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La Toile et le torchon

La frénétique répression du défoulement sur le web et la crise de l’université d’État, quel rapport ? Une même insulte faite à l’intelligence des Libanais, une infamie frappent plus particulièrement ce que le pays a de plus précieux, de plus sacré : sa jeunesse, qu’à force de mal gouvernance, on s’acharne à pousser au dégoût, au désespoir et fatalement, un jour, au blasphème.

C’est parfaitement vrai que la Toile électronique a considérable élargi le champ de l’expression individuelle, faisant de tout un chacun, sans distinction de mérite, un tribun plus ou moins qualifié. C’est vrai aussi que les abus (calomnie et diffamation, notamment) deviennent alors inévitables. Mais peut-on vraiment parler de diffamation dans un pays où l’on n’offre d’autre modèle aux générations futures qu’un fouillis de conflits politiques, sectaires, ou alors bassement matériels ; où la loi n’est guère appliquée contre tous ; où des crimes et délits bien plus graves restent impunis car leurs auteurs jouissent de protections occultes ; où l’on voyait même, dernièrement, la responsable attitrée de la police cybernétique faire elle-même usage de faux, se livrer à de grossiers montages, à seule fin de se venger d’un innocent ? Et quelle inexpiable faute surtout, quelle impardonnable faute que de recourir au seul porte-voix dont on dispose pour dénoncer – sans excès de révérence, on vous le concède – l’insolent népotisme, la scandaleuse corruption qui, de notoriété publique et comme consigné d’ailleurs dans les rapports internationaux sur la transparence politique, sévissent au Liban !

Il est pour le moins étrange que ce harcèlement obsessionnel, qu’une telle pluie d’interpellations visant les internautes, soient le fait d’un régime Aoun dont les partisans étaient, sous l’occupation syrienne, interdits de tout mode d’expression si ce n’est des concerts d’avertisseurs – puéril taratatata ta ta ta – dans les tunnels d’autoroute. Comment une victime devient-elle donc bourreau ? Tout comme le syndrome de Stockholm qui porte un otage à se laisser fasciner par son geôlier, ce phénomène trouve maintes explications en psychologie ; mais il reste injustifiable au plan de la morale politique.

Non moins troublants que cette compulsive chasse aux sorcières cybernétique sont les remous qui secouent l’université d’État. Ce sont en effet des accusations d’une extrême gravité (abus de pouvoir, clientélisme, favoritisme à connotation sectaire et même diplôme de médecine) qui sont portées contre le recteur de cet établissement par un ancien professeur d’histoire de renom, activiste jouissant d’un vaste respect dans les milieux syndicaux. Poursuivi pour diffamation (vocable décidément à la mode), celui-ci était soumis hier à un interrogatoire policier aussi long que truffé d’irrégularités de procédure.

Affaire(s) à suivre : ils ont beau avoir la peau dure, jamais en effet les responsables n’ont paru aussi chatouilleux…

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

La frénétique répression du défoulement sur le web et la crise de l’université d’État, quel rapport ? Une même insulte faite à l’intelligence des Libanais, une infamie frappent plus particulièrement ce que le pays a de plus précieux, de plus sacré : sa jeunesse, qu’à force de mal gouvernance, on s’acharne à pousser au dégoût, au désespoir et fatalement, un jour, au...