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Liban - Réactions - Législatives 2018

Le retour de figures proches de Damas au Parlement, « une gifle pour le camp souverainiste » ?

Des personnalités hostiles au Hezbollah critiquent le comportement des composantes du 14 Mars.

Abdel Rahim Mrad. Photo d’archives

Pendant des mois, de nombreux protagonistes se sont félicités de la nouvelle loi électorale prévoyant la proportionnelle appliquée à 15 circonscriptions. Ils y ont perçu une tentative de changement tant attendu dans la vie politique libanaise. Sauf que le changement opéré à l’issue du scrutin qui s’est tenu dimanche est jugé « provocateur » par certains dans les milieux hostiles à l’axe irano-syrien.

Et pour cause : treize ans après la révolution du Cèdre qui a mis fin à la période sombre de la tutelle syrienne sur le Liban, certaines figures de proue du camp proche de Damas ont (re)fait leur entrée à l’hémicycle. Il s’agit, notamment, de l’ancien ministre Abdel Rahim Mrad (sunnite, Békaa-Ouest / Rachaya), et de l’ancien vice-président de la Chambre, Élie Ferzli (grec-orthodoxe, Békaa-Ouest). 

Mais c’est surtout la victoire de Jamil Sayyed, ancien directeur général de la Sûreté générale (chiite, Baalbeck-Hermel), qui a provoqué l’ire de plusieurs milieux politiques gravitant dans l’orbite souverainiste. D’autant que « le seul nom de M. Sayyed (à qui le Hezbollah n’a pas manqué d’accorder très tôt son soutien) suffit pour rappeler l’ère de la mainmise syrienne sur le pays que l’on croyait révolue avec l’intifada de l’Indépendance de 2005 », comme on le souligne dans certains milieux politiques. On estime aussi qu’à travers la candidature de Sayyed, le Hezbollah a tenté de provoquer aussi bien ses alliés que ses adversaires. Mais, plus loin, la victoire de l’ancien responsable sécuritaire constitue, selon les mêmes milieux, un « camouflet » porté au camp souverainiste issu du 14 mars 2005. 

Il va sans dire que les résultats du scrutin ne peuvent être dissociés du climat politique général qui prévaut dans le pays depuis la mise sur pied du compromis qui a permis au général Michel Aoun d’accéder à la première magistrature de l’État. D’autant que celui-ci prévoyait l’adoption d’une nouvelle loi électorale, par laquelle le parti de Hassan Nasrallah cherchait à consolider son emprise sur les institutions, après avoir réussi à mener son candidat à la présidence de la République. 

C’est ce point de vue que présente à L’Orient-Le Jour Mouïn Merhebi, ministre d’État pour les Affaires des réfugiés. « C’est pour cette raison que je me suis opposé au nouveau code électoral. Le contrôle par le Hezbollah des institutions constitue un danger qui menace l’identité du Liban », avertit-il. 

Mais, pour le ministre, la faute n’est pas au parti de Hassan Nasrallah, mais au camp longtemps qualifié de « souverainiste ». « La faiblesse de celui-ci l’a obligé à accepter ce code électoral, qui a débouché sur un résultat favorable au Hezbollah et à ses alliés », explique encore Mouïn Merhebi. 


« La faillite du 14 Mars » 

À son tour, le général à la retraite Khalil Hélou, vice-président de l’ONG Liban-message, estime que « la victoire de Jamil Sayyed et du reste des alliés du régime de Damas n’est autre que le résultat direct de la faillite du 14 Mars, à cause des concessions faites par ses composantes ». Contacté par L’OLJ, M. Hélou ne manque pas de s’en prendre ouvertement aux FL, aux Kataëb, mais aussi au courant du Futur. « Au lieu de mener leurs batailles électorales en solo, et de faire étalage de muscles, ces partis auraient mieux fait de se présenter côte à côte afin de faire le poids face au Hezbollah », s’alarme le général à la retraite. 

