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Culture - Rencontre

Pierre Sarraf : Au Liban, le rôle du producteur de cinéma ne s’arrête jamais

Après un grand écart entre le monde pharmaceutique et celui du cinéma, l’ancien étudiant en médecine tombe dans la marmite du 7e art. Avec sa maison de production (... né à Beyrouth) et la création du Festival du film libanais, il signe de nombreuses productions. Et il répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

Pierre Sarraf, cofondateur de la boîte de production ... né à Beyrouth.

Vous avez un MBA en management au Canada. Quel apport cela donne-t-il à votre statut de producteur ?
Ces études m’ont donné les outils nécessaires. Et comme le domaine du cinéma m’était familier, j’ai pu les utiliser et même les accorder. Le cinéma est certes une passion, et la volonté d’en faire existait depuis le début, mais la chaîne du film doit être gérée comme une entreprise. J’ai donc appris en travaillant. Et c’est avec l’expérience accumulée que j’en suis arrivé là. Aujourd’hui, je peux avouer que bâtir toute une structure sur la production de films n’est pas rentable. Il faut donc avoir des alternatives : tourner des films publicitaires ou autres susceptibles de renforcer cette structure. De mon côté, il y a toujours eu cet équilibre entre ces deux voies, et je suis ravi de dire que ces dernières années, ce sont les films de fiction qui montaient en flèche. Je citerais Tombé du ciel, Go Home, In Syria et le dernier film de Nadine Labaki encore en gestation. La production est une question de vagues et … né à Beyrouth parvient à surfer sur les deux.

Comment un producteur décide-t-il de porter un projet cinématographique ?
C’est une question très difficile. D’ailleurs je l’enseigne dans un cours à l’ALBA. On peut y répondre avec la check-list suivante : le film doit être intéressant, l’histoire doit être actuelle, les personnages séduisants… Ce sont des éléments qui vont supposément inciter un producteur à rentrer dans un projet. D’autres questions peuvent aussi me venir à l’esprit, comme le fait de savoir si l’histoire doit me toucher personnellement ou non. Pour ma part, j’ai besoin d’avoir un affect vis-à-vis du sujet. Il me faut sentir une alchimie, tant avec l’histoire qu’avec l’équipe. Par contre, que le film soit libanais ou non, qu’il soit d’auteur ou non, de telles questions ne me touchent pas. Le cinéma actuel est tellement mondialisé qu’on trouve souvent sur chaque film quatre ou cinq personnes ou entités qui se partagent la production. Souvent les acteurs ne sont pas libanais, comme dans Go home (Golshifteh Farahani) ou In Syria (Hiam Abbas). On ne peut plus réfléchir comme à nos débuts, avec candeur. Certes, on défend le cinéma libanais, et surtout à travers le festival que j’ai créé. Mais s’agissant de la production, il y a des règles qu’il faut respecter.

À quel moment le producteur décide d’entrer dans le projet ?
Cela dépend du film. Pour In Syria, je peux dire que j’ai pris le train en marche, le film étant déjà sur les rails. Tandis que dans Tombé du ciel, j’ai travaillé et réfléchi le projet en amont. Il y a même certains films où nous proposons notre travail vers la fin. Encore une fois, tout dépend du film, et des affinités que le producteur a avec tel ou tel projet.

Les enjeux commerciaux d’un film dépassent-ils parfois les affinités affectives ?
Aujourd’hui, on doit certainement et malheureusement prendre les enjeux commerciaux en compte. Je me souviens qu’à mes débuts de producteur, il y a une dizaine d’années, j’étais simplement et naïvement superexcité de faire un film. Jusqu’à en oublier même la question d’assurer la vie de ce film. Actuellement, on sait qu’on ne doit pas négliger la distribution qui est un problème très épineux au Liban. La boîte de production a fait trop d’efforts et pris trop de risques pour s’arrêter au milieu du chemin.

Comment alors doit s’armer un producteur ? Et comment faire face à tous les problèmes qui accompagnent la chaîne du film ?
On me dit flegmatique. Il est vrai que je n’angoisse pas assez alors qu’il le faudrait. Mais avec l’expérience, j’ai appris à avoir du flair tout en étant très prudent. La grande problématique réside actuellement au niveau de la distribution. Je me souviens quand j’ai commencé dans le domaine, peu de réalisateurs faisaient des films. Notre premier long-métrage après quelques courts et documentaires s’intitulait Falafel de Michel Kammoun. Notre seul challenge de l’époque était de trouver les fonds nécessaires. On laissait la distribution aux mains d’équipes françaises. De nos jours, l’industrie cinématographique a mûri. Il y a plusieurs pôles de production qui connaissent déjà les méthodes et les sources de financement. Par ailleurs, nous sommes en train de produire de très bons films. Pour certains qui ont une structure de production solide, il n’est pas difficile de faire voyager le film et de le rendre visible et viable, mais il reste quand même un grand lot qui n’ont pas la possibilité d’être à l’étranger. Ils essayent alors d’optimiser leurs revenus localement.
Et c’est là que le bât blesse, car la distribution n’est pas d’un grand secours, les salles de cinéma ayant une logique trop commerciale à ce sujet. D’ailleurs, elles ne sont pas obligées d’aider. Ce serait bien alors d’établir des règlements qui seraient susceptibles de booster la production nationale, comme par exemple la subvention de ces salles qui seraient obligées de garder un film local pour un certain temps. Je suis obligé de dire qu’il y a un manque de créativité total au niveau de la distribution, ce qui pousse un producteur à rester présent jusqu’au bout. Jusqu’à la sortie du film en salle. Alors que son travail doit s’arrêter dès la fin de sa fabrication. Il est essentiel de cibler le public, de suivre le processus du film, au risque d’employer des moyens traditionnels comme le porte-à-porte. Les stratégies existent. Essayons de les adapter.


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