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À La Une - L'Orient littéraire

MBS selon Ockrent

Le prince héritier saoudien qui, à 32 ans, a pris les rênes du pouvoir wahhabite, a un tempérament explosif, mais l’intelligence rapide et une excellente mémoire.

Christine Ockrent. Photo D.R.

Le livre de Christine Ockrent, journaliste de renom, tombe à point nommé puisque le prince Mohammed Ben Salman (MBS), qui en est le sujet, se trouve depuis quelques temps dans le collimateur de la communauté internationale suite à l’assassinat à Istanbul du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi. L’ouvrage s’ouvre sur l’épisode du Ritz-Carlton où 381 hommes d’affaires et notables se retrouvent séquestrés sur ordre du prince pour rendre compte de prétendues malversations. La plupart d’entre eux ne seront relâchés qu’après avoir consenti à se déposséder d’une partie de leur fortune au profit du nouveau régime. Était-ce une sorte de racket étatique où la seule méthode possible afin de débloquer un système devenu ingérable et d’obliger ces hommes « jusque-là intouchables » à rendre des comptes et à cesser leurs pratiques plus ou moins abusives ? Ockrent opte pour la version « Game of thrones » et considère que « la purge du Ritz-Carlton va au-delà d’une spectaculaire opération anti-corruption. Elle s’inscrit dans le cadre d’une lutte implacable pour le pouvoir, une guerre des clans au sein de la famille royale... L’Arabie saoudite est entrée en révolution. » Le message est passé : il y a un seul shérif en ville !

S’ensuit une offensive de charme de trois semaines aux États-Unis où Donald Trump reçoit MBS avec chaleur, tout fier des contrats juteux conclus avec lui depuis sa visite à Ryad (la première à l’étranger) en mai 2017.

Ockrent nous brosse alors le portrait de ce prince héritier qui, à 32 ans, a pris les rênes du pouvoir wahhabite : il a un tempérament explosif, mais il a l’intelligence rapide et une excellente mémoire. Déterminé à édulcorer son image et à incarner la modernité, il a autorisé les femmes à conduire, permis l’ouverture de salles de cinéma et la tenue de concerts, criminalisé le harcèlement sexuel et encouragé le sport. Ayant cerné le caractère du personnage, l’auteur insiste sur les relations qui le lient à cheikh Zayed, le prince héritier et ministre de la Défense d’Abu Dhabi, qui lui a ouvert de nombreuses portes, puis analyse sa stratégie visant à guérir le royaume de son addiction au pétrole en diversifiant les sources d’énergie, à stimuler la jeunesse dorée, et à transformer une économie de rentes en une économie productive, à travers un plan baptisé « Vision 2030 » et un paradis technologique appelé NEOM. Jusqu’où ira le prince ? Où se situent les lignes rouges ? Plusieurs observateurs, dont Khashoggi lui-même, cité dans le livre (p. 138), se montrent perplexes face aux méthodes musclées du nouveau régime. La consigne est claire : toute transformation doit venir d’en haut, les initiatives d’en bas seront réprimées.

De l’affaire Saad Hariri, de la situation au Yémen, et de la rupture avec le Qatar, Christine Ockrent parle ensuite sans ambages : elle qualifie l’opération libanaise de MBS de « fiasco », estime que la guerre contre les houthistes s’est transformée en bourbier ou en « cyclone, tourbillonnant sans résultats décisifs sur des populations en détresse et des régions dévastées », et observe que les tentatives visant à dompter le Qatar et sa chaîne Al-Jazira ont échoué : « Aucune des épreuves de force engagées par MBS n’a véritablement été gagnée », conclut-elle. Mais elle reconnaît que « sur le plan intérieur, le prince héritier a pris des risques et marqué des points », tout en insistant sur l’appui (intéressé) des Américains qui donne au prince des ailes et le pousse à jeter du lest dans les relations de son pays avec Israël – qui craint comme lui l’expansionnisme iranien et l’extrémisme sunnite. Et la Turquie dans tout cela ? Les relations avec Erdogan sont certes évoquées, mais de manière trop rapide pour nous éclairer sur les enjeux du bras de fer opposant la Turquie à l’Arabie saoudite actuellement.

En conclusion de ce livre bien documenté, qui réussit à placer chaque événement dans son contexte, le bilan de MBS apparaît mitigé. Fragilisé par l’affaire Khashoggi, réussira-t-il à redresser la barre ?


