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Liban - Affaire Hariri

Émile Lahoud, bouc émissaire tardif de Jamil Sayed

Le nouveau député de Baalbeck-Hermel donne sa version des faits devant le TSL en tentant de disculper Damas.

Jamil Sayed. Photo d’archives

Pour sa première journée de témoignage à décharge devant le Tribunal spécial pour le Liban à la demande des conseils de la défense de Hussein Oneissi, l’un des quatre accusés jugés in absentia devant le TSL pour l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005, le nouveau député Jamil Sayed, directeur général de la Sûreté générale de 1998 à 2005, a décrit les mécanismes de collaboration entre Beyrouth et Damas de 1992 jusqu’en 2005, « une collaboration similaire à celle d’après 2005 entre le Liban et l’ambassade des États-Unis ». La constante de son témoignage est que Rafic Hariri n’a jamais été dans un rapport conflictuel avec Damas, en dépit de « sa mésentente » avec le président libanais de l’époque, Émile Lahoud, élu en 1998. Faisant implicitement la distinction – autre fil conducteur de son témoignage – entre M. Lahoud et Damas, M. Sayed a rejeté la thèse, défendue par le député Marwan Hamadé, que Rafic Hariri a été mis au ban de la vie politique sur décision de Damas au lendemain de l’élection d’Émile Lahoud. Premier ministre depuis 1992, Rafic Hariri n’y sera pas reconduit avant 2000, c’est-à-dire avant sa victoire aux législatives de la même année. Une victoire qui, elle aussi, selon M. Sayed, serait la preuve des bons rapports ininterrompus entre le Premier ministre assassiné et le régime syrien. 

Relatant l’épisode du bras de fer Hariri-Lahoud en 1998, Jamil Sayed a rappelé que les consultations parlementaires contraignantes au palais présidentiel permettaient la désignation de Rafic Hariri sur base de près de 87 voix favorables. Mais « ce score a déçu Rafic Hariri », et c’est pour le gonfler qu’Émile Lahoud lui a proposé, lors d’une réunion à Baabda, de « lui transférer » une vingtaine de votes de parlementaires que ceux-ci ont mis « à la disposition de M. Lahoud » : « Vous avez obtenu 87 voix, le reste des votes est chez moi, ce qui vous donnera plus de cent voix favorables et personne n’en saura rien », lui aurait dit le chef de l’État. Une option que Hariri a contestée en ce qu’elle est contraire à la Constitution : « Le texte n’a pas donné au chef de l’État compétence à désigner le Premier ministre à la place des députés », lui aurait répondu l’ancien chef de gouvernement, avant qu’il ne soit convenu de poursuivre la conversation le lendemain matin. Une heure après cet entretien à Baabda, Émile Lahoud est « surpris » par un communiqué de Rafic Hariri l’accusant de violer la Constitution, « une accusation publique qu’Émile Lahoud a considérée comme un camouflet contre sa personne ». C’est alors qu’il « a informé (le président syrien) Hafez el-Assad de son incapacité à coexister avec Rafic Hariri ». « Les Syriens lui ont alors donné la liberté de choisir son Premier ministre ». M. Lahoud dira ensuite à Rafic Hariri qu’il a reçu « son message et accepté sa démission », même si celle-ci n’a pas été formulée comme telle. 

C’est ainsi que le choix s’est porté sur Sélim Hoss et la démission de Rafic Hariri annoncée à son insu dans les médias au moment où il se rendait au palais présidentiel pour poursuivre les échanges de la veille. 

Sachant que M. Hoss était « moins proche des Syriens que ne l’était Rafic Hariri (…) la mise à l’écart de Rafic Hariri n’était pas liée à une volonté syrienne », a insisté M. Sayed, affirmant à plusieurs reprises que Rafic Hariri était « le premier bénéficiaire de la présence syrienne ». 

De 1998 à 2000, la présence de Rafic Hariri en dehors du gouvernement ne l’a pas empêché de rester en contact avec Jamil Sayed, selon ce dernier, par le biais de deux médiateurs, les journalistes Mohammad Choucair et Fayçal Salmane. À cette époque, Hariri était focalisé sur la loi électorale sur base de laquelle devaient se tenir les législatives de 2000. 

