Le député de Tripoli, Fayçal Karamé, a violemment répondu jeudi à un tweet publié plus tôt dans la journée par le leader druze Walid Joumblatt critiquant les députés sunnites pro-8 Mars, qui bloquent la formation par Saad Hariri du gouvernement, lui rappelant son rôle dans les violences de la guerre civile.
"Les sunnites indépendants que vous n'avez pas su définir au point que vous avez dû aller à Bagdad et chercher des livres dans la rue al-Moutanabbi, sont les sunnites libanais qui n’étaient pas affiliés à divers pays arabes et étrangers au cours de leur histoire politique", a écrit M. Karamé sur son compte twitter.
"Le rapport de la Banque mondiale fait peur. Est-ce que les sunnites indépendants l'ont lu ? Et d'ailleurs, ils sont indépendants de qui ?", avait écrit M. Joumblatt. Le chef du Parti socialiste progressiste avait accompagné son message d'une photo d'hommes sur le célèbre marché de livres de la rue al-Moutanabbi à Bagdad. "Il semble que les nouvelles sur le Liban sont arrivées à Bagdad, alors les Irakiens cherchent un ouvrage sur les sunnites indépendants. Certains sont même tombés sur le rapport de la Banque mondiale sur le Liban", avait ironisé M. Joumblatt avant de saluer le député de Saïda Oussama Saad, qui n'a pas pris part aux récentes réunions des députés sunnites pro-8 mars .
"Les sunnites indépendants sont des sunnites libanais qui n'ont pas participé aux guerres de massacres et de séparation communautaire qui a transformé le Liban en une fédération de communautés. Ils n'ont pas reçu Shimon Peres dans leurs palais, mais sont morts assassinés pour défendre de l'arabité du Liban", a encore écrit le député Karamé. "Les sunnites indépendants sont ceux qui n’ont pas pillé les fonds publics avec une cupidité sans précédent et qui nous a menés au rapport terrifiant et dangereux de la Banque mondiale dont vous parlez", a-t-il ajouté.
Moins d’un mois après avoir abaissé ses prévisions de croissance pour le Liban, la Banque mondiale a une nouvelle fois exhorté les politiques libanais à lancer sans plus attendre les réformes que le pays s’est engagé à mener lors de la conférence dite CEDRE à Paris et qui sont préconisées depuis plusieurs années par ses soutiens et créanciers. "Le Liban fait face à un défi existentiel. La Banque mondiale n’abandonne pas et se tient prête à apporter son expertise au pays (…) mais c’est à ses dirigeants de lancer les réformes attendues", a déclaré Saroj Kumar Jha lors d'une conférence à Beyrouth.
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"Pas une organisation de bienfaisance"
Comme M. Joumblatt a choisi de saluer dans son tweet le député de Saïda Oussama Saad, M. Karamé a, lui, salué à la fin de sa série de tweets, commençant tous par l'interpellation "vous faites l'intéressant, Beyk ?", le chef de la Grande révolution syrienne Sultan el-Atrash.
Ce leader druze avait conduit dans les années 1920 la Syrie vers plusieurs victoires successives contre les troupes mandataires françaises. Parti à la tête d'une armée de 3 000 chevaliers, Sultan el-Atrache avait au préalable lancé la rébellion contre le mandat le 14 juillet 1925, date choisie à dessein pour coïncider avec celle de la Révolution française. La Syrie obtiendra son indépendance au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
La formation du cabinet bute sur la représentation des sunnites pro-8 Mars, alors que l'on semblait sur la voie du déblocage, lundi, avec l'annonce des Forces libanaises de leur participation au gouvernement. Le chef de l’État Michel Aoun a créé la surprise mercredi en envoyant implicitement au Hezbollah un message de mécontentement au sujet de sa dernière revendication consistant à allouer aux sunnites anti-haririens un portefeuille au sein du prochain gouvernement.
A ce propos, des sources proches du Hezbollah ont affirmé dans la soirée à la chaîne de télévision LBC que la relation liant le parti chiite au chef de l'Etat est "une relation d'alliance forte et excellente". "Nous comprenons son point de vue et il comprend le nôtre", a ajouté cette source.
Réagissant lui aussi à la question de la représentation des sunnites indépendants, le ministre sortant de l'Intérieur, Nohad Machnouk (Courant du Futur), a affirmé que la patience des sunnites commençait à s'épuiser face aux obstacles qui se multiplient pour entraver la formation du gouvernement. "Nous ne sommes pas une organisation de bienfaisance, et comme nous avons des devoirs nous avons des droits, a affirmé M. Machnouk lors d'une cérémonie dans la Békaa. Le grand réservoir de responsabilité politique chez les sunnites commence à s'épuiser. Il est inacceptable que la présidence du Conseil des ministres devienne un centre de désamorçage de bombes politiques qui se multiplient. Tous les jours, ils créent une nouvelle mine et inventent de nouveaux critères qu'ils appliquent de manière sélective", a encore dénoncé M. Machnouk, malgré les divergences qui l'opposent à Saad Hariri depuis les élections législatives de mai.
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commentaires (10)
Sans manquer de respect ou d'intérêt à toutes communautés, élus ou électeurs quelconque, nous pouvons penser que dans le cas des quelques députés sunnites récemment élus sur des listes qui ne représentaient pas leur propre communauté, ne peuvent en principe pas prétendre à un portefeuille ministériel puisqu'ils ne constituent pas un bloc parlementaire issue d'une formation politique représentant leur communauté. S'ils désirent ils peuvent mettre en place un tel mécanisme pour les prochaines élections en se conformant aux lois en vigueur en se constituant parti politique avec statuts, objectifs, etc. En attendant bloquer la formation du gouvernement, sous des prétextes fallacieux, alors que tout était prêt pour sa constitution, cela relève au mieux d'un abus. Notre pays à besoin des citoyens qui aiment leur patrie et qui respectent ses priorités et ses intérêts supérieurs et collectifs. Monsieur Karame jeune député dynamique et sympa, peut très bien comprendre tout ceci...
Sarkis Serge Tateossian
09 h 18, le 02 novembre 2018