BIBLIOGRAPHIE
Le Prince mystère de l’Arabie de Christine Ockrent, Robert Laffont, 2018, 288 p.


Lire l'intégralité de L'Orient littéraire ici

Le livre de Christine Ockrent, journaliste de renom, tombe à point nommé puisque le prince Mohammed Ben Salman (MBS), qui en est le sujet, se trouve depuis quelques temps dans le collimateur de la communauté internationale suite à l’assassinat à Istanbul du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi. L’ouvrage s’ouvre sur l’épisode du Ritz-Carlton où 381 hommes d’affaires...

commentaires (9)

???? pas compris cela. nos decrypteurs-decryptrices savent bcp mieux y faire.

Gaby SIOUFI

11 h 37, le 05 novembre 2018

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Commentaires (9)

  • ???? pas compris cela. nos decrypteurs-decryptrices savent bcp mieux y faire.

    Gaby SIOUFI

    11 h 37, le 05 novembre 2018

  • Et sans l’intervention à 3 h du matin du président français qui s’est déplacé en urgence en Arabie Saoudite, notre premier ministre aurait peut-être subi le même sort.

    Fredy Hakim

    22 h 26, le 04 novembre 2018

  • Ce n’est pas lui ni l’organisateur ni le donneur d’ordre mais il faut avoir une certaine confiance en soi pour se l’avouer !!! Il ne l’à certainement pas fait surtout en Turquie et d’ailleurs erdo avait promis de dire toute la vérité et de montrer les preuves qu’il a ... ou sont elles?!?!

    Bery tus

    21 h 13, le 04 novembre 2018

  • C’est la même Christine Ockrent qui accusait clairement dans la presse parisienne MBS d’avoir ordonné et supervisé la mort du journaliste saoudien !

    Fredy Hakim

    19 h 28, le 04 novembre 2018

  • IL EST TRES DIFFICILE DE REHABILITER MBS DANS L,OPINION PUBLIQUE MONDIALE MAIS AUSSI AUPRES DES GRANDES PUISSANCES... ET SI TRUMP ET KUSHNER Y INSISTENT ILS RISQUENT DE PARTIR AUSSI...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    15 h 44, le 04 novembre 2018

  • ELLE VA NOUS RACONTER CE QUE TOUT LE MONDE LE SAIT SUR MBS, MAIS CE QU'ON SAIT PAS ET QU'ON AIME BIEN LE SAVOIR, C'EST COMBIEN DE VICTIMES CE MBS A LIQUIDÉ À L'INTÉRIEUR DE SON PAYS EN ARABIE DE LA MÊME FRAÇON SAUVAGE ??? ON NE LE SAURA JAMAIS. QUI VA OSER PARLER SUR PLACE ? J'OSE MÊME PAS IMAGINER. L'ERREUR FATALE QU'IL AVAIT FAITE, AVEC CE CRIME DE KHASHOGGI, C'EST QU'IL EST TELLEMENT HABITUÉ À CES GESTES À L'INTÉRIEUR DU PAYS ET QUE PERSONNE N'OSE PARLER, ET LÀ IL A OUBLIÉ QUE C'EST EN TURQUIE QUE ÇA SE PASSE. DES CAMÉRA PARTOUT. IL EST DÉMASQUÉ LE MONSTRE.

    Gebran Eid

    13 h 28, le 04 novembre 2018

  • Opération réhabilitation de MBS ? Quatre semaines passent entre l'affaire khashoggi et la parution du livre... C'est un peu court non ? Livre bâclé ? Opération commerciale ? (Vendre le livre au plus vite tant qu'on en parle encore dans les médias... ? Géniale-Ockrent ?

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 27, le 04 novembre 2018

  • Constat mi figue mi raisin et incomplet . Le vrai visage nous le voyons maintenant tant sur la scène internationale que nationale....

    L’azuréen

    11 h 22, le 04 novembre 2018

  • Un livre que je me garderait bien de lire . Il émane d'une source acquise aux thèses du sous-fifre occidentale héritier /charcutier qui est maintenu en place parce que pour nathanmachin et trumpp-pète , personne mieux que lui ne saura faire le "job" de tuer des arabes tout en les faisant reculer dans l'histoire . okrent n'est pas la seule , étrangement mme badinter est la directrice de communication du même héritier/charcutier . On s'attend à une autre version plus acquise très prochainement . mme badinter , vous la connaissez?

    FRIK-A-FRAK

    10 h 47, le 04 novembre 2018

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