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Culture - Rencontre

Caroline Girard : « Au théâtre, on incarne les personnages, dans la lecture, on incarne le verbe »

Au Liban avec le producteur Gilles Le Mao pour deux performances théâtralisées*, Caroline Girard raconte à « L’OLJ » l’aventure de la compagnie La Liseuse.

Caroline Girard et Michel Moppert à l’ESA.

Sur le site de la compagnie créée en 2006, le surnom de La Liseuse est Les agités du buccal. Ceux-là ont comme signe particulier de faire acte de résistance en choisissant des textes en résonance avec le bruit et la fureur du monde. Des performances qui atterrissent à Beyrouth grâce à la médiation de Michel Moppert, ancien responsable au Collège protestant, comédien et stagiaire à la Liseuse.

Caroline Girard, qui êtes-vous ?
 J’ai à la base un parcours de comédienne, auteure et metteure en scène. Après une dizaine d’années de pratiques théâtrales et d’autres dont l’écriture, j’ai eu envie de jeter une passerelle entre ces deux ponts de ma vie, et la lecture s’est imposée à la jonction des deux. Aujourd’hui, je me consacre entièrement à la direction de La Liseuse. Je propose des stages à des professionnels, mais aussi à des amateurs qui veulent participer aux ateliers. J’adapte et mets en voix des textes romanesques sous forme de textes théâtralisés et me balade avec ces textes en médiathèques, librairies, théâtres mais aussi hôpitaux, établissements pénitentiaires et scolaires (je serai même durant cette semaine au Grand Lycée français de Beyrouth).

Vous avez créé la compagnie La Liseuse en 2006. Quel était l’objectif de cette initiative ?
Un seul : faire entendre la littérature romanesque contemporaine étrangère ou française. Souvent, en allant au théâtre, je réalisais qu’on entendait mal les textes et que le message ou l’intention n’étaient pas bien perçus. Aux débuts de La Liseuse, on présentait la lecture non médiatisée, celle des fonds d’étagères ou sous les piles de libraires. Il fallait faire un coup d’éclairage là-dessus et la faire entendre car elle peut mener, à partir d’un texte devenu audible et accessible à tout public, à la découverte d’autres ouvrages du même auteur.

Il faut donc distinguer entre la lecture des textes et le théâtre ?
Au théâtre, en effet, on incarne les personnages, alors que dans la lecture, on incarne le verbe. Avec tout ce qu’il porte en lui d’images, de sensations et de théâtralité dans le plus grand dépouillement scénique. Le texte est à lui tout seul scénographique. Le rapport avec le texte est organique parce que le texte sera ingéré par le corps et recraché vers l’extérieur. Il habite chaque parcelle et chaque atome du corps.

Dans les ateliers que vous avez créés au sein de la compagnie, que demandez-vous au lecteur participant ? 
Il faut avoir un outil/corps qui se prête à l’exercice, c’est-à-dire un corps qui respire, qui bouge et qui ne se contente pas d’être raide. Il faut être en parfaite concentration pour que l’esprit s’accorde avec ce corps. La voix est également importante, sans être travaillée d’une manière technique. Quant au regard, il est quasi inexistant vis-à-vis du public. Le lecteur est juste un simple passeur et son œil est fixé sur son papier. C’est tout le corps qui devient les yeux.

Selon quels critères les romans sont-ils choisis ? Et comment sont-ils adaptés ?
Ils sont choisis pour la qualité de l’écriture fine et ciselée. Pas de poésie, ni du théâtre, mais du roman tout court. Il faut aussi qu’ils fassent écho à une actualité. Pour une première rencontre avec le Liban, j’ai sélectionné deux textes empreints d’humour. La durée des textes est comprise entre 40 et 45 minutes, pour laisser l’auditeur sur sa faim et non pas le saturer. Quant au montage, il s’agit de chercher une entrée dramaturgique dans un texte compréhensible malgré les parties manquantes. Il y a certainement des perditions, mais pas de trahison de texte. Le montage est la partie que je préfère. La performance est une bataille avec les mots où tout le monde va être actif. « Caroline Girard déconstruit le texte pour le reconstruire, dira Michel Moppert. C’est un travail athlétique dans une sorte de neutralité où l’on ne joue pas les mots mais le sens des mots. » Le spectateur construira son propre imaginaire, en donnant corps et ancrage aux mots qui sont aériens, tout le monde n’aura pas vu le même spectacle, mais aura certainement entendu la même chose.

* Lectures théâtralisées à l’ESA aujourd’hui jeudi 19 avril à 19h30 («La Maison de la mort certaine » d’Albert Cossery) et demain vendredi 20 avril
à 19h à l’Institut français du Liban
(« Le Merle» d’Arthur Keelt et Jean-Bernard Pouy). Inscriptions souhaitées mais entrée libre.


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