 « Ces députés ne sont pas les seuls alliés de Damas. Il y a aussi le Courant patriotique libre et apparentés, ainsi que les blocs parlementaires du tandem Amal-Hezbollah, du Parti syrien national social », précise-t-il, estimant que « c’est cette atmosphère qui permettra désormais à Hassan Nasrallah de se donner le droit de parler au nom du Liban ». 


« Les conséquences de la victoire de Jamil Sayyed » 

Élias Atallah, ancien secrétaire général de la Gauche démocratique, est tout aussi pessimiste. Joint par L’OLJ, il s’indigne de ce qu’il appelle « une nouvelle gifle flanquée au camp souverainiste ». « Ce n’est qu’une étape d’un processus qui a débuté avec le compromis politique qui a précédé la présidentielle et s’est poursuivi avec la formation d’un gouvernement déséquilibré et l’adoption d’une loi électorale qui a favorisé le Hezbollah », souligne M. Atallah, qui s’adresse aux citoyens libanais en ces termes : « Je laisse à vos consciences le soin d’examiner les conséquences de l’élection d’une personne comme Jamil Sayyed, treize ans après le 14 mars 2005. » 

Quant à la journaliste Hanine Ghaddar, connue pour son hostilité au parti chiite, elle préfère placer le retour des proches de l’axe syro-iranien à l’hémicycle dans un contexte régional. « Le changement devrait commencer par l’Iran qui est aujourd’hui le théâtre de plusieurs manifestations », dit-elle à L’OLJ, avant de se livrer à une analyse qu’il conviendrait de placer dans une optique locale. « Le scrutin de dimanche s’est déroulé dans un pays déséquilibré (en faveur du Hezbollah). Il a donc prouvé que rien ne pourra entraver l’action de celui-ci, ni celle de Téhéran, pour les quatre prochaines années », s’alarme Mme Ghaddar qui déplore le fait qu’« au prochain Parlement, il n’y aura pas de “vraie” opposition. Même le peuple qui a créé le 14 Mars n’existe plus et cela est très dangereux ». 

A contrario, les FL semblent minimiser l’ampleur de ce phénomène. Bien au contraire. Elles estiment que « les législatives n’ont pas renforcé le tandem Amal-Hezbollah », pour reprendre les termes d’un cadre FL joint par L’OLJ. Il s’empresse, toutefois, de préciser que le différend portant sur l’arsenal illégal du parti existe toujours. « Mais avec les Kataëb, le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste, nous pourrons faire le contrepoids, notamment lorsqu’il s’agira des grands dossiers importants », conclut le cadre FL sur un ton optimiste.


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Pendant des mois, de nombreux protagonistes se sont félicités de la nouvelle loi électorale prévoyant la proportionnelle appliquée à 15 circonscriptions. Ils y ont perçu une tentative de changement tant attendu dans la vie politique libanaise. Sauf que le changement opéré à l’issue du scrutin qui s’est tenu dimanche est jugé « provocateur » par certains dans les milieux hostiles...

commentaires (10)

Les "figures de proue du camp proche de Damas" qui sont Abdel-Rahim Mrad, Elie Ferzli, Jamil Sayed, les PSNS, les Baas... pourquoi ne se sont-ils présentés aux élections en Syrie ? La raison est simple : Même la Syrie n'apprécie pas beaucoup les traîtres à la pays.

Un Libanais

17 h 40, le 09 mai 2018

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Les "figures de proue du camp proche de Damas" qui sont Abdel-Rahim Mrad, Elie Ferzli, Jamil Sayed, les PSNS, les Baas... pourquoi ne se sont-ils présentés aux élections en Syrie ? La raison est simple : Même la Syrie n'apprécie pas beaucoup les traîtres à la pays.

