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Des bazars et des souks

Dans un Moyen-Orient en constante ébullition, ce sont les deux poids lourds du cru qui, dans des circonstances fort différentes, se disputent, ces derniers jours, la vedette.


En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan savoure en ce moment une victoire électorale qui ne fait, en somme, qu’apporter un vernis de légitimité populaire à ses pouvoirs déjà considérables. D’autant plus jubilatoire est son triomphe qu’il offre à ce véritable sultan sans (encore) le titre, qui concentre désormais dans ses mains tous les leviers de l’exécutif, qui embastille sans répit ses opposants, le luxe rare de donner au monde une leçon… de démocratie. Pas si naïf, toutefois, le monde. Car si son nouvel ami, le Russe Vladimir Poutine, est pratiquement seul à saluer la grande autorité politique d’Erdogan, l’Union européenne et les États-Unis ne sont pas avares d’appels à un hypothétique renforcement de la démocratie en Turquie. Autant de vœux pieux : le reis turc, qui passait naguère pour un modèle d’islamisme modéré, qui se veut aujourd’hui le dépositaire des vieilles gloires ottomanes, est bien parti pour un nouveau tour de piste susceptible de déboucher – en toute démocratie, bien sûr – sur une présidence à vie. Cela en fait-il forcément un négociateur mieux équipé face aux nombreux défis (la Syrie, les Kurdes, les rapports avec l’Europe et les deux superpuissances) qui l’attendent en matière de politique étrangère ?


Tout étant relatif, le président iranien Hassan Rohani conserve, à ce jour, son label de modéré, face aux ultraconservateurs de tout poil qui lui mènent la vie dure. Ils le rendent responsable de la dépréciation de la monnaie nationale, le rial, qui a perdu la moitié de sa valeur en quelques mois, dégringolade qu’a encore accélérée la récente dénonciation américaine de l’accord international sur le nucléaire iranien, assortie de la menace d’un rétablissement des sanctions économiques.


Lundi, c’est le bazar de Téhéran qui se mettait de la partie, décrétant la grève pour protester contre un taux de change qui se traduit par des importations toujours plus chères, les marchandises en souffrance ne cessant de s’amonceler ainsi dans les entrepôts des douanes. Cœur battant de l’économie iranienne, puissante institution tombeuse de gouvernements et donc traditionnellement redoutée des autorités, le bazar n’a qu’exceptionnellement recours à une mesure aussi extrême, laquelle s’est accompagnée cette fois de violentes manifestations. Alors que la fermeture des magasins se poursuivait hier en dépit de la répression policière, c’est un pathétique, un pitoyable Rohani qui quémandait hier la confiance et la patience des citoyens et des négociants, mais aussi du Parlement, des juges, des médias et des prédicateurs. Il en faudra davantage cependant pour faire marché conclu avec les mécontents.


Place aux poids plume, maintenant. Parlant de bazar, c’est à des marchandages d’un tout autre type que donne lieu ce moment fort, cette haute saison pour les bonnes affaires, politiques ou autres, qu’est la lente et laborieuse formation d’un nouveau gouvernement au Liban. Dans ce souk, animé certes, mais qui n’a franchement rien de pittoresque, s’entrecroisent les exigences des uns et des autres, tous arguant, avec la même ardeur, des droits que leur donne leur score électoral dans l’attribution des portefeuilles les plus prestigieux, ou alors les plus juteux. Tout cela sans le moindre égard pour les attentes des citoyens, laissés à l’abandon par un gouvernement d’expédition des affaires courantes qui n’expédie rien du tout pendant que s’écoule un temps précieux, alors que refait surface la crise des ordures ménagères et que se dégrade à vue d’œil la situation économique du pays.


Inopportunes prolongations de match dans un bien morne Mondial libanais…


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Dans un Moyen-Orient en constante ébullition, ce sont les deux poids lourds du cru qui, dans des circonstances fort différentes, se disputent, ces derniers jours, la vedette. En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan savoure en ce moment une victoire électorale qui ne fait, en somme, qu’apporter un vernis de légitimité populaire à ses pouvoirs déjà considérables. D’autant plus...