Rechercher
Rechercher

Un remake du conflit libanais

C’est une nouvelle étape – et non des moindres – que le régime Assad a franchie ces derniers jours avec la chute de Deraa, berceau du soulèvement populaire enclenchée en mars 2011. Pour autant, le pouvoir en place à Damas ne paraît pas totalement au bout de ses peines. Loin de là. Et pour cause : le nombre d’acteurs régionaux et internationaux (américains, russes, israéliens, iraniens, turcs, saoudiens, qataris, sans compter les milices pro-iraniennes…) qui se meuvent en toute liberté sur la scène syrienne (et dans les airs) a pour effet d’accroître sans cesse la complexité de la situation… et de la solution.

Dans l’immédiat, Bachar el-Assad est donc maintenu aux commandes. Du moins en apparence. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a été sur ce plan, et pour la première fois, très explicite en soulignant lors de sa visite à Moscou que l’État hébreu n’a pas d’objection à la sauvegarde du régime syrien, rappelant à ce propos qu’en 40 ans (depuis la guerre de 1973), « pas un seul coup de feu n’a été tiré (contre Israël) au Golan ». C’est utile de le rappeler. Sauf que durant toute cette période, c’était Hafez el-Assad qui contrôlait d’une main de fer la situation et pouvait ainsi imposer une paix de facto aux frontières avec Israël, alors qu’aujourd’hui son successeur se retrouve avec un pays dépecé dont la stabilité politico-socio-sécuritaire est tributaire de diverses puissances étrangères et de plusieurs paramètres qui pourraient s’avérer difficilement contrôlables.

Certes, le gouvernement Netanyahu n’épargne aucun effort pour empêcher l’implantation d’une infrastructure et d’une présence militaire iraniennes en Syrie, insistant pour un repli (à défaut d’un retrait total) des forces de Téhéran et de ses milices supplétives à une cinquantaine de kilomètres, au moins, de la ligne de démarcation avec Israël. Mais en l’état actuel des choses, un tel repli des combattants irréguliers est une vue de l’esprit. Face à l’effondrement de l’État central syrien, l’Iran s’est employé à provoquer lentement et subrepticement un dangereux changement démographique en Syrie. Les miliciens du Hezbollah, à titre d’exemple, se sont infiltrés dans le tissu social urbain et se livrent à de petits business lucratifs. Même en cas de cessation des hostilités, ils pourraient ainsi maintenir leur présence et émerger très rapidement en tant que guérilla combative aux frontières avec Israël au cas où le guide suprême de la République islamique et les pasdaran le jugeraient opportun. L’on se retrouve de ce fait dans une situation à l’image de celle qui prévaut à Gaza ou au Liban-Sud.

Une implosion du pouvoir des mollahs ou une déroute globale de ce dernier – sous le poids des sanctions américaines qui le contraindraient à capituler politiquement et à abandonner son expansionnisme dans la région – n’est pas à exclure, si l’administration Trump ne fait pas marche arrière dans sa politique de confrontation avec le régime iranien. Mais dans l’attente d’un tel point d’inflexion géostratégique, les pasdaran maintiendront sans doute une sérieuse capacité de nuisance en Syrie. Et face à des unités dormantes souterraines et clandestines, la Russie ne pourra pas grand-chose (à supposer qu’elle le veuille réellement).

Parallèlement à un tel topo, un paramètre supplémentaire rend la situation encore plus complexe et explosive. Le maintien de la présence turque au nord-est de la Syrie. Le week-end dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde contre toute offensive visant la province d’Idleb qui reste contrôlée par l’opposition. De quoi consolider le dépeçage du territoire syrien en zones d’influence que se partagent des puissances régionales et internationales, ou même les milices chiites pro-iraniennes dont la dernière en date, d’ailleurs, est une milice syrienne mise sur pied par les gardiens de la révolution, à l’image du Hezbollah. Une telle implantation iranienne dans le plus pur style d’une guérilla souterraine constituera le cas échéant le terreau idéal pour des opérations que pourrait mener une autre guérilla rivale, entretenue par des jihadistes sunnites.

À moins d’un nouveau bouleversement régional de taille, la conjoncture en Syrie présente ainsi, dans le contexte actuel, toutes les caractéristiques d’une déstabilisation endémique, semblable à celle que cette même Syrie a fomentée sur la scène libanaise pendant trois décennies. Un remake du conflit libanais. Telle est la funeste situation dans laquelle le régime Assad a impitoyablement entraîné son pays et son peuple depuis 2011.

C’est une nouvelle étape – et non des moindres – que le régime Assad a franchie ces derniers jours avec la chute de Deraa, berceau du soulèvement populaire enclenchée en mars 2011. Pour autant, le pouvoir en place à Damas ne paraît pas totalement au bout de ses peines. Loin de là. Et pour cause : le nombre d’acteurs régionaux et internationaux (américains, russes,...

commentaires (3)

UN ARTICLE TRES OBJECTIF. BRAVO MR. TOUMA !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 00, le 17 juillet 2018

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • UN ARTICLE TRES OBJECTIF. BRAVO MR. TOUMA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 00, le 17 juillet 2018

  • .....""guérilla combative aux frontières avec Israël au cas où le guide suprême de la République islamique et les pasdaran le jugeraient opportun. L’on se retrouve de ce fait dans une situation à l’image de celle qui prévaut à Gaza ou au Liban-Sud."" Même cas de figure dans les trois régions ? Frontières séparées par l’ONU dans le cas libanais et syrien, il est presque impossible aux guérillas de rééditer leurs exploits, celui de 2006 par exemple, et le Golan annexé depuis 1982… et ne sera jamais restitué. Si l’on peut parler des ""frontières d’Israël""… Reste Gaza, où tout est possible...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    01 h 56, le 17 juillet 2018

  • ...""Face à l’effondrement de l’État central syrien, l’Iran s’est employé à provoquer lentement et subrepticement un dangereux changement démographique en Syrie. "" N’ayons pas peur des mots, c’est la ""chiitisation"" de la Syrie !

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    01 h 37, le 17 juillet 2018

Retour en haut