L’exercice est devenu familier pour les pilotes de l’armée de l’air israélienne. À une heure du matin hier, deux missiles ont été largués sur des dépôts d’armes du Hezbollah près de l’aéroport de Damas, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Interrogé par l’AFP, un porte-parole de l’armée israélienne a répondu : « Nous ne commentons pas les informations provenant de l’étranger. » Ce message est recyclé presque mot pour mot à chaque lendemain de frappe « non attribuée » en Syrie.
La frappe d’hier survient une semaine après celle, inédite, au croisement de la frontière irako-syrienne et du fleuve Euphrate dans la nuit du 17 au 18 juin. Jamais Israël ne s’était aventuré aussi profondément dans la périphérie orientale du territoire syrien. L’attaque visait un sous-traitant irakien de l’Iran, le Hachd al-Chaabi, une coalition de groupes paramilitaires chiites qui a transhumé vers la Syrie pour prêter main-forte à Bachar el-Assad, une fois l’État islamique vaincu en Irak. Par comparaison, l’attaque d’hier est presque une « frappe de routine ». L’aviation israélienne a opéré en terrain connu : au moins trois raids ont été menés depuis décembre 2017 dans la région damascène où se trouve le gros des infrastructures iraniennes et affiliées (caserne, centre de recherche, entrepôts d’armement). La carte des frappes permet de visualiser un triangle, délimité par le fleuve de l’Euphrate au nord-est et l’axe imaginaire Alep-Damas à l’ouest. En « ratissant » à l’intérieur de cette zone, l’aviation israélienne met à exécution un « triptyque » énoncé plusieurs fois au sommet de son gouvernement : aucune place pour aucune présence iranienne dans aucune partie de la Syrie.
L’État hébreu doit gérer deux menaces à la fois : l’installation à long terme d’une base arrière iranienne en Syrie qui permettrait l’ouverture d’un nouveau front de la Résistance contre Israël, et à court terme la pression exercée à sa frontière par l’offensive du régime sur la province de Deraa, attenante à la frontière israélo-syrienne. Encore hier, la zone de Lajat, dans le nord-ouest de la province, a été reprise à l’opposition par les forces pro-Assad qui ont commencé une offensive importante dans la région. Les dernières frappes sur Damas et l’Est syrien correspondent au volet stratégique à long terme, mais elles ont aussi un effet psychologique à court terme, pour parer à l’avancée du régime et de ses alliés dans le Sud. « La stratégie israélienne reste la même : convaincre les Russes du coût élevé de la présence iranienne en Syrie en jouant la carte de l’escalade. Dans ce contexte, la frappe de Bou Kamal (la semaine dernière) est bien plus significative », explique pour L’OLJ Michael Horowitz, consultant à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn. « Les Israéliens cherchent à montrer qu’ils ne se contenteront pas d’un accord limité au Sud syrien », poursuit M. Horowitz.
Une entente Moscou-Tel-Aviv ?
Une inflexion s’est produite début mai quant à la façon dont le Kremlin traite les angoisses sécuritaires de l’État hébreu. Le trafic sur l’axe Moscou-Tel-Aviv ces dernières semaines en témoigne : le conseiller national à la Sécurité israélien Meir Ben-Shabbat était à Moscou le 19 juin, la même semaine le commandant de la force russe de surveillance des frontières aurait également voyagé en Israël, selon le Haaretz. Cet agenda diplomatique a suscité des spéculations quant à une entente Moscou-Tel-Aviv pour pousser les Iraniens hors de Syrie. Paradoxalement, un rectificatif de taille accompagne souvent le propos sur une collusion israélo-russe : le Kremlin n’a de leviers suffisants ni sur Damas ni sur Téhéran pour désincruster la République islamique du territoire syrien. « La rumeur qui circule voudrait que Tel-Aviv accepte le retour du régime dans l’intégralité du Sud syrien tant que la Russie garde le corps des gardiens de la révolution (CGR) à distance.
Tout cela n’est pas très sérieux et les Israéliens ne sont pas suffisamment naïfs pour y croire. L’idée que le régime puisse revenir dans cette région sans le CGR est une fadaise », estime Thomas Pierret, chercheur au CNRS-Iremam. « Pour que l’accord soit acceptable pour les Israéliens, il faudrait au moins une division territoriale : ou les forces loyalistes ne reprennent qu’une partie du Sud, ou alors le régime reprend tout le Sud et les Russes laissent les Iraniens seuls face à Israël, sans couverture. À cela les Russes n’ont pas intérêt, ce serait un véritable stand de tirs pour l’État hébreu et le risque d’escalade est extrêmement fort », poursuit le chercheur.
La reprise de Lajat hier par les forces loyalistes n’est qu’un prologue. La localité se situe sur la partie occidentale de la province, coupée en deux par l’autoroute qui relie Damas à Deraa. « Cette région n’est pas critique pour Israël et la décision de lancer une offensive dans cette région, bien qu’elle accentue la pression sur tous les acteurs, dont Israël et la Jordanie, ne fait pas voler en éclats les discussions », explique Michael Horowitz. Les choses pourraient brusquement s’accélérer si les forces loyalistes franchissent la ligne de démarcation vers la partie orientale de la province, sur le palier de l’État hébreu.
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Vouloir croire que les USA et consorts se contentent de regarder un ahuris faire n’importe quoi en Syrie relève de la pure folie. Vouloir croire qu’il pourra les défier encore longtemps relève de la bêtise . Même avec un pseudo soutien russe . Ceux qui se sont attarder la bas et qui collaborent à l’épuration de zones entières participent de ce fait au déséquilibre évident naissant à feu doux au Liban qui se retrouve avec des réfugiés qui ,même si les conditions de retour sont réunies , ne peuvent de fait même plus récupérer leurs biens en Syrie ....ils sont donc condamner à rester....et après c’est quoi la suite?
22 h 30, le 27 juin 2018