La Corée du Nord a rejeté samedi les méthodes de "gangster" des Etats-Unis pour négocier le désarmement nucléaire, après deux jours d'âpres discussions à Pyongyang que le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a pourtant jugées "très productives".
Après le départ de M. Pompeo vers Tokyo où il doit évoquer ces pourparlers avec ses homologues japonais et sud-coréen, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a jugé que l'attitude "extrêmement regrettable" des Etats-Unis pendant les discussions avait violé l'esprit de l'accord conclu le 12 juin à Singapour entre les dirigeants américain Donald Trump et nord-coréen Kim Jong Un. Le ministère a dénoncé des "demandes unilatérales et avides" des Américains en vue d'une dénucléarisation.
"Les Etats-Unis commettent une erreur fatale s'ils considèrent que la République populaire démocratique de Corée se doit d'accepter (...) des demandes qui reflètent leur état d'esprit de gangster", avertit le régime par la voie de l'agence officielle nord-coréenne KCNA.
Pyongyang a mis en avant le fait qu'il avait déjà détruit un site d'essais nucléaires - une concession que M. Trump avait saluée comme une victoire pour la paix - et déploré que M. Pompeo se soit montré peu disposé à en faire de même avec les concessions américaines.
Les Nord-Coréens considèrent l'ordre unilatéral de Trump de suspendre les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes comme une concession cosmétique et "hautement réversible" et regrettent que les négociateurs américains n'aient "jamais mentionné" la fin de la guerre de Corée en 1953.
En privé, les diplomates américains estiment que la réaction nord-coréenne est une tactique de négociation. Mais après deux jours d'amitié théâtrale à Pyongyang, cette attitude semble marquer un retour à la position traditionnelle du Nord.
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Quelques heures plus tôt, le chef de la diplomatie américaine, avant de décoller pour Tokyo, avait pourtant jugé les pourparlers "très productifs".
"Ce sont des questions complexes mais nous avons réalisé des progrès sur presque toutes les questions centrales, sur certaines beaucoup de progrès, sur d'autres il y a encore du travail à faire", a-t-il dit aux journalistes.
Le secrétaire d'Etat américain et Kim Yong Chol, le bras droit du numéro un nord-coréen Kim Jong Un, se sont entretenus vendredi et samedi durant plus de huit heures dans une résidence pour hôtes officiels de Pyongyang.
L'objectif était de développer une feuille de route détaillée vers la "dénucléarisation complète" de la péninsule coréenne, comme convenu lors de la rencontre historique de Singapour entre M. Trump et M. Kim.
"Nous avons parlé de ce que les Nord-Coréens continuent de faire et comment nous pouvons parvenir à ce sur quoi M. Kim et le président Trump se sont mis d'accord, à savoir la dénucléarisation complète de la Corée du Nord", a déclaré M. Pompeo.
"Personne ne s'est écarté (de cet objectif), cela reste leur engagement. Le président Kim est toujours convaincu, j'ai parlé avec le président Trump ce matin. (...) Nous avons des négociations productives, basées sur la bonne foi", a-t-il dit.
M. Pompeo a indiqué que des responsables des deux parties se rencontreraient dans un groupe de travail le 12 juillet pour parler du rapatriement de dépouilles de soldats américains tués pendant la guerre de Corée (1950-53).
Des responsables nord-coréens ont transmis à M. Pompeo une lettre personnelle à remettre à Donald Trump, espérant que "les relations formidables et le sentiment de confiance" entre les deux dirigeants seraient renforcés par les discussions, indique le ministère nord-coréen des Affaires étrangères dans son communiqué.
Pyongyang "fait la distinction entre les bureaucrates américains et le président Trump, en exprimant sa confiance dans ce dernier", analyse le Pr Yang Moo-Jin, de l'université des études nord-coréennes à Séoul.
"Il ne s'agit pas de rompre les pourparlers. Le Nord essaie de prendre le dessus dans les négociations à venir", explique-t-il à l'AFP.
"La Corée du Nord attendait de Pompeo qu'il apporte une proposition concrète de garantie de sécurité, mais a été déçu que les Américains réitèrent leur vieille demande de dénucléariser d'abord, avant que les Etats-Unis donnent quoi que ce soit en échange", a-t-il estimé.
Samedi matin, M. Pompeo avait quitté la résidence pour se rendre dans un lieu où il a pu passer un appel sécurisé à Donald Trump, loin d'une potentielle surveillance nord-coréenne, avant de reprendre vers 09h00 (00h00 GMT) les pourparlers.
Il s'agissait de la troisième visite en Corée du Nord du responsable américain.
Depuis le sommet du 12 juin, Donald Trump s'est montré optimiste sur les chances de paix dans la péninsule divisée depuis la guerre de Corée, estimant que la menace d'une guerre nucléaire était écartée.
Le communiqué signé par MM. Kim et Trump à l'issue de leur sommet comportait peu de détails. M. Kim réaffirmait dans ce document "son engagement ferme et inébranlable envers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne".
Le secrétaire d'Etat est maintenant chargé de négocier un projet qui, espère Washington, verrait M. Kim déclarer clairement l'étendue et la nature de ses programmes nucléaire et balistique et accepter un calendrier pour le démantèlement de son arsenal
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