Le service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction à l’hôpital Foch, à Paris, a tenu récemment son congrès annuel aux salons Hoche, en présence de plus de 500 professionnels. Cette rencontre a été l’occasion de partager les innovations scientifiques dans la prise en charge de l’infertilité chez la femme.
Les conférenciers ont abordé des thématiques distinctes portant sur la reproduction après 40 ans dans toutes ses dimensions : de la baisse de la fertilité avec l’âge au diagnostic génétique de l’embryon pour améliorer le taux de grossesse, en passant par les risques de la grossesse après 40 ans, qu’elle soit spontanée ou après un don d’ovocytes, la transplantation ovarienne de cellules souches pour améliorer la réserve ovarienne, le transfert nucléaire de l’ovocyte dans le cytoplasme d’une cellule plus jeune et l’autoconservation ovocytaire sur le plan technique, éthique et sociétal.
Le professeur Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction à l’hôpital Foch et organisateur du congrès, explique à L’Orient-Le Jour que de nos jours, de nombreuses femmes donnent naissance à leur premier enfant à un âge avancé. Cela est principalement dû, selon lui, « à l’évolution des mœurs, aux études universitaires longues, aux priorités professionnelles ou tout simplement parce qu’elles ignorent que la fertilité baisse à partir de 34 ans ». En France, les grossesses après l’âge de 40 ans constituent 5 % de l’ensemble des grossesses.
« Chez la femme, la fertilité commence à baisser de manière significative à partir de 34 ans et chute après 40 ans, souligne le spécialiste. D’où l’importance d’informer la femme sur ce risque et de la porter à prendre connaissance de l’état de son statut ovarien par un simple test de sang ou par une échographie. Par ailleurs, le tabagisme, la consommation d’alcool et de drogues et certains facteurs environnementaux pourraient contribuer à la baisse de la fertilité. »
Les contraintes après 40 ans
À la question de connaître les risques d’une grossesse tardive, le Pr Ayoubi révèle des nouvelles données sur le sujet. L’étude, réalisée par son équipe à l’hôpital, a porté sur 1 295 femmes âgées de plus de 40 ans, prises en charge pendant dix ans, entre 2006 et 2016. Elles ont été comparées à un groupe témoin constitué de 1 295 âgées entre 25 et 35 ans.
Les résultats ont montré que le recours à l’assistance médicale à la procréation était trois fois plus élevé parmi les femmes quadragénaires. Celles-ci sont aussi plus sujettes au surpoids, voire à l’obésité, et aux complications obstétricales comme l’hypertension artérielle, le diabète gestationnel et l’accouchement prématuré. Selon l’étude, elles ont également plus de risques d’hémorragie et d’admission en réanimation que les femmes plus jeunes. Dans leur cas, le recours à la césarienne est deux à trois fois plus élevé.
Ces données sont concordantes avec la littérature internationale qui montre en outre un risque de mortalité maternelle multiplié par huit pour les femmes de 40 à 44 ans.
Faut-il interdire pour autant les grossesses après 40 ans ? « Certainement pas, assure le professeur Ayoubi. Il faut assurer un bon accompagnement médical aux femmes âgées de plus de 40 ans plutôt que de les affoler. Il faut bien informer pour mieux surveiller et soutenir au lieu de culpabiliser. »
En pratique donc, le professeur Ayoubi insiste sur l’importance du « bilan préconceptionnel qui permet de repérer les contre-indications médicales à la grossesse, de mettre en place un suivi ciblé et personnalisé et d’éviter autant que possible les échecs ainsi que l’acharnement procréatif ». Il est également important à ce stade de « lutter contre le tabagisme et l’obésité ».
Retarder l’horloge biologique ?
Est-il possible de retarder l’horloge biologique en mettant les ovocytes au frais ? « Après avoir profité d’une vie sans enfants et mené leur carrière professionnelle, certaines femmes se disent, à 40 ans, enfin prêtes à devenir mères et à s’engager dans un projet parental », explique de son côté le professeur René Frydman, père scientifique d’Amandine, le premier bébé-éprouvette. « Les femmes qui sont bien informées savent que l’on peut désormais mettre ses gamètes au frais pour les retrouver quelques années plus tard, quand le désir d’enfanter commence à devenir urgence, poursuit-il. L’autoconservation ovocytaire permet ainsi de préserver la fertilité de la femme à travers la congélation rapide des ovocytes. Toutefois, le Comité consultatif national d’éthique français n’est toujours pas favorable au recours à cette technique. L’autoconservation ovocytaire n’est autorisée en France qu’en cas de traitement médical et de pathologies susceptibles d’altérer la fertilité, comme la chimiothérapie, ou en cas de don d’ovocytes. »
Et le professeur Frydman d’insister : « L’autoconservation ovocytaire est un acte de prévention médicale contre l’infertilité des femmes, le dernier carat de leur liberté. Les autorités doivent prendre conscience du fait que les femmes doivent pouvoir décider par elles-mêmes de leurs corps. Nous sommes très en retard sur ce point-là par rapport à nos voisins qui autorisent l’autoconservation ovocytaire pour pallier la baisse de la fertilité, comme l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Belgique ou les Pays-Bas. Toujours est-il que la prévention reste le meilleur moyen pour préserver la fertilité. On souhaite que les femmes soient informées dès l’âge de 32 ans sur la baisse progressive de la fertilité, comme elles le sont sur l’importance de la mammographie ou du frottis vaginal. »
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