Rechercher
Rechercher

Culture - Danse

Pierre Geagea, briseur de barrières

L’artiste né sourd-muet et le musicien Georg Kroneis ont présenté chez Zoukak « Contact », une ode aux sens alliant danse et musique.

Pierre Geaga et Georg Kroneis dans « Contact ». Photo Gilbert Hage

Après avoir fait partie d’une troupe de danse pendant des années, Pierre Geagea, 38 ans, s’en est affranchi pour forger sa propre identité gestuelle. Depuis, il s’est produit dans de nombreux festivals au Liban et à l’étranger, et a signé deux spectacles solo Entre Chaînes et Mother Tongue. Le voilà de retour avec une nouvelle performance singulière accompagnée de musique live présentée au studio Zoukak.

Le pouvoir du magnétisme
Sur les planches, plongé dans la pénombre, un homme est assis, stoïque, derrière sa viole de gambe. C’est Georg Kroneis, musicien et chanteur autrichien. Il accompagne le jeune artiste en musique et en chansons. Ce que l’on ne sait pas et qu’on ne pourrait jamais deviner, c’est que les deux hommes se sont rencontrés sur Facebook il y a quelques mois seulement. Le spectacle Contact a ainsi été concocté en trois semaines ; ce qui est déjà une performance en soi. Au fond de la scène, on devine une silhouette recouverte d’un drap noir qui, au rythme de la mélodie, le laisse filer pour mieux se dévoiler. Avec la sensation de se retrouver face à la flûte (Kroneis) et au serpent (Geagea), l’envoûtement commence. Au fur et à mesure que le danseur s’anime, que ses gestes se font et se défont, il emplit la salle et les esprits de sa présence hypnotisante. Chaque mouvement semble raconter des bribes d’histoire, de son histoire, incontestablement. Celle d’un jeune garçon qui, à quinze ans, décide de faire de la danse sa vie. Il confie à L’Orient-Le-Jour que face à cette décision, son entourage a rétorqué qu’il ne pouvait pas faire de l’art son métier, « mais moi, je ne savais même pas ce que signifiait le mot “art”, ma seule certitude était que je voulais danser », renchérit-il. À la vue des accords de ses mouvements avec les oscillations musicales de la viole et de la voix de son coéquipier, on s’interroge sur la possibilité de cette harmonie : « Face aux difficultés liées à mon handicap, j’ai dû beaucoup travailler et faire preuve d’une grande persévérance. En tant que sourd-muet, je peinais à (me faire) comprendre et à interagir avec les autres. Seule mon inépuisable volonté m’a permis d’y arriver. C’est avec cette même force inexplicable, celle qu’il m’a fallu pour évoluer dans le monde social, que j’ai travaillé pour ressentir la musique que je perçois désormais à ma propre façon, par les vibrations », répond-il.

Briser les barrières de l’altérité
« Ma danse découle de la façon dont mon corps ressent les choses et de ce que j’ai envie de faire sortir du plus profond de moi-même. Mes expressions corporelles délivrent un message », dit le jeune danseur.
À deux, ils inventent leur propre poésie dont le message découle de l’union des deux langages : celui parlé et celui des signes. Entre douceur et violence, les gestes de Geagea semblent mesurer, comme un électrocardiogramme, les fluctuations de sensations encourues au cours des nombreux épisodes de son existence, malgré son jeune âge. Sa motivation passe bien au-delà de sa propre personne et de son propre handicap. L’enjeu n’est pas là, explique t-il. Ce qu’il souhaite plus que tout, c’est « briser les barrières qui cloisonnent tout un chacun dans sa propre individualité ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il lui semble primordial de faire participer le public à la représentation. Ainsi, il l’invite à ouvrir son esprit à l’autre, à interroger les différences qui les séparent pour mieux abaisser les frontières qu’on a malencontreusement tendance à laisser s’installer. « Les gens aujourd’hui sont passifs, se contentent de regarder le monde sans jamais l’interroger, comme s’ils étaient installés dans leur canapé face à leur télévision. Je veux faire de ce spectacle un moment vivant où le public participe pour réunir nos énergies à tous et créer notre propre équilibre. » Parce qu’on ne cesse d’être surpris tout au long de la performance, y assister n’est pas de tout repos. Mais plus qu’un bon moment partagé, c’est un message touchant et crié pour la liberté d’être et d’expression.



Pour mémoire
Pierre Geagea dans les étoiles suisses

Après avoir fait partie d’une troupe de danse pendant des années, Pierre Geagea, 38 ans, s’en est affranchi pour forger sa propre identité gestuelle. Depuis, il s’est produit dans de nombreux festivals au Liban et à l’étranger, et a signé deux spectacles solo Entre Chaînes et Mother Tongue. Le voilà de retour avec une nouvelle performance singulière accompagnée de musique live...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut