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Culture - Événement

Quand la bande dessinée libanaise se redessine en terres françaises

La bédé à la croisée des arts, autour de la ville de Beyrouth : tel est le défi proposé en France à plusieurs artistes libanais, qui avaient carte blanche pour débrider leur créativité.

« Un an », de Mazen Kerbaj. Photo Marwan Kahil

Le Liban était l’invité phare cette année du festival Pulp qui se déroule chaque année, en avril, à la la ferme du Buisson, située en région parisienne. Un espace intitulé Beirut Strip Extended a accueilli les œuvres des artistes Alex Baladi, Sandra Ghosn, Joseph Kai, Mazen Kerbaj, Raphaelle Macaron, Barrack Rima , Jana Traboulsi et Lamia Ziadé, ainsi que le collectif Samandal Comics. De surcroît, le prix du public PULP a été décerné à l’auteure et dessinatrice libanaise Michèle Standjofski pour sa BD Toutes les mers, aux éditions Ronds dans l’O.


Des installations personnelles et inédites 

Beirut Strip Extended se présente comme la première exposition en France consacrée à la BD libanaise. Les auteurs sont directement issus du monde de la BD, ou alors ils pratiquent des disciplines convexes. Ils ont tous un lien avec le Liban mais certains habitent Bruxelles, Paris ou Berlin. Leurs œuvres étaient exhibées dans l’espace des écuries de la ferme du Buisson : « L’idée est de présenter des artistes sans proposer une approche thématique ou chronologique, le visiteur passe d’un box à l’autre et établit librement des liens entre eux. Nos retours vont dans ce sens et nous sommes contents du résultat », confie David Russel, le commissaire de l’exposition.

Sandra Ghosn, l’une des exposantes, explique la perspective commune aux artistes : « Dans ce projet, nous interrogeons les modes de narration dessinée et élaborons des croisements entre l’illustration, la littérature, l’art contemporain, la musique ou le cinéma. » L’œuvre qu’elle propose, No Clouds at All, jouxte celle de Joseph Kai, Sissies, qui alterne textes et dessins. L’installation de l’ancienne élève de Michèle Standjofski est fondée sur deux images : « J’ai imaginé une installation avec un champ et un contre-champ. L’espace visible présente un paysage spectaculaire de côte méditerranéenne ; les dessins créés à la plume sont dissimulés par une porte et expriment un univers onirique et irréel. C’est une coexistence entre la vitrine et l’inconscient, qu’on peut aussi appeler mémoire. » Le tout baigne dans une lumière bleue et renforce l’effet de flottement.

Raphaëlle Macaron joue elle aussi sur des contrastes saisissants dans Hôtel Soleil, où elle s’inspire des images touristiques grandioses des hôtels beyrouthins des années 50 et de la guerre des hôtels pendant la guerre civile. Une bande sonore enrichit la circulation du regard entre affiches publicitaires et planches de BD.

Autre confrontation encore plus insolite : celle de Raouché et du Cervin (montagne suisse). L’artiste Alex Baladi explique le titre de son œuvre Le Secret : « J’ai choisi les lieux iconiques de mes deux pays d’origine. En dessous de Raouché, il y a des racines, car mon attachement à ma famille paternelle est très fort ; mais j’ai grandi en Suisse et, sous le Cervin, j’ai dessiné des branches. Entre les deux : la mer. Elle représente le secret, bancaire et familial, et tout un univers intérieur aux références obscures, illisibles pour le visiteur. » 

Avec Intérieur Extérieur, Barrack Rima explore également la double polarité du réel en créant des points cardinaux imaginaires : l’intime, le poétique et le mystique, le divin, le diabolique… Quant à Jana Traboulsi, elle choisit à travers Insomnie de plonger le visiteur dans les méandres d’un sommeil capricieux et torturé, peuplé de mots et de motifs en suspension. Enfin, Ma très grande mélancolie arabe, de Lamia Ziadé, aborde la littérature graphique avec des supports variables : paysages, bouteilles de whisky, paquets de cigarettes, slogans… La dimension joyeuse et colorée contraste avec une réalité cruelle.


« Moderne, expérimentale et contemporaine » 

Si David Russel a choisi de mettre à l’honneur la scène libanaise de la BD, ce n’est pas un hasard. « Il y a une tradition de la BD au Liban depuis les années 60. C’est avec Jad Khoury, dans les années 80, qu’elle évolue vers un langage adulte et novateur. La génération des années 2 000 prolonge ce travail et propose un mode de narration d’emblée créateur, hybride et contemporain. Par exemple, Mazen Kerbaj est un pionnier de cette scène ; son écriture est d’emblée expérimentale. » Pour Beirut Srip Extended, ce dernier présente Un an, qui correspond à un défi qu’il s’est lancé en 2012 : faire un dessin par jour sur un agenda. D’où 382 dessins utilisant des techniques variées, traitant de sujets divers : les voyages, les soirées dans les bars de Beyrouth, les affres du « freelance », la guerre en Syrie…

Le collectif Samandal, également invité par le festival, est, selon Russel, emblématique d’une ouverture culturelle fondatrice : « À l’ origine, ce sont des artistes graphistes et leur culture de la BD n’est pas franco-belge mais internationale : américaine, japonaise, avec l’héritage arabe moderne en plus. Dans les années 2 000, ce magazine se lance et a une ambition esthétique internationale aussi bien pour sa sélection que pour sa réception. Ils font appel à des artistes de tous les horizons. La revue est trilingue, c’est une spécificité libanaise d’évoluer autour de trois cultures. » 

Ainsi que sur plusieurs continents, pourrait-on ajouter.


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