Loin des campagnes médiatiques, chaque partie politique procède actuellement à une lecture objective des résultats des élections, en étudiant soigneusement les chiffres et leurs indications, d’autant que le système du vote préférentiel a permis autant que possible de déterminer le poids populaire de chacune. Loin aussi des manœuvres de la classe politique qui est entrée dans un jeu assez pitoyable de compte et de décompte du nombre de ses députés, il est certain que le CPL peut se considérer comme un de ceux qui ont remporté une victoire dans ces élections, même si de nombreux pronostics disaient qu’il allait perdre de son poids. Avec un bloc initial de 29 députés, dont 18 membres officiels du CPL, ce parti peut affirmer qu’il a remporté son pari. Mais si l’on veut faire une analyse plus poussée, on peut revenir aux objectifs que ce parti et son chef, le ministre Gebran Bassil, s’étaient fixés.
On peut dire globalement que le CPL cherchait à atteindre trois objectifs : le premier, c’était de former un bloc parlementaire suffisamment important pour être l’instrument du président de la République dans l’exécution de son projet et de sa vision du Liban. Un bloc parlementaire important est aussi la voie pour obtenir une présence déterminante au sein du gouvernement, alors que depuis l’accord de Taëf, les présidents de la République qui se sont succédé à Baabda devaient demander aux autres pôles de la fameuse troïka du pouvoir d’accepter de leur donner certains portefeuilles. Désormais, avec un bloc aussi important, on peut difficilement contourner le poids du président de la République et le fait qu’il dispose du plus grand nombre de députés chrétiens. D’ailleurs, des voix commencent à s’élever pour affirmer que dans le prochain gouvernement il ne devrait pas y avoir une part réservée au chef de l’État et une autre au bloc dit du Liban fort, sous prétexte que, puisque ce bloc est ouvertement celui du chef de l’État, les deux parts doivent être confondues. Quelle que soit l’approche qui sera finalement adoptée – et ce genre d’argumentation fait partie des traditions de tiraillements dans le cadre de la formation du gouvernement –, la part du président et de son bloc devrait être importante au sein du gouvernement et le rôle de ce bloc devrait aussi être déterminant au sein du Parlement.
Mais la question qui se pose à ce sujet reste la suivante : dans quelle mesure le bloc du Liban fort est-il réellement homogène et tiendra-t-il lorsque des questions importantes, comme le dossier des déplacés syriens ou la stratégie de défense nationale, seront soulevées ? Pour l’instant, le chef du CPL affirme qu’il y a une entente sur les grandes lignes et un engagement à discuter dans le cadre des réunions du bloc pour adopter une position unifiée, mais la vie politique libanaise a toujours eu la particularité de réserver des surprises.
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Le second objectif du CPL était de créer un bloc national, avec des députés de toutes les régions et de toutes les confessions. Cet objectif est motivé par deux raisons : d’abord sortir de l’image confessionnelle qui lui a été plus ou moins reprochée au cours des dernières années. Ensuite, il s’agit de créer une structure nationale capable d’absorber les Libanais de toutes les régions et de toutes les confessions qui ne veulent plus des partis confessionnels, pour éviter qu’ils n’aillent vers des choix plus radicaux. C’est d’ailleurs pour cette raison que le CPL a présenté un large éventail de candidats, dans les 15 circonscriptions. Il savait certes que bon nombre d’entre eux ne pouvait pas être élu dans les circonstances actuelles, mais il considère qu’il a jeté les bases d’une présence plus soutenue dans toutes les régions du pays. On ne peut pas en effet dire que le bloc initial de 29 députés qu’il a obtenu est vraiment multiconfessionnel, mais selon les milieux proches du CPL il s’agit d’une action de longue haleine. Le problème, c’est que cette démarche a valu au CPL des divergences, voire des conflits et des tiraillements avec ses alliés traditionnels, notamment le Hezbollah, mais aussi avec le PSNS et d’autres formations. Mais c’est surtout avec le Hezbollah que les frictions se sont fait sentir, dans trois circonscriptions en particulier : à Kesrouan-Jbeil, où le Hezbollah lui reproche de ne pas avoir pris sur sa liste son candidat – qui a par ailleurs obtenu 9 000 voix préférentielles, pas assez pour obtenir un coefficient d’éligibilité, mais bien plus que ses rivaux chiites. Selon le Hezbollah, si le CPL avait pris ce candidat sur sa liste, il aurait obtenu deux sièges de plus, l’un à Jbeil et l’autre au Kesrouan. La seconde circonscription est celle de Baalbeck-Hermel, où la liste du CPL a pris un peu de voix qui auraient pu aller à celle du Hezbollah, sans avoir la moindre chance d’obtenir un siège et la troisième circonscription est celle de Marjeyoun/Hasbaya-Nabatiyé-Bint Jbeil, dans laquelle le CPL s’était allié au courant du Futur et constituait une menace pour le candidat sunnite de la liste du tandem chiite, qui a finalement été élu (Kassem Hachem).
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Mais les milieux proches des deux partis affirment que ces tiraillements seront rapidement dépassés par un dialogue constructif et que l’entente de Mar Mikhaël est bien trop solide pour être ébranlée par des considérations électorales secondaires.
Le troisième objectif recherché par le CPL à travers ces élections était de confirmer son statut de principal représentant des chrétiens. Si on regarde de près les chiffres, on peut dire qu’il l’a incontestablement atteint, en nombre de sièges parlementaires mais aussi en nombre de suffrages. Toutefois, à la faveur de la loi et d’un travail sérieux et organisé, les Forces libanaises se sont imposées comme second parti chrétien, en passant de 8 sièges à 15 et en obtenant des députés dans des régions jusque-là considérées comme des fiefs du CPL. Ce parti affirme que c’était tout à fait prévisible en raison du mode de scrutin proportionnel, mais les FL tiennent un autre discours et se présentent désormais comme les égales du CPL. Cela se fait d’ailleurs sentir dans les négociations qui commencent pour la formation du gouvernement.
Au final, on peut donc dire que le CPL a remporté son pari, mais sa victoire doit encore se concrétiser dans la pratique politique.
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commentaires (6)
Il y a ceux qui épient hypocritement le CPL , d'autres qui crèvent de jalousie en regardant le plus grand bloc chrétien issu des dernières législatives . Il y a également les anciens obligés de Michel Aoun qui après son accession au pouvoir ont pris toutes les composantes du CPL en grippe. Et ceux salivent en comptant le nombre des élus rien que pour les comparer aux leurs . Quelques mois avant les élections , nous avions droit tous les jours à un frustré qui nous servait la même soupe : la pollution ,la corruption,les ordures ménagères, sans oublier ceux qui jouaient les clowns en faisant leurs apparitions quotidiennes sur les écrans des chaînes locales et qui n'ont récolté par la suite que deux ou trois députés . Pathétique!! . Chère Scarlett je te parie qu'on entendra parler (quoique je ne le souhaite à personne ) d'AVC dans les rangs des ex génuflecteurs devenus aujourd'hui les pires ennemis du président et du CPL .
Hitti arlette
16 h 16, le 18 mai 2018