Légaliser le haschisch « salubre » ! Et pourquoi pas la prostitution « morale » ?

La Chambre des députés élue sur la base de l’étrange loi électorale examinera à sa prochaine session la proposition de loi autorisant l’usage du haschisch, auquel a été ajouté le terme « salubre » pour couvrir cette incongruité. Le Parlement libanais légitimera donc la culture du haschisch pour résoudre la crise économique qui étouffe la Békaa et qui a abouti à l’absence de sécurité et la domination de bandes de truands, libérés de leur assujettissement aux partis de la résistance, aux futurs artisans de la libération de la Palestine !
Une telle loi électorale donne naissance à une telle Chambre de députés. Celui qui a le mieux décrit cette loi est Samir Atallah qui la qualifie dans l’édition du Nahar du 14 février 2018 de « loi des » blocs, « à savoir les blocs du pétrole et du gaz, le système proportionnel n’ayant pas été adopté pour renforcer la liberté de vote mais pour consolider la légitimation du partage et de la collusion visant les droits des gens, ceux auxquels ne sont légués que des montagnes d’ordures et des abîmes de dettes, le tout se cumulant pour que la montagne » circonspecte « de Charles Corm ne soit plus qu’un souvenir dans l’histoire, à l’exemple du littoral phénicien dont Ernest Renan a décrit l’évolution comme celle d’une côte d’où ils prennent la mer et où les génies jettent l’ancre ».
Où est le Liban fleuve qui nous a donné à boire des coupes de bonheur et qui nous a vêtus de roses et de marguerites ?
Les anciennes classes politiques falsifiaient les élections comme au temps du cheikh Béchara el-Khoury et comme au temps de la tutelle « baassiste, moukhabaratiste et alaouite ». Le peuple s’était soulevé et cheikh Béchara avait été renversé. Bien plus tard, deux millions de Libanais étaient descendus dans la rue pour en finir avec la tutelle syrienne après l’assassinat de Rafic Hariri…
À présent, la classe politique a revêtu le costume de la légalité. Elle a été élue sur le fondement d’une loi « bâtarde » et les gangs sont tous présents au Parlement. Le vrai Liban y est minoritaire ! Les baisers généreux des hommes politiques sont biens libanais, mais ils dissimulent mal leur nature carnassière.
C’est cette classe qui a coupé l’électricité, coupé l’eau, jeté les ordures dans les rues, sur les routes. C’est elle qui abrite la corruption délibérée des juges, elle qui fait que le ministre de la Justice interdise aux juges de parler en leur intimant en ce sens un ordre quasi militaire, qu’il dit être légal, mais qui les réduit au statut d’employés de ménage.
Dieu aie pitié de la défunte indépendance de la justice, du regretté Émile Tyan, du regretté Abdel Basset Ghandour, de tous ceux qui faisaient l’honneur du pays en matière de justice, de science, de probité… La classe politique actuelle s’emploie, elle, à alourdir le déficit de l’État en l’augmentant de plusieurs milliards chaque année. Elle entrave tout projet salutaire, dont celui de l’extraction du gaz et du pétrole.
Nous avançons sur la carte du Liban la peur au ventre. On est tous étrangers sur cette carte. Le pouvoir est un gendarme qui nous suit en secret. Notre pain quotidien a un goût d’interrogatoire. Nous donnions avant naissance à de nouvelles générations. Nous enfantons à présent nos pères et grand-pères.
Le Parlement de cette classe politique légalisera le haschisch et le rendra « salubre ». Pourquoi ne pas légaliser aussi la prostitution en la considérant moralement acceptable ? Pourquoi ne pas légaliser la corruption et ne pas la ranger dans la catégorie des gratifications, des gestes nobles ?
Mais le pire est encore à venir !
Ghada el-Sammane a décrit le Liban comme le pays de la « peur ». Une petite allumette nous fait peur. Mais la politique, l’économie actuelle du Liban sont toutes des allumettes !
Les gangs du haschisch légifèrent à présent au Parlement. Notre politique étrangère ne reçoit plus les organismes internationaux et offense le secrétaire général de l’ONU, le secrétaire général de la Ligue des États arabes, la délégation du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et le pire est encore à venir !
Le gouvernement sera peut-être formé dans deux ans et demi, le temps de parvenir à un accord comme celui qui a abouti à l’élection du général Aoun, après le blocage du Parlement pendant deux ans et demi.
Le pire est à venir !
Le Liban, pays de la peur, peur des allumettes partout répandues… qui adoptera le haschisch, qui légalisera la prostitution, qui fera encore pire… Où ira-t-il ?
La pensée au Liban est fatiguée de toujours rechercher la vérité. Elle a abdiqué et s’est retirée dans les cafés pour bavarder, monter des quatrains, arranger des rimes…
Les hommes politiques ne lisent plus, n’écrivent plus. Les intellectuels chassent les mouches dans les bars et tavernes…
C’est une époque hideuse, dégoulinant de scandales, de traîtrises, de sacrilèges. La virilité y est absente. La simulation de positions patriotiques de cette manière incongrue prive l’action civique de son élément essentiel qui est la sincérité. Nous sommes des hommes qui refusent l’imposture et n’acceptent pas d’être des faux témoins alors que nous voyons leur Liban à genoux en train de quémander les faveurs pécuniaires, de perdre sa dignité, de faire l’esclave.

Avocat