    Un Libanais

    17 h 40, le 09 mai 2018

  • j'avais dit si nous ne votons pas en masse nous n'aurons plus le droit a la critique pour 4 ans Taisons nous tous et avalons les couleuvres c'est de notre faute si le parlement est ce qu'il est Expliquez nous seulement chiffres reels en main comment 2 CPL se sont brusquement trouves gagnant a Batroun et a Beyrouth 1 malgre apparement les fraudes evidentes et leur defaite annoncee par tous les partis la veille, meme par leur proper parti

    LA VERITE

    15 h 44, le 09 mai 2018

  • Triste résultat qu'est la conclusion de ces elections. En effet l'alliance CPL-Hezbollah-Amal et leurs allies pro-régime de Damas, auront le dessus au sein de la nouvelle législature. Que Dieu protège le Liban de ses détracteurs infeodés au régime des mollahs en Iran.

    Tony BASSILA

    14 h 47, le 09 mai 2018

  • vraiment dommage et surtout une insulte aux martyrs de la revolution des cèdres... tous les gebran tuini, pierre Gemayel, wissam el hassan sont entrain de se retourner dans leur tombe dommage peuple libanais mais vous venez de condamner le liban a revenir 600 ans en arriere au lieu d'AVANCER DE 600 ANS

    Bery tus

    14 h 40, le 09 mai 2018

  • UN MALHEUR POUR LE LIBAN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 16, le 09 mai 2018

  • En démocratie, toute élection qui n'atteint pas plus de 50% de participants, son résultat devient de facto illégitime puisqu'il ne représente pas un résultat issue d'une majorité. Ce parlement est donc illégitime. Cependant le résultat est ce qu'il est en raison du fait que la majorité des votants ne se sont pas présentés pour voter. Et donc ils sont responsables du résultat, même illégitime, et il leur faudra assumer, comme les autres, les conséquences d'une telle décision, une décision qui nous mène directement vers une guerre ouverte avec l'occident, Israël et les Arabes du Golfe, sans compter aujourd'hui les risques de guerres civiles qui pointent à l'horizon à cause du comportement des membres du Hezbollah et d'Amal. Allah yestor.

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 44, le 09 mai 2018

  • Vous dites le Liban mais quel Liban vous voulez dire Iran 2 . Ça fait mal au cœur , je me demande si je pourrais venir passer mes vacances encore.

    Eleni Caridopoulou

    11 h 05, le 09 mai 2018

  • les partis souverainistes disent ils ? mais qui sont ils ? LES KATAEBS seuls peuvent encore etre libelles de souverainistes. car FL et Future ont pave la voie a aoun SUPER ALLIE de wali fakih , meme si les FL regrettent maintenant ET leur alliance avec aoun ET de l'avoir soutenu pour la presidence. le Future ? n;en parlons pas . hariri ne savait plus a quel saint se vouer . wali fakih ou pas ? curieusement les sunnites libanais lui ont qd meme donne leur confiance malgre cette contradiction ds ses discours vsi a vis hezbolla. FL,Bravo qd meme , malgre tout. mille fois bravo. avec les kataebs , ils sont le seul espoir , la seule armure qui nous reste vraiment. A MOINS QUE michel aoun n'ait eu un changement de coeur ?

    Gaby SIOUFI

    09 h 46, le 09 mai 2018

  • Au lieu d’avoir peur du retour de l’armée syrienne avec l’élection de ces trois députés il faudra penser comment faire sortir tout le peuple syrien du Liban .

    Antoine Sabbagha

    08 h 38, le 09 mai 2018

  • "Le contrôle par le Hezbollah des institutions constitue un danger qui menace l’identité du Liban". En effet et c'est la principale conclusion de cette élection truquée. Le camp souverainiste est désormais en minorité, surtout qu'il ne faut pas compter sur le Futur, l'opposition de Saad Hariri au Hezbollah n'étant plus que de pure forme depuis son retour d'Arabie. Témoins les couleuvres tendues par H. N. et qu'il a goulûment avalées.

    Yves Prevost

    07 h 02, le 09 mai 2018

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