M. Sayed s’est présenté comme « artisan de cette loi » : « La loi de 2000 n’a été baptisée de loi de Ghazi Kanaan qu’après l’assassinat de Rafic Hariri, dans l’objectif de nuire à la loi en laissant entendre qu’il s’agit d’une loi syrienne imposée au Liban. » C’est donc lui qui aurait concilié la demande de Rafic Hariri d’élargir les circonscriptions avec le souhait des « chrétiens », relayé par Émile Lahoud, d’en réduire la taille « pour se protéger en tant que minorité », en prenant en compte aussi les demandes de Walid Joumblatt. Ghazi Kanaan ne serait intervenu qu’au moment de la formation des listes, précisément les listes consensuelles que Rafic Hariri et Walid Joumblatt avaient tenté de former en dehors de leurs zones d’influence. Or ces listes n’ont pas vu le jour, le premier refusant de retenir la candidature de Najah Wakim à Mousseitbé, le second déclinant la candidature d’Élie Hobeika à Baabda-Aley, ces deux noms ayant été proposés par Ghazi Kanaan. Mais là encore, M. Sayed a refusé de parler de « candidatures déposées par Damas », cette appellation ayant elle aussi émergé seulement après l’assassinat de Rafic Hariri, au même titre que « l’expression du régime policier libano-syrien ». Même en l’absence de listes consensuelles dans des circonscriptions difficiles à percer, Rafic Hariri et Walid Joumblatt sortiront vainqueurs des élections. « Si l’intention (syrienne) avait été de combattre Rafic Hariri, il n’aurait pas réussi », a souligné M. Sayed, en relatant toutefois « l’agacement d’Émile Lahoud face à la victoire de Rafic Hariri, qu’il reprochait à Ghazi Kanaan ». 

M. Sayed a expliqué par ailleurs la dynamique d’opposition qui a pris forme dès 2001 contre la présence syrienne au Liban par une volonté américaine de compenser le retrait d’Israël en poussant vers un retrait de Damas du territoire libanais. Mais selon lui, Rafic Hariri n’a jamais contesté, dans cette conjoncture, la question des armes du Hezbollah. 

M. Sayed devrait fournir aujourd’hui sa version sur la dernière rencontre, qualifiée de violente par les opposants de Damas, entre Rafic Hariri et Bachar el-Assad, avant l’assassinat du premier. La première séance a été pour lui l’occasion de lancer de virulents reproches au TSL pour son arrestation de 2005 à 2009 avec trois autres généraux dans le cadre de l’enquête onusienne préludant à la création du TSL. 


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commentaires (5)

Ce Mr. Sayed nous prend pour des idiots, il a oublié peut-être quand le Président Chirac est venu au Liban pour faire ses condoléances à la famille Hariri il n'a pas voulu voir le Président Lahoud

Eleni Caridopoulou

21 h 00, le 06 juin 2018

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Commentaires (5)

  • Ce Mr. Sayed nous prend pour des idiots, il a oublié peut-être quand le Président Chirac est venu au Liban pour faire ses condoléances à la famille Hariri il n'a pas voulu voir le Président Lahoud

    Eleni Caridopoulou

    21 h 00, le 06 juin 2018

  • Encore ce machin de tsl là ? Allah Yerhamo encore une fois à ce truc qui nous pompe des millions de dollars pour nada . L'assassinat de Rafic Hariri est du ressort de ceux qui , comme il est de coutume de le faire chez eux , vous jettent quand ils sentent qu'ils peuvent se servir de vous , apres vous avoir utilisé. ILS continuent à le faire chaque jour dans leurs politiques basées sur la malhonnêteté morale .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 49, le 06 juin 2018

  • IL VEND POUR SE PROTEGER !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 28, le 06 juin 2018

  • AH ! les titres allechants donnes a certains articles et reportages ! ""Emile Lahoud bouc emissaire de jamil sayyed " ??? je ne vois vraiment pas d'ou ce titre aurait tire sa " source" dans ce meme article ???

    Gaby SIOUFI

    10 h 28, le 06 juin 2018

  • les gens misent sur l’amnesie du peuple !! SVP L’OLJ revenez sur ces moments dans les médias .. quand Najah Wakim a fait descendre du monde devant le parlement protestant contre Rafic Hariri !! Ça il le dit pas partant de là en sachant ce qui Najah Wakim a fait et c’était assez grave comment la syrie a tenu à le mettre ds les pattes de hariri ?! Pour ne citer que cette exemple

    Bery tus

    06 h 22, le 06 juin 2018

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