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Lifestyle - La Mode

Cynthia Merhej et Rym Beydoun unissent leurs forces à Paris

Les marques des deux créatrices, Renaissance et Super Yaya, se sont joliment fait écho dans un showroom parisien où elles ont présenté leurs collections printemps-été 2019.

Super Yaya, collection/printemps été 2019. Photo Esther Theaker

Au cœur du tombereau de défilés délirants qui battent leur plein en cette fin septembre à Paris, elles donnent rendez-vous, entre deux rendez-vous, dans une galerie du Marais qu’elles ont investie à deux pour y présenter leurs collections printemps-été 2019. Voilà qui détonne des musées privatisés, églises, garages et autres salles scintillant de tous les ors qui trament le quotidien passablement codifié des acteurs et spectateurs de la fashion week parisienne. Si Cynthia Merhej, qui a fait partie de la saison 2 de Génération Orient, et Rym Beydoun (candidate au prix « L’OLJ »-SGBL de la saison 3 de Génération Orient), créatrices respectives des marques Renaissance et Super Yaya, sont basées à Beyrouth, elles ont préféré, d’un commun accord, se greffer au calendrier de la mode parisienne car, affirment-elle d’une même voix, « on trouve que nos collections sont assez complémentaires et, une fois dans un même espace, se répondent bien » . Un choix qu’elles justifient de la sorte : « Ce qui est fabuleux au Liban, c’est qu’on est toujours porté par les encouragements de ceux qui nous entourent, on se sent poussés, et cela peut leurrer en nous faisant croire qu’on a déjà réussi. Le revers de la médaille, parfois, c’est qu’on a besoin d’une critique juste et objective sur ce qu’on fait, confie Cynthia Merhej. C’est ce qui m’a amenée à présenter à Paris pour la première fois. Ici, l’échelle est différente, on se retrouve au même niveau que les créateurs du monde entier, ce qui nous permet de mieux nous évaluer. La presse et les acheteurs sont d’ailleurs surpris qu’on puisse concevoir des vêtements comme on le fait, à partir de Beyrouth qui est un peu à l’écart des épicentres de la mode. « Je pense, dit Rym Baydoun, qu’il est essentiel de faire voyager mes vêtements le plus possible. À Paris et ailleurs. À chaque fois que je présente mes collections à l’étranger, c’est comme si elles partaient à la rencontre d’une variété de caractères, de types de corps et surtout de points de vue. Cette diversité manque parfois à Beyrouth où, hélas, même si le marché évolue, tout reste encore un peu uniformisé. Si je ne m’étais pas exportée, poursuit-elle, je n’aurais jamais imaginé que mes créations puissent s’adresser au marché japonais, par exemple. »


Renaissance : du mouvement, une réinvention

Elle a beau avoir longtemps essayé d’endiguer son crayon, dirigeant son tracé vers l’illustration où elle avait fait métier, la mode est revenue la tirer par la manche. Si Cynthia Merhej, qui a grandi entre les tissus de l’atelier de prêt-à-couture de sa mère et sa tante, avoue « n’avoir pas voulu, au départ, faire ce qu’on attendait de moi, c’est-à-dire des vêtements », elle a fini par trouver en Renaissance l’écrin idéal « où manifester mes intérêts liés à l’art et la mode », et, sans s’en rendre compte, faire resurgir du papier les drôles de dames qu’elle avait l’habitude d’esquisser. Renaissance, donc, comme le clin d’œil à un recommencement personnel, mais aussi et surtout, comme « la relecture d’un héritage qui avance et évolue », explique la créatrice. Le vestiaire de Cynthia Merhej, en l’occurrence sa collection printemps/été 2019, cinquième au compteur de sa Renaissance dans la mode et première à être présentée dans le cadre de la Semaine de la mode parisienne, met d’ailleurs l’accent sur la thématique du mouvement. Un suave glissement des tonalités et des textures : du coton rouge vermeil vers un mélange de coton et lin aux couleur terre, effet cuir sur une veste sculptée, ou du satin de soie bleu argent comme une lune qui éclaire les Hippie Trails des années 60 d’où Merhej aurait, entre autres, puisé son inspiration. Deux robes en soie arachnéennes, comme empruntées à une héroïne des sœurs Brontë qui se serait échouée sur une côte d’Orient, l’une noire et l’autre rose, carénées au buste, s’évasent ensuite en souplesse pour donner toute latitude au déplacement. La danse est omniprésente. Et de confirmer : « En commençant à réfléchir à cette collection, j’ai voulu interroger la notion de divinisation, des gourous indiens à l’adoration des icônes ou des leaders politiques. Cela m’a menée à un questionnement autour de la notion d’élévation et à l’art de la danse en particulier. La femme que j’ai imaginée bouge, change. Elle est curieuse, jamais statique. » Jamais statique, mais toujours audacieuse, à l’image de cette collection, nonchalante et sophistiquée, faite d’une main de fer dans un gant de velours.


