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La Consolidation de la paix au Liban - Août 2018

La démocratie des élections: Pour une participation efficace et une paix civile permanente

Les élections représentent une voie principale pour l’édification de l’État. Elles permettent la consolidation des processus pacifiques pour construire et dynamiser les institutions dans le sens du renforcement des infrastructures sociales. Mais cela doit se faire selon des conditions précises, dont la plus importante est le fait de chercher à assurer une représentation réelle et équitable. En général, on a tendance à confondre les deux principes en les utilisant ensemble. Pourtant la distinction est claire entre les deux et elle est indispensable si l’on cherche réellement à faire participer toutes les composantes du tissu social dans l’opération de construction de l’État. L’équité repose sur un découpage juste des circonscriptions, de manière à ne pas avoir de grands écarts dans le nombre des électeurs d’une circonscription à l’autre. Ce qui crée un déséquilibre clair entre le siège parlementaire et les votes. De même, les élections ne deviennent pas un instrument d’édification de l’État, au lieu d’être un facteur de destruction, que si le système électoral adopté est basé sur la représentation de toutes les composantes, chacune selon son poids réel. Autrement dit, le système électoral doit respecter la représentation réelle des composantes du tissu social.

Au Liban, nous sommes encore dans les premières étapes de la modernisation de notre système électoral. D’autant que les débats sur ce sujet sont à la merci des tiraillements politiques. Il faut préciser qu’en général, depuis le début de l’histoire, le système électoral dans les pays reflète les rapports de force dans une société. Si l’on jette un regard sur la loi électorale au Liban, basée sur le mode de scrutin proportionnel et sur le découpage en petites circonscriptions, on remarque immédiatement que cette loi est très loin de réaliser une représentation réelle et équitable, comme est supposée le faire un processus démocratique sain. Les associations de la société civile ont tenté depuis les années 90 de faire pression dans le sens de rectifier les injustices provoquées par le formatage des lois électorales selon les intérêts des parties les plus fortes. En vain. L’association libanaise pour des élections démocratiques (LADE) s’est employée à tenter de moderniser la structure légale sur laquelle se basent les élections en mettant l’accent sur les pratiques et les critères internationaux dans ce domaine, notamment ceux qui concernent le renforcement de l’égalité entre les citoyens, ainsi que l’égalité des chances entre les candidats et la garantie du droit de tous de faire élire leurs représentants, loin de toute pression matérielle ou morale.

Le rôle de cette association a commencé à devenir plus important à partir de 1996. Elle a ainsi lancé la campagne « Mon pays, ma localité, ma municipalité », qui visait à réclamer l’organisation d’élections municipales après leur suspension pendant des années. Il s’est aussi renforcé à travers les élections municipales et législatives qui se sont succédé. Mais il est ainsi apparu aux militants de cette association qu’il est urgent de lancer un travail interne pour définir un rôle primordial non seulement dans la surveillance technique du déroulement du scrutin, mais aussi dans l’ensemble du processus démocratique. La démocratie c’est aussi en effet la confirmation du principe de régularité des élections, de leur déroulement honnête et en même temps de la conviction que les élections sont un élément primordial de la consolidation de la paix civile, dans le sens où elles constituent un moyen pour les citoyens de demander des comptes pacifiquement aux forces politiques sans devoir recourir aux troubles et à la violence.

La surveillance des élections, sous toutes ses formes et l’implication de l’association dans le processus démocratique visant à l’édification des institutions de l’État ont donc avancé de pair, car elles émanent d’une conviction profonde de l’importance des élections dans le renforcement de la démocratie à condition qu’elles soient conçues et pratiquées selon trois principes : la liberté, l’égalité et la justice. La prise de conscience de ces principes de la part des parties marginalisées permet à la surveillance des élections et à tout ce qui l’accompagne de devenir un élément important dans la consolidation de la paix civile et de la garantie d’une alternance pacifique dans la transmission du pouvoir. Toute surveillance honnête des élections et le fait de favoriser une concurrence électorale équitable assurant une égalité de chances entre les candidats indépendamment de leurs moyens permet de développer le sentiment d’égalité des citoyens devant la loi.

