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Macron, champion (du monde)

Il suffit d’un grain de sable, aussi infime soit-il, pour enrayer la mieux huilée, en apparence, des machines. Parce que voilà la belle et fragile Macronie mise à genoux par l’affaire Benalla, à la une de tous les médias internationaux. Parce que voilà désormais l’Élysée emmuré dans un silence assourdissant et suicidaire ; le gouvernement français aussi tétanisé qu’un lapin prisonnier dans les phares d’un poids lourd, l’Assemblée nationale paralysée et en ébullition, et une majorité divisée et noyée dans ce qui ressemble beaucoup, déjà, à ce sentiment qui implose après la gêne : la honte. Parce que voilà le temps des questions – ou plutôt, d’une seule : pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas demandé à ce qu’Alexandre Benalla soit immédiatement déféré devant la justice, une fois que l’Élysée a été mis au courant de ses nombreuses et insupportables exactions ?
Tout est là – depuis le début. Tout est dans l’ADN du président français. Tout est dans ce syndrome de Peter Pan à l’envers, dont souffre Emmanuel Macron. Celui qui n’a jamais été père biologique a toujours détesté être jeune, a toujours tout fait pour être mûr, mature, archétype de sagesse et de raison ; a tout fait pour être petit père. Petit (beau-)père, d’abord, des enfants de sa femme, de 27 ans son aînée ; petit père, ensuite, du peuple français, qu’il sait et qu’il veut grandiose, et qui a eu la géniale idée de catapulter à l’Élysée un quasi-inconnu de 39 ans ; petit père, aussi, avec maman Angela, d’une Europe qui a tellement mal et qui (se) perd; petit père fouettard quand il le faut, petit père Noël quand il le peut… Petit père, mais également padre, (étoile du) berger, pour cet homme que l’Église et le sacerdoce fascinent au plus profond de son être. Mais padre au sens sicilien, tout autant, Don Corleone junior du IIIe millénaire, qui exige de ceux qui le suivent et auxquels il accorde sa protection l’exacte même loyauté qui est la sienne – parce qu’Emmanuel Macron, quoi qu’en pense, par exemple, François Hollande, est persuadé qu’il est le parangon de la loyauté. Est-ce pour cela qu’en père-Jupiter, il a puni son Alexandre Benalla de fils spirituel après ses méfaits, avec une mise à pied de 15 jours sans salaire et en le démettant de ses fonctions en matière d’organisation de sa sécurité, en pensant que cela suffisait ? Que personne ne pourrait plus rien dire et que le sale gosse pourrait se retrouver en photo à ses côtés, à Giverny en déplacement privé ou sur les Champs-Élysées à l’arrivée des Bleus champions du monde ?
Passé de l’image virale et somptueuse du stade Loujniki à Moscou, debout, exultant au premier but français, un président si jeune, si simple, si beau, si vrai et si heureux, à la non-image absolue, à cette absence pire encore qu’un cliché le montrant le visage fermé, en colère, ou même abattu, Emmanuel Macron est devenu malgré lui un héros de cinéma, un Wolf of Wall Street perdu par ses excès : là, il ne s’agit nullement de sexe et de drogues, mais d’un trop plein de confiance, d’un tsunami d’ego. Le jeune président est persuadé de son omnipotence. De sa probité. De son exemplarité.
Il n’a pas tout à fait tort. Du moins sur sa probité. Honnête, Emmanuel Macron l’est sûrement, et davantage que la grande majorité des hommes politiques français. Sauf que les dieux ont voulu qu’il soit grièvement blessé, pas (encore) tué, par exactement ce sur quoi il a bâti sa Macronie : sa fameuse exemplarité et sa communication. La tempête aurait été infiniment moindre si les Français avaient découvert que leur président entretenait une liaison adultérine avec une femme de l’âge de son épouse – tout comme peu de gens sont encore surpris par les révélations à propos de Donald Trump avec telle ou telle playmate, ou par ses tweets horrifiants ; tout comme peu de gens sont encore surpris par les excès d’autocratisme, d’ingérence et de mégalomanie de Vladimir Poutine.
C’est pour cela que le président français ne peut plus, en aucun cas, prétendre rester le maître des horloges. Ni se draper dans sa cape mitterrandienne d’invisibilité et de majesté lésée – il n’en a pas l’étoffe et les temps ont drastiquement changé. En train de se filloniser chaque jour un peu plus, Emmanuel Macron doit très vite se salir les mains. Sauter dans l’arène. Affronter non seulement cette opposition aujourd’hui cimentée par une union sacrée (et qui en fait des kilotonnes, même si c’est de bonne guerre…), mais surtout son peuple. Parce que des démissions à la chaîne, même celle d’un pilier de la Macronie, Gérard Collomb, nouvel Alain Juppé-Iphigénie sacrifiée, ne suffiront pas ; parce que la stratégie de com est maintenant obsolète ; parce que l’exemplarité est dynamitée, et parce que la confiance n’existe plus, Emmanuel Macron, s’il veut rester petit père des Français et rock star à l’étranger, doit parler. Parler, (s’)expliquer, se confesser, inventer, recréer, s’excuser, peu importe : il doit agir. Maintenant. « Moi, j’ai besoin de gens qui vivent dans le creux de leur ventre la nécessité de changer, de prendre des décisions, d’aller les expliquer et de faire. Je ne veux pas des gens qui soient assis et contents d’être ministres. Je veux des gens qui agissent. » C’était le 17 décembre 2017, sur France 2.
L’horloge n’attend pas. Encore moins ceux qui l’ont déçue. Souviens-toi que le Temps est un joueur avide / Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi. Emmanuel Macron, bien sûr, connaît Baudelaire par cœur.

