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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Face à la crise sociale, Mohammad VI tente de reprendre la main

À l’occasion de son discours annuel du trône, le souverain marocain a voulu endosser le costume du souverain compréhensif et au-dessus de la mêlée.

Mohammad VI saluant la foule à l’occasion de la cérémonie d’allégeance à Tetouan. Fadel Senna /AFP

Mohammad VI est de retour. Très discret au cours de ces derniers mois, à tel point que les Marocains se demandaient s’il était ou non à l’étranger, le roi a repris les choses en main cette semaine pour essayer d’apaiser la fronde sociale. Pour son 19e anniversaire à la tête du Maroc, le monarque s’est exprimé lors du discours de la fête du Trône le 29 juillet à al-Hoceima, la ville où ont eu lieu les premières manifestations du mouvement al-Hirak. Le choix du lieu laisse à penser que le souverain marocain est prêt à faire un pas en direction des protestataires, même s’il n’a pas évoqué une seule fois la crise tout au long de son discours. Dans un contexte social délicat, ses mots étaient attendus par une large partie de la population. Avec son discours d’allégeance, presque charnel par la redondance de l’expression « cher peuple », le roi a voulu endosser le costume du souverain compréhensif et au-dessus de la mêlée. « Le roi semble avoir pris la mesure de l’ampleur des troubles », résume pour L’Orient-Le Jour Haoues Seniguer, maître de conférences en sciences politiques à Lyon.

Mohammad VI en a toutefois profité pour distribuer les bons et les mauvais points. En insistant sur « l’unité », en appelant à un « patriotisme authentique », il a tancé, sans les citer, les différents mouvements protestataires, y compris al-Hirak, en évoquant notamment les « nihilistes », les « marchands d’illusions » qui profitent des « dysfonctionnements » pour déstabiliser le pays. Sur les 1 200 prisonniers graciés, comme le veut la coutume, aucun ne semble être un des plusieurs centaines de prisonniers du mouvement al-Hirak.


(Lire aussi : Le Maroc, royaume de plus en plus à deux visages)


Appel au renouvellement
Les manifestants ne sont pas les seuls à en avoir pris pour leur grade. Le gouvernement a été lui aussi largement critiqué, à un degré toutefois moindre que l’année précédente, par le souverain marocain, qui a appelé à un renouvellement de la classe politique. Mohammad VI a reconnu l’échec de son administration en évoquant les « dizaines de milliards de dirhams » mal utilisés ou encore « les programmes qui empiètent les uns sur les autres ». En première ligne face à la crise, le ministre de l’Économie et des Finances, Mohammad Boussaïd, a été limogé hier. Cette décision intervient dans le cadre du « principe de reddition des comptes que le roi est soucieux d’appliquer à tous les responsables, quels que soient leur rang ou leur appartenance », a justifié le palais royal. « Le monarque se décharge, estimant avoir fait ce qu’il fallait », décrypte M. Seniguer, bien que « son rôle politique soit efficient ».
Demandant aux partis de changer de « méthode de travail, de rénover leurs modes de fonctionnement », le roi se pose en donneur de leçon à une école politicienne qu’il juge dépassée.

Cela suffira-t-il à calmer la fronde sociale ? Rien n’est moins sûr compte tenu de la situation économique et sociale du pays. Le dernier rapport Oxfam est sans appel. Le Maroc serait le pays le plus inégalitaire du Maghreb. Le développement économique entrepris par Mohammad VI a porté ses fruits en termes de réduction de la pauvreté, passant de 15 à 4,8 % de 2001 à 2015. Néanmoins, le royaume est traversé par de profonds clivages territoriaux. Alors que 10 % des Marocains vivent sous le seuil de pauvreté à la campagne, ils ne sont que 1,6 % en zone urbaine. En matière d’éducation, le royaume est également à la traîne. Si les Arabes passent en moyenne 6,3 années à l’école, les Marocains n’y restent que 4,2, alors que la moyenne mondiale est évaluée autour de 7,7 années. En 2014, le HCP (Haut-Commissariat au plan) estimait que 40 % des femmes étaient analphabètes, 47 % pour l’ensemble du monde rural. Des chiffres qui mettent en exergue la situation de fragilité que vivent des millions d’individus, pour la majorité des femmes issues du monde rural. Le programme Ramed, généralisé en 2012 à la suite des mouvements du 20 février de 2011, se voulait être une couverture maladie pour les plus démunies. Mais du fait notamment de son manque de transparence et de ses problèmes de comptabilité et de financement, la plupart des pauvres n’y ont pas eu accès. En 2015, l’Observatoire national du développement humain recensait seulement 27 % des ménages vivant sous le seuil de pauvreté affiliés au système Ramed. Le nombre de demandeurs est en plus à la baisse : alors qu’ils étaient de 9,2 millions en 2012, les renouvellements pour 2016 étaient d’environ 6,3 millions.


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