Super Yaya : sincère cri de guerre

Bien plus que créer des collections au sens strict du terme, Rym Beydoun a toujours chargé ses vêtements d’une mission qui lui est chère. Au moment du lancement de Super Yaya, que la créatrice envisageait comme une « parenthèse pour reconnecter avec l’Afrique », celle-ci cherchait à « réinterpréter et exporter la culture vestimentaire de la Côte d’Ivoire où je suis née et j’ai grandi, mais aussi à véhiculer l’image moderniste de l’Afrique qui reste méconnue ». Pour ce faire, elle construit ses premières collections autour du travail du bazin et du wax, ce tissu imprimé aux pochoirs de cire, dont on fait les boubous traditionnels, qu’elle applique à des coupes basiques. Elle croise les époques et les cultures en charriant au gré de son vent créatif, non sans un humour « un peu littéral, comme chez nous », souligne-t-elle, les histoires d’une diaspora libanaise qu’elle puise dans les archives familiales. Mais « ce n’est que face à l’engouement des gens que la marque a pris forme, » précise celle qui, aujourd’hui, à l’issue de trois collections, ne cédera pourtant jamais aux sirènes de la mode, celles des tendances du moment. « En si peu de temps, les textiles africains ont été galvaudés et utilisés à tort et à travers. L’idée que la culture vestimentaire de mon pays devienne une mode m’a vraiment mise mal à l’aise », avoue-t-elle. Sa collection printemps/été 2019, baptisée Sincère, sonne donc comme une évidence. Car il faut avoir connu Rym Beydoun pour réaliser à quel point ce terme pourrait être son cri de guerre. « J’ai imaginé la sincérité à travers un effritement des pièces, comme un retour à l’essence », raconte la créatrice qui a donc choisi la déconstruction de ses propres créations comme fil rouge de sa collection. Les robes en Wax sont détachables à la faveur de nœuds qui longent le corps, un pantalon en bazin plissé mute en short en y dissociant les boutons. Le vêtement est cinétique, il se décompose, se met à nu. L’été 2019 de Super Yaya explore également de nouvelles possibilités textiles : le bazin est élastique, le coton des tee-shirts est plissé, le wax froncé, les textiles changent d’épiderme. Rym Beydoun continue de maîtriser avec une aisance inépuisable l’alliance complexe de la technique et du poétique sans se lasser, sans se forcer. Avec sincérité.

Au cœur du tombereau de défilés délirants qui battent leur plein en cette fin septembre à Paris, elles donnent rendez-vous, entre deux rendez-vous, dans une galerie du Marais qu’elles ont investie à deux pour y présenter leurs collections printemps-été 2019. Voilà qui détonne des musées privatisés, églises, garages et autres salles scintillant de tous les ors qui trament le...

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VIVE LA VULGARITÉ

Gebran Eid

12 h 54, le 03 octobre 2018

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  • VIVE LA VULGARITÉ

    Gebran Eid

    12 h 54, le 03 octobre 2018

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