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Économie - Monnaie

Venezuela : nouveaux billets avec 5 zéros de moins

Des Vénézuéliens vérifient les prix de produits en vente dans un marché de Caracas. Photo Reuters/Marc Bello

Frénésie d’achats, longues files d’attente aux stations- essence et le dollar au marché noir qui monte en flèche : circonspects et anxieux, les Vénézuéliens se préparent à l’arrivée aujourd’hui de nouveaux billets qui compteront cinq zéros de moins que les actuels. Pour le président socialiste Nicolas Maduro, cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un « grand changement économique », mais l’incertitude semble régner jusqu’au sommet de l’État.
« Beaucoup de choses, nous allons les comprendre » au fur et à mesure qu’elles entreront en application, a-t-il récemment déclaré. Le dirigeant est confronté à une grande impopularité, notamment à cause de la crise économique, des pénuries d’aliments et de médicaments qui provoquent de longues files d’attente devant les magasins. Dans ce pays pétrolier autrefois très riche, le panorama économique s’est considérablement assombri. La production d’or noir, qui apporte 96 % des revenus de l’État, s’est effondrée en dix ans, passant de 3,2 millions de barils par jour (mbj) en 2008 à 1,4 mbj en juillet. Le déficit s’élève à 20 % du PIB et la dette externe à 150 milliards de dollars, alors que les réserves ne sont que de 9 milliards. « Si tu maintiens le déficit et l’émission désordonnée d’argent (pour tenter d’y faire face), la crise va continuer de s’approfondir », déclare l’économiste Jean-Paul Leidenz.
Pendant longtemps, la plus grosse coupure était celle de 100 bolivars : il fallait donc prendre un sac à dos rempli de billets pour aller faire ses courses. Fin 2016, le gouvernement a introduit des billets de 500 à 20 000. Rebelote en 2017, avec l’arrivée des 100 000 bolivars... à peine de quoi acheter un œuf à l’époque. La nouvelle monnaie, dénommée « bolivar souverain », est censée mettre un terme à cette fuite en avant, dans ce pays où l’inflation est totalement hors de contrôle, projetée à 1 000 000 % à la fin 2018 par le FMI. Dix ans auparavant, en 2008, l’État vénézuélien avait déjà éliminé trois zéros en lançant le « bolivar fort ». Dans la rue, le découragement gagne une partie de la population. « Ça va être exactement la même chose », estime Bruno Choy, 39 ans, qui tient un stand de nourriture dans la rue. Samedi, des habitants de Caracas inquiets faisaient leurs courses, achetant de la nourriture à la mesure de leurs moyens mais de nombreux commerces sont demeurés fermés dans la capitale. De larges files d’attente se sont formées devant les stations-service.
Avec la nouvelle réforme, le plus gros billet sera de 500 bolivars, équivalant à 50 millions de bolivars actuels (7 dollars au marché noir, la référence de facto). La pièce la plus petite sera de 50 centimes.

« Je m’embrouille un peu »
« Je m’embrouille un peu », confie Argenis Quintero, conducteur de taxi de 28 ans, en imaginant les calculs qu’il va devoir réaliser. Asdrubal Oliveros, directeur du cabinet Ecoanalitica, prévient que « dans quelques mois » les nouveaux billets pourraient être dépassés si l’hyperinflation n’est pas contrôlée.
Fin 2016, des retards dans la livraison des nouveaux billets d’alors avaient provoqué des manifestations et des pillages, faisant quatre morts. Cette fois-ci, le gouvernement et la Banque centrale assurent que tout est prêt. Le président Maduro, lui, veut rassurer en expliquant que le bolivar souverain sera adossé au petro, la cryptomonnaie vénézuélienne avec laquelle le gouvernement entend contourner le manque de liquidités et les sanctions financières des États-Unis. Les prix et les salaires seraient fixés dans ces deux monnaies.
La prévente privée de mars dernier a débouché sur 5 milliards de dollars d’intentions d’achat, assurait alors le gouvernement. Mais cinq mois après, les transactions avec cette cryptomonnaie sont quasi nulles et le petro reste introuvable dans les bureaux de change en ligne. En outre, les États-Unis ont interdit les transactions avec cette cryptomonnaie, dans le cadre de leurs sanctions.
Le retrait de zéros de la monnaie fait partie d’un « plan de relance économique » qui comprend l’assouplissement du rigide contrôle des changes ainsi qu’un nouveau système pour le prix de l’essence, deux autres mesures qui devraient également entrer en vigueur lundi. Nicolas Maduro a annoncé vendredi la multiplication par 34 du salaire minimum. L’objectif, selon les experts, est toujours le même : trouver des liquidités.
Trois des principaux partis d’opposition du Venezuela ont appelé samedi à une grève à compter de mardi contre « des mesures désordonnées et irrationnelles, contradictoires et non viables, qui ne feront qu’accroître le chaos et la crise économique que subit le Venezuela ». Le camp au pouvoir soutient que la crise économique et l’hyperinflation sont la conséquence d’une « guerre économique » livrée par la droite vénézuélienne et les États-Unis pour le renverser.

Esteban ROJAS / AFP

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