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Liban - Député sortant

Élie Keyrouz, un juriste et un militant

Député maronite de Bécharré de 2005 à 2018, Élie Keyrouz quitte le Parlement après avoir présenté de nombreuses propositions de loi portant sur les droits de l’homme. Quelle évaluation dresse-t-il de l’action du Parlement sortant et quel a été son apport sur ce plan ?

Élie Keyrouz compte se consacrer à l’écriture et aux droits de l’homme.

Élie Keyrouz, ancien député de Bécharré et membre du directoire des Forces libanaises, est un militant né. Avocat de formation, il avait été arrêté à deux reprises et emprisonné durant quatre mois lors de l’occupation syrienne. Élu député en 2005 et en 2009, Élie Keyrouz a surtout eu à cœur de défendre les droits de l’homme, luttant en vue de moderniser les lois relatives aux femmes et pour modifier les prérogatives du tribunal militaire. Quelle lecture fait-il du bilan de l’action du Parlement sortant, quel a été son apport sur ce plan et quelle est sa vision concernant le rôle que devrait assumer le pouvoir législatif ?
« À mon avis, le travail parlementaire devrait se faire à plusieurs niveaux, souligne-t-il d’emblée. Le rôle de la Chambre devrait évidemment revêtir d’abord un caractère législatif, parallèlement au contrôle de l’action de l’exécutif, l’aspect financier avec le budget, ou les questions en rapport avec le développement, la démocratie de proximité, les aspects médiatiques et politiques. Certes, tout n’a pas abouti, notamment en ce qui concerne les interpellations adressées au gouvernement qui sont restées lettre morte à cause du système politique en place. »

Élie Keyrouz a planché sur plusieurs textes de loi. « En 2014, nous avons annulé la loi 562 du code pénal relative au crime d’honneur qui est devenu un crime comme tous les autres, précise-t-il. Nous avons aussi travaillé sur la loi relative à l’adultère qui ne traitait pas les hommes et les femmes d’une façon égale, l’homme étant passible de prison uniquement s’il trompe son épouse au domicile conjugal, alors que la loi était plus dure envers la femme. Nous avons fait en sorte que les hommes et les femmes soient égaux devant ce texte », poursuit-il, en ajoutant : « Nous avons réussi à annuler la loi 528 du code pénal qui permet au violeur d’épouser sa victime pour échapper à la prison. »
Élie Keyrouz a en outre œuvré en vue de la modification d’autres lois sans pour autant que ses initiatives aboutissent. « Nous avons voulu pénaliser le viol du conjoint, mais nous n’avons pas pu modifier la loi, indique-t-il à ce sujet. Malheureusement, jusqu’en 2018, la loi libanaise qui prévoit des peines pour les viols permet au mari de faire ce qu’il veut de sa femme. »


(Lire aussi : Proposition de loi de Keyrouz pour réglementer les étapes de l’implantation cochléaire)


Le tribunal militaire
L’ancien député de Bécharré a présenté également un texte de loi, qui devrait être prochainement adopté, sur la prise en charge des implants cochléaires pour les personnes atteintes de surdité.
D’autres propositions de loi ne verront jamais le jour, du moins pas dans un proche avenir.
« J’ai présenté une proposition de loi qui devrait annuler la peine de mort, car elle est comparable à une vengeance légalisée, une autre pour la protection des enfants d’un mariage précoce et qui fixe l’âge légal du mariage pour toutes les communautés à 18 ans, sans compter une proposition de loi qui donne davantage de droits aux employés, surtout ceux qui effectuent un travail syndical, afin de les protéger du licenciement arbitraire », poursuit-il.

Comme de nombreux militants des droits de l’homme, Élie Keyrouz œuvre pour que le tribunal militaire soit réservé uniquement aux militaires qui enfreignent la loi et non aux civils. Il a d’ailleurs présenté un texte de loi – qui n’a certes pas abouti – en ce sens. « Contrairement aux lois en vigueur sur le plan international, au Liban jusqu’à présent le tribunal militaire juge des civils », note-t-il, ajoutant qu’« en 2008, le bloc des Forces libanaises a proposé une loi prévoyant que l’État devrait verser des indemnités et des salaires aux anciens prisonniers libanais des geôles syriennes, mais elle n’a pas abouti ».

Le séjour en prison
Élie Keyrouz n’est pas près d’oublier les dix jours qu’il a passés à la prison des services de renseignements en 2001, suite à la rafle du 7 août, quand sous l’occupation syrienne les services de renseignements libanais avaient arrêté une centaine de militants des Forces libanaises et du Courant patriotique libre. « À la prison du ministère de la Défense, je ne pensais pas à ma libération, mais au jour où je serais transféré vers une autre prison », dit-il. L’ancien député, qui était à l’époque responsable FL, a été torturé et humilié. « Quand je suis sorti de prison j’avais de la haine envers eux, mais ensuite cela s’est dissipé, car la haine détruit la personne qui la porte, relève M. Keyrouz. Je pense jusqu’à présent à mes geôliers et tortionnaires ; ils se portent préjudice à eux-mêmes avant tout. En refusant de reconnaître mon humanité, ils tuent à jamais tout ce qui est humain en eux. »

L’ancien député souhaite que le nouveau Parlement puisse accomplir sa mission, rappelant à ce propos que lors de son premier mandat entre 2005 et 2009, « l’action de l’Assemblée a entièrement été gelée durant deux ans parce que certains ne voulaient pas que le projet du Tribunal spécial pour le Liban aboutisse ».
Avec la fin de son mandat de député, Élie Keyrouz compte se consacrer à la lutte pour le respect des droits de l’homme. Il veut aussi écrire. Il commencera par un livre sur l’expérience des Forces libanaises et de ses militants de 1994, l’année de l’arrestation du chef des FL Samir Geagea, à 2005, l’année du retrait militaire syrien du Liban, en passant bien sûr par la rafle d’août 2001 et sa propre expérience dans ce cadre.


Pour mémoire

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