Depuis quelques jours, « nous » sommes président du Paraguay grâce à Mario Abdo Benitez. « Nous » avons été aussi président de Colombie, de 1978 à 1982 à travers Julio Cesar Turbay, et aussi vice-président du Brésil en la personne de Michel Temer. « Nous » sommes aussi Première dame d’Afghanistan, par le truchement de Rula Ghani. Oh, et puis nous avons l’oreille de Trump via Walid Phares, Tom Barrak, la juge Jeanine Ferris, le conseiller Tony Sayegh et quelques autres. Nous avons des députés au Canada, en France, en Afrique, une gouverneure en Australie, des maires ici ou là. À nous compter aux postes les plus stratégiques du Globe, nous sommes les maîtres du monde. Mais voilà, à la maison nous ne maîtrisons rien. Curieux ADN que le nôtre, cousu de rancunes tenaces, de paranoïa, de folie des grandeurs, de nostalgies, de renoncements, de pertes et de reconquêtes, de désespoir et de résurrections. Qu’elle est étrange, la force qui nous vient de cette instabilité.
Il ne fait aucun doute que les réflexes, les peurs, la force d’anticipation et la prescience acquis de guerre en guerre se transmettent. Nous ne savons pas de quelle manière nos enfants sont affectés, positivement ou négativement, par notre propre vécu, mais ils le sont. Par ailleurs ils grandissent avec l’obsession de partir. À quelque confession qu’appartiennent leurs familles et quels que soient leurs moyens, ils sont bercés par cette rengaine : « Ce pays n’est pas à nous. » Les chrétiens, déjà divisés, cultivent un vieux complexe minoritaire. Les musulmans se craignent entre eux. Mais nul n’aurait le courage d’abandonner cette structure létale au profit de la laïcité, garante des droits de tous. Chacun craindrait d’y perdre la protection, même symbolique et totalement illusoire, de son chef communautaire.
À chaque conflit, ceux qui partaient les premiers laissaient les autres à une terrifiante solitude. De départ en départ le lien grégaire s’est défait. Le voyageur a acquis un ascendant sur celui qui est resté. Partir est devenu prestigieux. Pour justifier le départ et se défaire du remords d’avoir laissé quelqu’un derrière soi, il faut réussir. Dont acte. Secouer les gênes de la niaque, acquis par défaut. Faire fortune, devenir président de quelque chose, d’un pays c’est mieux. Ceux qui sont restés ont dépensé trop d’énergie à s’adapter au pire. Maîtres du monde, trop peu pour eux. Maîtres de soi et de leur foyer, voilà leur victoire. Ils mériteraient, gardiens de ce foyer source de toute force et de tout réconfort, que leur vie soit adoucie par une meilleure gouvernance. C’est grâce à eux que ce pays, malgré toutes les phobies, appartient à chacun de ses fils, aussi loin qu’il se trouve.
Maîtres du monde
OLJ / Par Fifi ABOU DIB, le 26 avril 2018 à 00h00
commentaires (6)
Nous sommes "président" partout dans le monde Nous sommes "souverains" partout dans le monde Sauf ..... chez nous malheureusement où nous préférons être dirigés par la botte armée de l'étranger au nom de la haine du voisin ou du frère.
COURBAN Antoine
07 h 59, le 27 avril 2018