« Avant Beb el-Dahab, les jeunes n’avaient jamais eu l’opportunité de réussir. » Léa Barouni, directrice de MARCH Lebanon, esquisse un sourire. Dans l’arrière-salle bondée du café communautaire Kahwetna, elle ouvre avec ces mots le festival intitulé « L’esprit de Beb el Dahab », à l’issue d’un processus de reconstruction du quartier commencé fin 2017 par l’association de consolidation de la paix. Plus de deux cent boutiques de cette banlieue au nord de Tripoli ont depuis été rénovées par des hommes et des femmes qui étaient auparavant ennemis.
Lunettes de soleil irisées sur la tête, assis dans un coin du café, Yassin Saiid, 24 ans, habitant de Beb el-Tebbeneh, explique avoir rejoint le projet en cours de route. Il s’est occupé de rétablir l’électricité dans les échoppes détruites par le conflit. Forcé à travailler en équipe avec ceux qu’il détestait, il s’est « rendu compte que les deux côtés se ressemblaient. Ce qu’il s’est passé dans ma famille s’est aussi passé dans leurs familles. »
Devant le café, dans la rue de Syrie, les habitants déjeunent en famille parmi la foule.
Aujourd’hui, la rue de Syrie grouille d’une foule bigarrée : elle n’est plus une ligne de démarcation entre les deux camps. Quartier prospère d’avant-guerre, cette « porte de l’or » reprend aujourd’hui de sa superbe : des stands de nourriture se sont ouverts, et des jeunes du quartier rappent et dansent sur une scène installée pour l’occasion. Des familles entières, toutes communautés confondues, déjeunent en profitant du spectacle. Les enseignes des boutiques environnantes sont flambant neuves, dessinées et conçues par cinquante jeunes femmes du projet.
Jusqu’en 2014, les affrontements entre le quartier de Beb el-Tebbeneh (majoritairement sunnite) et Jabal Mohsen (majoritairement alaouite) étaient fréquents. Les luttes politiciennes, le conflit syrien et la détresse sociale nourrissaient le ressentiment des habitants envers leurs voisins. La reconstruction et l’apaisement sont donc encore fragiles. « Je crois au changement par les individus, » dit Léa Barouni. « On ne peut pas contrôler tous les débordements, mais au moins, 300 jeunes qui se seraient battus avant ne le feront plus. »
Pour mémoire
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LA LIBRE EXPRESSION
10 h 43, le 24 juin 2018