Les Palestiniens ont exprimé samedi courroux et désarroi après la décision américaine d'abandonner tout financement de l'agence de l'ONU pour les réfugiés (UNRWA), dont l'aide à des millions de personnes se retrouve en péril. Vendredi, les Etats-Unis, qui étaient de loin les plus grands contributeurs, ont annoncé qu'ils cessaient leur financement à l'Unrwa, aux activités qualifiées d'"irrémédiablement biaisées" par le département d'Etat.
Les relations sont au plus bas entre l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas et l'administration de Donald Trump accusée d'afficher un parti pris outrancièrement pro-israélien après sa décision rompant le consensus international de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. Les dirigeants palestiniens ont ensuite interrompu tout contact avec Washington, lui déniant tout rôle dans le processus de paix avec Israël suspendu depuis 2014. En réponse, M. Trump a annoncé en janvier qu'il conditionnait le versement de l'aide aux Palestiniens à leur retour à la table des négociations. Et son administration est progressivement passée à l'acte. D'abord en ne versant que 60 millions de dollars à l'UNRWA, contre 350 M en 2017. Ensuite, en annonçant l'annulation de plus de 200 M USD d'aide bilatérale aux Palestiniens -soit la quasi-totalité de l'assistance américaine hors coopération en matière de sécurité.
L'annonce de vendredi aggrave davantage la crise. Pour une responsable de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Hanane Achraoui, la dernière décision américaine est "cruelle et irresponsable". "Les réfugiés palestiniens sont déjà des victimes qui ont perdu leurs maisons, leurs moyens de subsistance et leur sécurité du fait de la création" d'Israël, a-t-elle dit dans un communiqué. "Une fois encore, ils sont la cible de l'administration américaine qui soutient Israël et ses dizaines d'années d'occupation".
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Pour l'ex-négociateur en chef palestinien Saëb Erakat, la décision américaine invalide des négociations futures en "préjugeant" des questions censées être examinées. Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Roudeina a dit que M. Abbas envisageait de contester cette décision à l'ONU, sans autre précision.
En revanche, Israël a salué cette décision, accusant l'Unrwa de "perpétuer le conflit" en entretenant l'idée -à laquelle il s'oppose- que de nombreux Palestiniens sont des réfugiés dotés du droit au retour sur les terres qu'ils ont fuies ou dont ils ont été chassés à la création de l'Etat d'Israël en 1948.
L'Unrwa aide plus de trois millions de Palestiniens sur les cinq millions enregistrés comme réfugiés, notamment à travers ses écoles et ses centres de santé, dans les territoires palestiniens mais aussi au Liban, en Jordanie et en Syrie. Craignant un manque de fonds, l'agence avait un temps évoqué devoir fermer de façon permanente les plus de 700 écoles qu'elle gère, après des fermetures temporaires.
Mahmoud Moubarak, directeur des comités populaires en charge des 19 camps de réfugiés en Cisjordanie occupée, accueillant environ 500.000 Palestiniens, a mis en garde contre des "répercussions très graves".
Dans la bande de Gaza, enclave surpeuplée sous blocus israélien où la plupart des enfants fréquentent les écoles de l'Unrwa, plusieurs Palestiniens ont exprimé leurs craintes. "S'ils arrêtent complètement leur aide, cela aura un impact majeur sur nos enfants", a déploré Abou Mohammed Houweila, 40 ans, du camp de Jabaliya. Pour ce père de neuf enfants ayant obtenu leur diplôme dans des écoles de l'Unrwa ou encore scolarisés, "les gens n'ont pas les moyens d'acheter des sacs d'école et des livres".
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Pour un autre habitant de Gaza, Hicham Saqallah, 55 ans, cette décision pourrait mener à des violences. "Arrêter l'aide aux écoles signifie détruire l'avenir d'un grand nombre d'élèves et les jeter à la rue", a-t-il dit en fustigeant un "chantage politique".
"Priver les réfugiés des services de l'Unrwa va aggraver les sentiments de désespoir et exacerber les tensions", a dit de son côté le chef de la diplomatie jordanienne Aymane Safadi, en mettant en garde contre un "véritable danger". Et l'Union européenne a appelé Washington à reconsidérer sa "décision regrettable".
Pour le porte-parole de l'Unrwa, Chris Gunness, "les gens vont devenir plus désespérés et marginalisés". Il a mis en garde contre des "conséquences dramatiques et imprévisibles" après avoir averti mercredi que l'agence "n'aura plus un sou" d'ici fin septembre.
Quelques initiatives ont émergé pour tenter de pallier le retrait américain. Berlin a annoncé une hausse "substantielle" de la contribution allemande à l'Unrwa et appelé ses partenaires européens à en faire autant. La Jordanie a elle annoncé une conférence le 27 septembre à New York pour soutenir l'agence qui a besoin d'au moins 200 millions de dollars (170 millions d'euros) d'ici la fin de l'année.
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19 h 09, le 01 septembre 2018