également souhaité que "Dieu bénisse les victimes et leurs familles".

Pour leurs proches, ce n'est pas assez. "Je ne veux pas de vos prières, je ne veux pas de vos pensées. Je veux une régulation des armes à feu", a lancé Susan Orfanos, tremblant de tristesse et de colère dans une vidéo devenue virale sur internet.

Son fils Telemachus Orfanos, 27 ans, est mort dans le Borderline Bar and Grill, après avoir survécu à la fusillade de Las Vegas, la plus meurtrière de l'histoire américaine (58 morts, le 1er octobre 2017).

Face à l'apathie ambiante, son père Marc Orfanos craint que l'appel de son épouse reste sans réponse. "Si décimer des enfants de 5 ans à Sandy Hook n'a pas marqué les esprits, rien ne le fera", a-t-il déclaré au Washington Post, en référence à la tuerie dans une école primaire du Connecticut en 2012, qui avait fait 26 morts dont 20 enfants.


"Perdu l'espoir"

"Les Américains semblent blasés", parce qu'ils mettent en place "des mécanismes de protection" face à l'horreur, explique à l'AFP le sociologue Gregg Carter. "Ils se montreraient plus sensibles s'ils pensaient pouvoir y changer quoi que ce soit." Or, ajoute-t-il, "ils ont globalement perdu l'espoir de voir prochainement des changements significatifs dans la régulation sur les armes à feu".

Les Américains sont très attachés au deuxième amendement de leur Constitution, qui autorise le port d'armes, et un tiers des foyers possède une arme à leur domicile. Mais une majorité de la population soutient désormais des mesures restrictives, notamment de vérifications des antécédents des acheteurs, souligne Gregg Carter. Pour lui, ces mesures n'ont aucune chance d'entrer en vigueur tant que les républicains sont au pouvoir. Et, "il n'est pas garanti" que les démocrates feraient mieux, a-t-il ajouté, en notant leur inaction entre 2009 et 2011 sous Barack Obama malgré leur contrôle du Congrès. Même constat pour le père de Telemachus Orfanos. La puissante association de défense des armes, la NRA, "contrôle la majorité du parti républicain et certains démocrates", relève-t-il. "Tant que cet étau ne sera pas cassé, ça ne va pas s'arrêter."


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