Dans le cadre de sa mission de surveillance des élections, l’association LADE se base sur son analyse du cadre juridique local et des critères qui sont en général adaptés au contexte, pour pouvoir mesurer l’intégrité du déroulement du scrutin et sa conformité aux critères internationaux. Dans la période préélectorale, elle lance une campagne dite d’éducation électorale à objectifs multiples. Cette campagne vise ainsi à expliquer aux citoyens les critères de surveillance qui concernent la démocratie, l’intégrité et la transparence dans le déroulement du scrutin qui aboutissent directement au développement du réflexe citoyen, et le recours à l’arbitrage de la loi chez les électeurs. Ces explications partent d’une conviction profonde que le niveau d’éveil politique au sien de la société libanaise dépend directement de la conscience des droits politiques et civils des citoyens. La bonne citoyenneté repose sur le concept du respect des droits et obligations des citoyens entre eux et à l’égard des institutions de l’État, dans le cadre d’une relation d’interaction équilibrée.

D’un autre côté, en parallèle avec sa mission de développer chez les citoyens la conscience électorale, la LADE cherche à donner aux jeunes le sens du volontariat et de l’intérêt envers la chose publique. C’est une façon de les préserver à travers les initiatives disponibles tout en les familiarisant avec le processus de surveillance. Le fait de les pousser à avoir le sens de l’intérêt général entraîne les jeunes à être en contact direct avec l’opération politique par la grande porte, celle des élections qu’il s’agisse d’un scrutin local ou général. Aucun pouvoir ne peut durer s’il n’est pas le résultat d’un système électoral qui assure à tous les citoyens le droit de participer à l’opération politique et celui de choisir leurs représentants par le biais d’une opération de vote saine et transparente. S’il est respecté, ce processus ouvre la voie à un renouvellement de la vie publique à travers le fait de demander des comptes au pouvoir élu sur le mandat qui lui a été accordé. C’est une condition essentielle de l’alternance du pouvoir, laquelle consolide la stabilité politique, qui à son tour permet le développement économique, politique et social. De cette façon, les fondements de la paix durable sont mis en place.

La mission de surveillance est divisée en trois étapes : la vérification des listes électorales, la surveillance des campagnes électorales et la dénonciation des lacunes qui peuvent apparaître, jusqu’au jour du scrutin, et enfin le suivi des résultats et des recours en invalidations présentés. Une grande responsabilité repose sur les épaules des associations de surveillance, car elles deviennent une référence principale dans le relevé des infractions et elles sont habilitées à donner les éléments en leur possession aux différents concurrents. Elles doivent être crédibles car c’est sur les éléments qu’elles ont recueillis que se basent les protestations et c’est donc le travail des associations de surveillance qui finalement empêche les dérapages entre les concurrents et évite que les conflits entre eux débordent hors des institutions. C’est le sérieux de leur travail de surveillance qui permet de privilégier l’intérêt général sur les intérêts particuliers.

Tous ces éléments montrent l’importance de la surveillance des élections qui ne consiste pas seulement à relever les infractions, mais à développer la culture démocratique. Cette surveillance permet aussi de faire évoluer le cadre juridique des élections et de l’adapter aux développements politiques et techniques, de manière à renforcer la démocratie qui est en quelque sorte la liberté de choix donnée aux électeurs. Elle permet aussi de mettre en valeur le vote de l’électeur et le siège parlementaire, dans le respect de la justice et des critères internationaux, ainsi que le principe d’égalité entre les électeurs et entre les candidats. Tous ces aspects de la surveillance des élections renforcent le recours aux institutions dans la gestion des conflits et des rivalités. Ce qui permet le respect de la diversité à moindre coût, qui favorise à son tour le développement économique, politique et social.


*Directeur exécutif de l’Association libanaise pour la démocratie des élections (LADE) 


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.



Au Liban, nous sommes encore dans les premières étapes de la modernisation de notre système électoral. D’autant que les débats sur ce sujet sont à la merci des tiraillements politiques. Il faut préciser qu’en général, depuis le début de l’histoire, le système électoral dans les pays reflète les rapports de force dans une société. Si l’on jette un regard sur la loi...

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