Une vue globale de Ersal.
Après plusieurs reports, le retour de 400 déplacés syriens de Ersal (nord-est de la Békaa) vers le Qalamoun-Ouest devrait finalement avoir lieu aujourd’hui, selon un communiqué de la Sûreté générale (SG). Celle-ci a annoncé hier qu’elle assurera aujourd’hui « le retour volontaire de centaines de déplacés syriens » et veillera au « passage des bus (devant les transporter, NDLR) et de leurs véhicules privés de la région de Ersal vers la Syrie, via le barrage de Wadi Hamid, dès huit heures du matin ».
Le directeur général de la SG, le général Abbas Ibrahim, avait fait la première annonce de ce retour plus tôt dans la journée en marge d’une conférence, en déclarant qu’un « premier groupe de 400 déplacés » quittera aujourd’hui Ersal pour la Syrie. Il faisait ainsi référence aux 400 noms de déplacés avalisés par le régime syrien, parmi 3 000 autres inscrits auprès de la municipalité de Ersal pour rentrer chez eux – sachant que cette bourgade sunnite accueille entre 50 000 et 60 000 déplacés. Et d’y ajouter une précision qui n’est pas des moindres : « Nous agissons en coordination avec le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR). Nous leur avons adressé une lettre. Qu’ils assument leurs responsabilités. » Pourtant, l’agence onusienne avait été écartée dès le départ de cette opération de retour. Un retour que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil l’a d’ailleurs accusée d’entraver.
Comment expliquer dès lors que le général Ibrahim s’en réfère à l’UNHCR ? Selon la porte-parole de l’agence, « l’UNHCR ne fait pas partie des organisateurs de ce retour ». En effet, le mécanisme prévu n’est pas conforme aux normes internationales du retour sûr qui dictent l’action de cet organisme. Exemple révélateur : l’UNHCR basé en Syrie n’a toujours pas accès au Qalamoun où les 400 déplacés sont censés rentrer en sécurité. L’agence onusienne en Syrie a déjà présenté une demande officielle aux autorités syriennes pour s’y rendre, mais n’a toujours pas eu de réponse, apprend-on de sources concordantes. Cela vaut aussi pour Beit Jinn et Assal el-Ward, qui ont vu respectivement le retour de 500 et 200 déplacés selon un mécanisme similaire à celui du retour aujourd’hui vers le Qalamoun, en dehors du cadre du droit international.
Il n’empêche que « l’équipe de l’UNHCR sera présente sur le lieu du départ des déplacés » aujourd’hui, selon la porte-parole. Comme pour les précédents retours, l’agence en a été « notifiée » par la SG, comme signalé par le général Ibrahim. « Nous travaillons en étroite coopération avec la Sûreté générale en amont du départ des déplacés et le jour de ce départ », précise la porte-parole. Cela n’engage pas toutefois la responsabilité de l’agence, si par exemple la sécurité des déplacés était éventuellement menacée une fois rentrés.
(Lire aussi : Ersal rattrapé par le régime syrien)
Le fait que le général Ibrahim appelle l’UNHCR à assumer ses responsabilités aurait pour motif de se dédouaner si les choses devaient mal tourner, c’est ce qu’affirme craindre un proche du dossier. Un mécanisme de retour improvisé en dehors du cadre du droit international n’est pas sans présenter des risques sécuritaires, dont la responsabilité est difficilement identifiable : le gouvernement libanais n’encadre pas officiellement ce retour. Selon cette source proche du dossier, le seul garant du retour sûr des 400 déplacés auprès des services de renseignements syriens serait le Hezbollah. Mais un garant officieux, donc sans responsabilité.
L’opération de retour vers le Qalamoun syrien avait été planifiée avant les législatives de mai dernier par la municipalité de Ersal : celle-ci a lancé un appel aux déplacés qui le souhaitent à rentrer au Qalamoun, en coordination avec le général Abbas Ibrahim et les services de renseignements syriens. Après une première tentative infructueuse, l’opération a été relancée après les législatives, avec ceci de supplémentaire qu’elle a été surmédiatisée grâce à l’entrée en scène de Gebran Bassil. Après un échange de missives avec son homologue syrien, Walid Moallem, le chef de la diplomatie libanaise a fait d’une pierre deux coups : obtenir d’une part la normalisation officielle des relations libano-syriennes – qui se renforce par la passivité du Premier ministre Saad Hariri, que certains observateurs assimilent désormais à une complicité ; forcer d’autre part des opérations de retour en fonction des intérêts du Hezbollah. En l’occurrence, le parti chiite aurait intérêt à prouver qu’il est à même de garantir la sécurité des frontières du Liban avec le Qalamoun et la ville de Qousseir. Faut-il rappeler le déploiement russe, depuis un mois, de l’unité 11 (unité spéciale de l’armée syrienne régulière, qui relève pratiquement de Moscou et dirigée par des officiers russes), tout au long des frontières du Hermel ? Un déploiement qui est un message clair à l’Iran d’ôter la main des frontières libano-syriennes et de ne pas prendre pour acquis Qousseir comme étant l’arrière-cour du Hezbollah en Syrie. Cela dit, le Hezbollah, à l’instar de Damas, n’a pas intérêt à repeupler les territoires du Qalamoun et de Qousseir par des déplacés à majorité sunnite. Le retour qui doit s’effectuer aujourd’hui reste donc « symbolique », souligne le proche du dossier : un retour au compte-gouttes (un membre par famille) de personnes isolées, passées au crible par le régime de Damas.
Ce sont des retours similaires qui pourraient éventuellement s’effectuer, non sans gonfler l’image de Gebran Bassil comme « gourou » du retour des déplacés. Il avait indiqué mardi dernier qu’il envisageait de « former des comités civils dans plusieurs régions du Liban afin d’encourager les réfugiés syriens à retourner chez eux ». C’est chose faite avant même cette annonce : des municipalités sympathisantes du Courant patriotique libre auraient déjà mis sur pied ces comités pour répertorier les déplacés en vue de leur retour. Sachant que Damas n’a pas intérêt à un retour massif des déplacés, ces comités ne seront pas sans accroître la frustration des Libanais et attiser les tensions entre les collectivités d’accueil et les déplacés. Comment garantir par exemple que ceux dont les noms ne seront pas retenus par le régime syrien ne finissent pas par être chassés des localités libanaises ayant tenté d’organiser leur retour ? Le tout, à l’heure où Gebran Bassil maintient une épée de Damoclès sur l’UNHCR : selon des sources concordantes, la mesure prise par le palais Bustros de suspendre les permis de séjour des employés de cet organe de l’ONU est toujours en vigueur.
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commentaires (6)
J'ai fait un calcul avec une calculette électrique pour lutter contre la pollution, comme la voiture électrique du ministre de l'Energie César Abi-Khalil. A raison de 400 déplacés syriens qui retournent chez eux par mois, il faudrait 497 ans pour que les 1.700.000 quittent le Liban. Un peu de patience mon général Abbas Ibrahim.
Un Libanais
11 h 17, le 28 juin 2018