Partira, partira pas ? Le président américain Donald Trump devrait annoncer au cours des prochaines semaines sa décision de quitter ou non la Syrie et de se retirer ou non de l’accord sur le nucléaire iranien. Deux dossiers hypersensibles, deux décisions très probablement lourdes de conséquences, qui sont attendues avec crainte ou espoir par toutes les puissances impliquées au Moyen-Orient. Et pour cause : elles pourraient créer une nouvelle escalade entre les États-Unis et l’Iran, considéré par Washington comme le principal facteur de déstabilisation régionale.
Téhéran est clairement dans le viseur de Washington. « C’est le seul sujet qui fait consensus au sein de l’administration Trump », confirme un diplomate occidental.
À l’instar d’Israël et de l’Arabie Saoudite, les États-Unis considèrent que l’interventionnisme iranien au Moyen-Orient ne peut plus être toléré et qu’il n’est pas possible de trouver un terrain d’entente diplomatique avec Téhéran. Avec Mike Pompeo au département d’État et John Bolton à la Maison-Blanche en tant que conseiller à la Sécurité nationale, Donald Trump s’est entouré d’une équipe très anti-iranienne et très pro-israélienne. Cela amène certains analystes à penser que le locataire du bureau Ovale se prépare à une confrontation majeure avec Téhéran. Sans forcément en arriver là, il est clair que les prochaines semaines devraient permettre d’évaluer la volonté réelle, pas seulement affichée, de Washington d’en découdre avec l’Iran. Les Saoudiens et les Israéliens n’attendent que cela. Mais Washington envoie pour l’instant des signaux assez contradictoires entre une rhétorique extrêmement belliqueuse et une politique en Syrie et en Irak qui, dans les grandes lignes, s’inscrit dans la continuité de celle de Barack Obama.
(Lire aussi : Moscou, Téhéran et Ankara à l’affût d’un retrait américain de Syrie)
Mattis dernier modéré
Le plus grand coup de massue portée à l’héritage de Barack Obama sur la scène internationale serait sans doute la sortie des États-Unis de l’accord nucléaire iranien. Qu’importe que l’Iran respecte les termes de l’accord selon l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), le président américain a répété à maintes reprises sa volonté de le déchirer. S’il ne l’a pas encore fait, cela tient uniquement à la persévérance de plusieurs cadres de l’administration qui ont tout fait pour l’en dissuader. Parmi eux, seul le secrétaire à la Défense James Mattis est encore en poste, dernier modéré dans une équipe de faucons ultranationalistes.
En janvier dernier, Donald Trump a lancé un ultimatum aux Européens, cosignataires de l’accord, pour entreprendre de corriger les failles de ce dernier. Pour « sauver l’accord », Paris a tenté de négocier avec Téhéran un encadrement de son programme balistique et de sa politique régionale. En vain. Téhéran l’a renvoyé dans les cordes. Donald Trump devrait annoncer sa décision de se maintenir ou non dans l’accord avant le 12 mai prochain. Tout porte à croire qu’il a décidé de s’en retirer même si l’homme est réputé pour son imprévisibilité. Les autres signataires de l’accord (France, Russie, Chine, Grande-Bretagne, Allemagne) devraient tout de même tout faire pour le préserver. Mais comment réagira Téhéran ? Acceptera-t-il de poursuivre le gel de son programme nucléaire en cas de rétablissement des sanctions américaines ? Rien n’est moins sûr, même si Téhéran n’a sans doute pas intérêt, dans ce contexte, à franchir ce qui pourrait être considéré par les États-Unis et par Israël comme des lignes rouges.
Un tiers du pays
Ces mêmes lignes rouges, Téhéran n’hésite pas pour l’instant à les franchir en Syrie. Malgré les avertissements israéliens, Téhéran veut installer des bases permanentes dans ce pays et être en capacité de faire peser une menace sur l’État hébreu à partir d’un nouveau front. L’annonce par Donald Trump mardi d’un futur retrait américain de Syrie, nuancé hier par la Maison-Blanche, apparaît ainsi contradictoire par rapport à la volonté des Américains de faire rentrer l’Iran dans le rang. Compte tenu de son importance stratégique, la Syrie est censée être au cœur de la stratégie d’endiguement, voire de refoulement de l’Iran dans la région. Alors qu’ils n’ont jamais voulu s’engager en Syrie, les Américains se retrouvent dans une position paradoxale, où ils contrôlent plus ou moins un tiers du pays. S’ils se retirent, ils offriraient l’Est syrien sur un plateau à Téhéran et à Moscou. S’ils restent, ils asumeront le risque d’une confrontation indirecte avec Téhéran et ses obligés. Israël et l’Arabie saoudite sont attachés au maintien de la présence américaine en Syrie. Donald Trump le sait et donne l’impression de vouloir la monnayer auprès de Riyad. « J’ai dit (aux Saoudiens), bon, vous savez, vous voulez que nous restions (en Syrie), peut-être qu’il va falloir que vous payiez », a-t-il déclaré mardi lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche. L’argent comme nerf de la guerre : elle est peut-être là, l’explication de cette mystérieuse stratégie…
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commentaires (4)
Il est connu comme ça d’aillers Même en affaires il est imprévisible ... de nature ou stratégie
Bery tus
21 h 31, le 05 avril 2018