Il suffit d’un grain de sable, aussi infime soit-il, pour enrayer la mieux huilée, en apparence, des machines. Parce que voilà la belle et fragile Macronie mise à genoux par l’affaire Benalla, à la une de tous les médias internationaux. Parce que voilà désormais l’Élysée emmuré dans un silence assourdissant et suicidaire ; le gouvernement français aussi tétanisé qu’un lapin...

commentaires (3)

allons allons, ne pas donner + d'importance a macron qu'a un autre . comme lui plusieurs ont su couvrir leur homme/concierge parceque justement ils attendent de lui des services plutot honteux pr le dire crument . sauf que macron a joue de malchance... PRIS EN FLAGRANT DELIT

Gaby SIOUFI

17 h 07, le 23 juillet 2018

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Commentaires (3)

  • allons allons, ne pas donner + d'importance a macron qu'a un autre . comme lui plusieurs ont su couvrir leur homme/concierge parceque justement ils attendent de lui des services plutot honteux pr le dire crument . sauf que macron a joue de malchance... PRIS EN FLAGRANT DELIT

    Gaby SIOUFI

    17 h 07, le 23 juillet 2018

  • Et pas un mot de vos confrères du Monde, à l’origine de cette affaire. Mettons de côté, "Peter Pan" "le Don Corleone junior", le "Père Fouettard", et autre "Wolf of Wall Street", et surtout je vous cite : "liaison adultérine avec une femme de l’âge de son épouse", et replaçons cette affaire dans un autre contexte, au Proche-Orient par exemple, pour ne pas citer un pays précisément. L’affaire fait pshiiiiiiiiit. Contre-pouvoir dans une démocratie, n’a pas le même effet dans une fiction de démocratie. Surtout le rôle des journalistes….

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    14 h 10, le 23 juillet 2018

  • Cet homme , Emmanuel Macron, c'est le vide total. Maintenu au sommet des sondages par ses apparitions permanentes dans les médias et des discours pour montrer ses capacités, mais aucune réalisation que du superficiel Admirer sa jeunesse et ses "qualités" n'apportent rien de constructif pour les français On ne parle plus de la dette énorme , le remboursement ? on parle plus du trou de la sécurité sociale, etc.... seul le jeune président apparaître dans tous les médias comme le président idéal. Quand les français découvriront la vérité, il sera trop tard . On ne gouverne pas avec du baratin

    FAKHOURI

    11 h 58, le 23 juillet 2018

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